peut-être que trop fait dans quelques-unes de fes Epitres; rien de populaire dans fes tours beaucoup moins fondés, comme on le croit communément, fur les inverfions, que fur un certain arrangement qu'on ne fçauroit détailler qu'avec des exemples qui deviendroient trop longs, & au fujet duquel il fufiira d'avertir de chercher la différence de tour que les mêmes chofes prennent dans le langage fimple de la converfation des gens fpirituels & polis, & dans celui des cercles bourgeois, & de donner à la Poëfie la forte de différence fur les cercles polis que peuvent avoir ceux-ci fur les autres: Que la Poëfie enfin n'eft principalement Poëfie, que par ce que tout, exactement tout, Y prend un corps, une ame, un efprit, un visage. MONSIEUR, Je vous obéis, & vous me tiendrez compte de cette obéïffance, quand vous fçaurez qu'elle interrompt un filence & une inaction d'affez longue durée; furtout, quand il a fallu mettre la plume à la main. Vous jugez bien que l'oubli de la plupart des chofes, & la perte de l'habitude du ftile doivent naître néceffairement d'une oifiveté fuivie. J'ai tâché de remédier à tout cela par un travail affez affidu. Nous variâmes les matiéres dans nos converfations, à la Campagne de notre Ami M. De S. Les derniéres vous parurent intéreffantes: Nous y parlâmes des fingularités de la Nature dans fes Ouvrages, & de la maniére de vivre des Peu ples qui refpirent éloignés de nous. Le Parallele de ces chofes étrangères avec celles qui nous font familiéres, vous fit beaucoup de plaifir. Je ne fçai pourquoi nous fîmes grande mention des Indes, & furtout de Ceylan ; mais enfin, il en réfulta chez vous une envie d'avoir par écrit ce que je vous avois dit de cette Ifle. Mon amour propre fe fentit piqué de ce défir; il l'emporta fur ma pareffe, & fur quelques autres raifons; bref, je vous donnai ma parole, & je vais la tenir. J'ignore pourtant encore, fi je me ferai acquitté; & fi ce n'eft que j'ai été trèsfenfiblement touché de l'honneur d'une Requête de votre part, j'ignore prefque pourquoi je me fuis mis en état de vous donner plus que je n'ai promis. Peut-être regretterez-vous les bornes étroites que vous m'ayiez prefcrites; & fi cela arrive, je fuis puni par ayance, puifque j'aurai le chagrin de voir quelques veilles infructueufes ; & c'eft un vrai fupplice pour, un homme qui n'habite pas un cabinet. volontiers. Quoi qu'il en foit, l'Ouvrage a crû fous mes mains; & j'ai été furpris de. voir que ce qu'une Lettre devoit contenir, en remplit deux qui peut-être feront doublement longues. Un compte exact de.. inftruira de la caufe de ce détail. Je vous rendrai ce fidéle compte, perfuadé que dans l'état où j'ai mis l'acquit de ma parole, c'eft un des points de mon engage ment; & que s'il ne fauve point dans mon Ouvrage l'éxécution détaillée, il en juftifiera du moins l'idée principale. Ri J'ai voulu d'abord m'affortir dans touts les genres de fingularités, que peut fournir la maniére dont vous fouhaitez que foit décrite une Contrée auffi bien affortie que l'eft l'Ile de Ceylan. Cela n'a pa que produire une affez grande abondance de faits, dont le nombre m'a paru mériter de la méthode dans l'arrangement. J'ai conçu que le tout pouvoit être embraffé dans le cercle de quelques idées générales, qui fe fubdiviferoient naturellement en d'autres idées particuliéres ; & qu'après, il me resteroit à digérer mes recherches. J'avoue de bonnefoi, que dans l'exécution, je n'ai pas volontiers obmis des faits que je m'étois donné la peine d'écrire; & que quand j'ai tant fait- que retrancher quelqu'uns, qui me fembloient abfolument froids & inutiles, je me fuis racquitté par d'autres, dont le fuccès & le mérite me paroiffoient équivoques. Ces petits travaux fucceffifs ont donné à quel ques Mémoires l'air d'Ouvrage complet d'en Vous jugez bien, M. qu'alors il a fallu amener néceffairement les faits finguliers fuivant l'ordre le plus ordinaire, & les coudre le plus fouvent par d'autres faits, la plupart indifpenfables, mais beaucoup moins particuliers à ce que je me fuis propofé de décrire. Il n'eft pas poffible, que ces derniers faits foient auffi amufants que les autres; puifque rien n'eft extraordinair rement faillant qu'aux dépens de ce qui l'accompagne. Mais, lorfqu'on parle de Relations & de Voyages à la plupart des gens, il ne leur faut pas moins que des prodiges à chaque pas qu'ils font dans les Pays dont l'éloignement a frappé leur imagination: Auffi, voyent-ils fouvent des merveilles, quand l'Homme d'efprit ne découvre dans les chofes, que la route de la Nature la plus commune & la plus frayée. Je finis cette espéce de Préface par la derniére raifon, qui a déterminé une certaine étendue méthodique & affortie, à ce qui devoit fe borner à quelques faits ifolés, travaillés fans intention principale, qui leur affignât un ordre fixe, & qui les accompagnat indifpenfablement d'autres faits. Le goût fçavant que vous avez pour la |