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« royaume. » Le parlement avait déjà prononcé, selon les lois civiles: c'était donc des lois religieuses qu'il était question ici. Le roi avait l'air de reculer et d'annuler implicitement l'arrêt du parlement; mais Louis et Richelieu considérèrent cette concession comme purement nominale, Puy-Laurens ayant promis secrètement, par écrit, d'amener Monsieur, sous deux mois, à reconnaître la nullité de son mariage, promesse en échange de laquelle Richelieu garantit à ce favori la main d'une de ses cou-sines et un brevet de duc et pair.

les

Monsieur, craignant ou feignant de craindre que Espagnols ne le retinssent par force, partit de Bruxelles à franc étrier le 8 octobre au matin, et poussa, tout d'une traite, jusqu'à la Capelle. Après une entrevue de réconciliation avec le roi et le cardinal, il se retira dans son apanage, à Orléans, où il ne tarda pas à voir arriver une députation de théologiens, conduite par le père Joseph, qui venaient lui démontrer l'invalidité de son mariage, et le presser d'en convenir par une lettre au roi. Gaston refusa, et s'en référa au jugement canonique de l'Eglise. Richelieu crut comprendre ce que cela signifiait, et, par l'accomplissement des engagements pris envers PuyLaurens, il mit ce favori en demeure d'accomplir sa promesse. Richelieu n'y gagna rien. Le nouveau duc de Puy-Laurens, devenu cousin du cardinal par alliance, n'en répondit pas plus sincèrement aux avances de Richelieu, et ne fit rien pour décider Gaston à ce qu'on désirait de lui. Sur ces entrefaites, le cardinal découvrit que Gaston, avant de quitter Bruxelles, avait écrit au pape de ne tenir aucun compte de tout ce qu'on pourrait lui extorquer, relativement à son mariage, après son retour en France. Puy-Laurens, quoiqu'il eût juré de n'a

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voir plus de secrets pour Richelieu, s'était bien gardé de lui révéler celui-là: il recommençait aussi, malgré ses serments, à entretenir des correspondances à l'étranger. Le châtiment ne se fit point attendre : Puy-Laurens fut arrêté au Louvre, le 14 février 1655, et envoyé à Vincennes. Monsieur, tout étourdi du coup, écouta, sans protester bien vivement, les explications que lui donna le roi, et se contenta d'intercéder pour qu'on n'intentât pas de procès criminel à Puy-Laurens. On eût pourtant fini par là; mais, « après quatre mois de prison, la bonne fortune de Puy-Laurens, » dit Richelieu, « le retira du monde, et le déroba à l'infamie d'une mort honteuse qu'il ne pouvoit éviter. » On parla, comme toujours, de poison, sans qu'il y eût là d'autre poison que le chagrin, le mauvais air de la prison et le dur traitement que subit le captif'.

pas

Monsieur, n'étant plus excité par personne, ne fit de nouvelle équipée, comme on eût pu l'appréhender, mais témoigna plus d'opiniâtreté qu'on ne le prévoyait sur l'article de son mariage, et s'en tint aux termes de son pacte avec le roi. On résolut donc de lui donner cette décision canonique qu'il demandait. On ne put rien obtenir du pape Urbain VIII ne nia pas qu'on eût le droit d'annuler les effets civils d'un mariage contraire aux lois du royaume, mais prétendit que les effets religieux du sacrement étaient indestructibles, et que le sacrement avait été conféré avec les conditions prescrites par le concile de Trente. Alors, à la grande satisfaction des gallicans, on

1 Griffet, Histoire de Louis XIII, t. II, p, 483-497, 543-555. Mém. de Gaston, 20 série, t. IX, p. 601-605. - Mém. de Montrésor, e série, t. III, p. 189-199.Mém. de Fontenai-Mareuil, 2e série, t. V, p. 237. Recueil d'Auberi, t. Ier, p. 427. - Manuscrits de Colbert, no 46.

s'adressa au clergé de France : le 6 juillet 1635, l'assemblée du clergé, réunie à Paris, déclara le mariage nul, la matière du sacrement ayant manqué, parce que les contractants n'avaient pas qualité pour le recevoir; en d'autres termes, le clergé français reconnut que les lois civiles pouvaient mettre des empèchements dirimants au mariage; et certes il n'y avait pas de loi plus raisonnable que celle qui, dans les états monarchiques, interdisait aux princes de se marier contre le gré du roi. Tous les couvents de Paris adhérèrent à cette décision, les uns, purement et simplement, comme les capucins; les autres, comme les jésuites et les cordeliers, en réservant le jugement de l'Eglise universelle'.

Monsieur se soumit par écrit à la décision de l'assemblée; mais sa soumission n'était pas sincère, et il l'avait annulée d'avance par la lettre expédiée de Bruxelles au pape. Il demeura d'ailleurs tranquille dans son apanage, tandis que sa femme restait en Brabant, et cessa, pendant quelque temps, d'occuper l'attention publique, absorbée par les phases de la guerre immense qui s'étendit, cette année-là, du Pô jusqu'à la Baltique.

Le retour de Monsieur avait débarrassé Richelieu fort à propos d'un obstacle qui l'empêchait d'agir en toute liberté. Il s'était passé en Allemagne des événements qui nécessitaient les plus énergiques efforts de la part de la France.

La campagne de 1653, comme on l'a vu, avait été malheureuse pour la maison d'Autriche, si ce n'est sur le point où Wallenstein commandait en personne. La cour de Vienne, chagrine d'avoir si mal profité de la mort de

1 Mercure, t. XX, p. 1003-1060. Griffet, t. II, p. 484-612-655.

Gustave-Adolphe, rejetait la responsabilité de son désappointement sur son généralissime, qui, à la fin de la saison, avait encore laissé Bernard de Weimar prendre Ratisbonne et s'avancer victorieusement jusqu'à Passau. L'Espagne, les jésuites, le duc de Bavière, criaient à la trahison. Wallenstein, de son côté, reprochait à l'empereur de transgresser leurs conventions réciproques, et voyait, avec une fureur concentrée, Ferdinand se préparer à lui donner pour successeur le roi de Hongrie. Wallenstein se décida enfin à réaliser les plans qui n'avaient peut-être jusqu'alors été pour lui que des rêves ambitieux et de vagues éventualités. Il fit prêter à tous ses lieutenants un serment de confédération « pour la défense de sa personne et de l'armée,» invita Bernard de Weimar et les généraux de l'électeur de Saxe à le joindre en Bohème, et écrivit à Feuquières, ambassadeur de France en Allemagne, qu'il acceptait les propositions secrètes du roi.

Pendant ce temps, un arrêt de proscription était lancé contre lui à Vienne : Piccolomini, un des généraux auxquels il se fiait le plus, avait révélé tous ses desseins à l'empereur. La cour de Vienne prit si bien ses mesures que la ville de Prague et la plus grande partie de l'armée se soumirent sur-le-champ. Wallenstein, avec le reste de ses troupes, se retira de son quartier général de Pilsen à Egra, sur les confins de la Bohème, de la Saxe et du HautPalatinat, afin d'y attendre les secours des chefs protestants; mais ceux-ci, qui soupçonnaient le généralissime impérial de jouer un jeu double, ne s'étaient approchés de la Bohème qu'avec lenteur et défiance: ils ne se trouvèrent point en mesure de joindre à temps Wallenstein; le 15 février 1654, Wallenstein fut surpris et assassiné,

dans la citadelle d'Égra, par trois de ses officiers qu'avaient séduits les promesses de l'empereur.

La mort de cet homme, qui avait sauvé l'Autriche et qui menaçait de la perdre, rendit au parti impérial un libre et vigoureux essor. Ferdinand donna le commandement général au roi de Hongrie, son fils aîné, qui débuta par reprendre Ratisbonne, après un terrible siége, et par faire évacuer la Bavière aux Suédois. De là, le roi de Hongrie passa en Souabe, où il fut renforcé par un corps d'armée espagnol et italien qui arrivait de Milan et que conduisait le cardinal-infant, frère du roi d'Espagne l'infant avait ordre d'aller prendre le gouvernement de la Belgique, en traversant l'Allemagne et en prêtant main-forte aux Impériaux sur son passage. Les Austro-Espagnols combinés furent plus heureux que l'année précédente. Bernard de Weimar et le maréchal suédois Horn étaient accourus au secours de Nordlingen, assiégé par les princes autrichiens. Horn voulait attendre un renfort l'impétueux Bernard voulut combattre et attaquer, avec vingt-cinq mille hommes, quarante mille ennemis avantageusement postés. Les Impériaux eurent leur revanche de Leipzig et de Lutzen. La fortune des compagnons de Gustave vint se briser contre l'inexpérience des deux jeunes princes autrichiens, guidés par de vieux et habiles généraux, par Galas, Piccolomini, Jean de Wert et Leganez. L'armée protestante fut entièrement défaite : Horn fut pris; Weimar ne dut son salut qu'à la vitesse de son cheval (6 septembre). La Souabe fut livrée à la discrétion des vainqueurs, et l'on vit bientôt paraître leur avant-garde sur le Rhin. Le duc Charles de Lorraine, qui avait figuré dans l'action comme général de la Ligue Catholique, et qui avait inauguré sa nouvelle carrière par

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