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la première fois, son pacte avec Wallenstein, avait ordonné au général Altringher de joindre le chef espagnol avec les troupes impériales et catholiques de la HauteAllemagne, Feria et Altringher passèrent le Rhin près de Bâle et entrèrent en Alsace, mais ils y furent arrêtés court par les généraux suédois et allemands de l'union protestante, qui n'eurent pas même besoin de l'assistance que leur offrait l'armée Française établie en Lorraine. Le froid, la disette et la fatigue décimèrent les méridionaux amenés d'Italie par Feria, et les progrès que faisait l'ennemi en Bavière fournirent à point une excuse aux deux généraux catholiques pour abandonner leur entreprise et reconduire au delà du Rhin une armée à moitié ruinée. Le duc de Feria mourut du chagrin que lui causa ce mauvais succès.

Charles de Lorraine, voyant sa dernière chance évanouie, sortit, par une résolution extraordinaire, de l'humiliante condition qu'il s'était faite par ses fautes. Le 19 janvier 1634, il abdiqua en faveur du cardinal son frère, puis alla conduire à l'empereur ce qui lui restait de soldats reprenant le rôle pour lequel la nature l'avait fait, il devint, d'un mauvais souverain, un vaillant aventurier et un habile chef de guerre.

Les droits que Charles venait de transmettre à son frère Nicolas-François étaient fort sujets à litige. Leur père, François de Lorraine, comte de Vaudemont, avait revendiqué la couronne ducale, de par la loi salique, à la mort du dernier duc Henri, son frère, en 1624; mais on contestait que la loi salique fût applicable à la Lorraine, et le comte de Vaudemont n'avait tranché la question qu'en cédant ses droits à son fils aîné Charles, marié à sa nièce Nicole, fille aînée du dernier duc. Main

tenant, Nicole et sa sœur Claude pouvaient contester la transmission du duché à Nicolas-François. Le nouveau duc craignit que la France ne voulût faire valoir les droits des deux princesses; en épousant la nièce de Richelieu, il eût pu se garantir de ce péril; mais Richelieu, qui redoutait, sur toute chose, le reproche de gouverner dans son intérêt personnel, avait montré fort peu d'empressement pour cette alliance. Nicolas-François prévint le débat d'une autre manière suivant l'exemple de son frère, il épousa Claude, la plus jeune des deux héritières de Lorraine; vu l'urgence, il s'accorda à lui-même, en qualité d'évêque de Toul, la dispense des bancs, se promit, au nom du pape, la dispense de consanguinité, fit bénir et consomma son mariage, le tout dans la même soirée (16 février).

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A cette nouvelle, le maréchal de La Force, commandant l'armée qui occupait la Lorraine, marcha sur Lunéville, où avait eu lieu le mariage, s'empara de la ville et contraignit les nouveaux époux de revenir à Nanci, sous la surveillance de la garnison française. Le roi, n'approuvant pas ce mariage qui étoit plein de nulli«tés,» dit Richelieu, « ratifia la conduite du maréchal. » C'était abuser du droit du plus fort; car les nullités dont il s'agit ne regardaient pas le roi, si ce n'est par une extension outrée des vieux principes féodaux; mais on se croyait tout permis envers les princes lorrains. Le duc Nicolas-François venait, à la vérité, de donner un grave sujet de plainte au roi en refusant de lui livrer les actes relatifs au mariage de Gaston avec Marguerite de Lorraine. Le duc Nicolas-François et la duchesse Claude s'évadèrent de Nanci le 1er avril, à la faveur des espiègleries populaires du poisson d'avril, et gagnèrent la Franche

et que

Comté, d'où ils passèrent en Italie : ils s'établirent à Florence, où ils retrouvèrent leur parent le duc de Guise, comme eux fugitif et dépouillé de sa puissance et de ses honneurs; triste issue des hautes ambitions de cette race lorraine, qui avait failli s'asseoir sur le trône de France, l'exil dispersait maintenant à travers l'Europe! Richelieu se souciait assez peu de tenir la personne des ducs lorrains, pourvu qu'il tînt leur duché : les dernières places lorraines, encore inoccupées, reçurent des garnisons françaises; dès le commencement de l'année 1654, l'officier qui commandait pour le duc Charles à Saverne et à Hagueneau, menacé par les Suédois, avait ouvert ses places aux Français, qui franchirent ainsi les Vosges et mirent le pied en Alsace, pour n'en plus sortir (Mém. de Richelieu, 2o sér., t. VIII, p. 527-520).

Le procès contre le mariage de Monsieur et contre les princes lorrains, auteurs de ce mariage, continuait, cependant, au parlement de Paris, et la procédure était entremêlée de négociations avec Monsieur et la reine-mère. La politique de Richelieu était très-différente envers l'un et l'autre de ces royaux exilés. Le cardinal, par des motifs bien faciles à comprendre, désirait rappeler l'héritier du trône et tenir, au contraire, la reine-mère le plus loin possible; aussi engageait-il le roi à faire des avances à Gaston et à repousser les avances de Marie. Dans le courant de juillet 1655, un projet d'accommodement avec Monsieur avait été poussé fort avant; Marie, qui n'y était pas comprise, trouva moyen de le rompre en suggérant à Gaston des prétentions extravagantes. Elle voulut alors négocier pour son compte. L'exil lui était devenu insupportable: elle vivait assez mal avec Monsieur, et ses gens et ceux de son fils s'entre-détestaient

plus qu'ils ne détestaient Richelieu lui-même. Leurs querelles donnaient plus d'embarras à la vieille archiduchesse Claire-Eugénie, que tout le gouvernement de la Belgique.

Sur ces entrefaites, un certain Alfeston, déjà coupable d'un meurtre, fut arrêté à Metz, comme il arrivait de Bruxelles avec le dessein d'attenter à la vie du cardinal : il reconnut avoir été suborné par l'oratorien Chanteloube, principal conseiller de la reine-mere, et fut roué vif, par arrêt du parlement de Metz; le 22 septembre. Les gens de Marie prétendirent ce complot imaginaire; chez Monsieur, on ne douta pas de la culpabilité de Chanteloube 1.

Cet incident ne rendit pas le rapprochement du roi et de sa mère plus facile ! Un conseil de cabinet, tenu le 18 décembre 1635, décida qu'on ne devait pas rouvrir la frontière du royaume à la reine-mère, si elle ne livrait à la justice du roi ses pernicieux conseillers, c'est-à-dire Chanteloube, le pamphlétaire Saint-Germain et l'astrologue Fabroni, qui ne cessait de prédire la mort prochaine de Louis XIII. Marie eut beau faire sur elle-même l'effert inouï d'écrire un billet conciliant à Richelieu; le cardinal ne fit point de concessions; Richelieu connaissait trop bien Marie, pour espérer qu'elle lui pardonnât jamais'.

Il n'en était pas de même de Gaston, faible et lâche nature, qui ne savait ni aimer ni haïr! Aussi, tout en restant inflexible sur la question matrimoniale, le cardi

Recueil

1 Mém. de Gaston, duc d'Orléans; Coll., 2° série, t. IX, p. 599. Mém. de Richelieu, 2 sér., t. VIII, p. 490-498, 520–525. d'Auberi, t. I, p. 422. — Mém. de Gaston, duc d'Orléans, 2° sér., t. IX, p. 598 e suivantes.

nal ne cessait-il de faire offrir à Monsieur son pardon par le roi. Le 18 janvier 1654, le roi alla porter au parlement de Paris une déclaration qui accordait trois mois à Gaston et aux gens de sa maison pour se soumettre, avec abolition du passé en cas de soumission; mais, en même temps, le roi déclara solennellement qu'il ne renonnaîtrait jamais le mariage contracté par son frère, au mépris des lois fondamentales du royaume.

La déclaration royale fut suivie de plusieurs mesures économiques et administratives d'une haute portée. Richelieu se préparait à la guerre directe et générale, qui devenait de moins en moins évitable, en tachant de soulager le peuple par la réforme des abus, et de réorganiser les finances.

On a vu (t, XII, p. 520) quel était le triste état des finances, lors de l'assemblée des notables, en 1626: les plans de réforme adoptés à cette époque étaient demeurés sans réalisation, par le fait de la guerre et des besoins publics, et l'on avait été obligé de rendre le fardeau du peuple beaucoup plus lourd, en reportant la portion des tailles que touchait le trésor, à peu près au niveaų du produit total de cet impôt sous Henri IV, outre la partie si considérable des tailles qui était aliénée. Le surintendant d'Effiat avait formé le projet de racheter les aliénations ses successeurs Bullion et Bouthillier l'exécutèrent en décembre 1655: Les aliénations sur les tailles et gabelles, qui montaient à plus de 20 millions par an, furent réduites à moins de 14, par la vérification rigoureuse des titres; en février 1654, elles furent supprimées et remplacées par 11 millions de rentes, créées sur l'Hôtel-de-Ville de Paris. Les créances furent liquidées sur le pied du denier 14; malheureusement

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