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d'éclatants exploits, défit, le 28 septembre, en face de Strasbourg, le corps allemand du rhingrave Otto, qu n'avait point pris part à la bataille.

Toute la Haute-Allemagne était dans la terreur : déjà la Franconie et le Palatinat étaient entamés; la ligne du Rhin allait être coupée; l'électeur de Saxe, à qui des succès en Silésie et en Lusace avaient semblé rendre un peu de zèle, se remettait à négocier avec l'empereur. Tout le parti chancelait : on pouvait craindre que les Suédois eux-mêmes, menacés d'être abandonnés des Allemands, ne se résignassent à une paix désavantageuse, si la France ne jetait enfin le fourreau de l'épée.

La France était prête. Les revers mêmes de ses alliés allaient la servir comme avaient fait leurs victoires. Les Suédois ne pouvaient plus garder la rive gauche du HautRhin, et devaient choisir de la livrer aux Français ou aux Autrichiens. Dans les premiers jours d'octobre, Philipsbourg, que les Suédois avaient enlevé aux Espagnols en janvier dernier, fut remis, moyennant une forte somme, entre les mains des Français, qui y avaient droit comme protecteurs de l'évêché de Spire. Bientôt après, le rhingrave Otto, qui commandait en Alsace pour les confédérés, évacua Colmar, Schelestadt et beaucoup de petites places, sans attendre les ordres du directeur général Oxenstiern les maréchaux de La Force et de Brezé prirent possession de ces villes, auxquelles le roi de France garantit leurs priviléges et libertés. L'évêque de Bâle avait déjà demandé, depuis quelques mois, le protectorat français.

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Pendant ce temps, deux ambassadeurs suédois et alle

1 Voyez le traité de Louis XIII avec la ville de Colmar, dans le Corps diplomatique de Dumont, t. VI, p. 444.

mand signaient à Paris, le 1er novembre, un traité par lequel le roi s'engageait à rompre «< avec les ennemis communs, à condition que les électeurs de Saxe et de Brandebourg ne feraient point de paix séparée : le roi, dans ce cas, promettait aux confédérés d'outre-Rhin un secours de douze mille hommes, au lieu du million qu'il payait annuellement aux Suédois, et s'engageait à tenir, de plus, sur la rive gauche du Rhin, une armée considérable, moyennant quoi la France serait représentée en Allemagne par un général et par un membre du conseil de direction, au choix du roi : Benfeld, encore occupé par les Suédois en Alsace, serait remis à Louis XIII, et Brisach, si l'on pouvait le prendre, lui serait accordé comme tête de pont vers la Souabe (Dumont, t. IV, p. 79).

Oxenstiern fit grande difficulté de ratifier ce pacte, qui diminuait sa position dans l'Empire; mais, sur ces entrefaites, les événements marchaient avec rapidité. L'administrateur, qui régissait le Palatinat au nom du jeune fils du feu palatin Frédéric, avait invoqué la protection de Louis XIII, et appelé les Français à Manheim. Les Suédois tenaient encore garnison à Heidelberg, capitale du Palatinat; les Impériaux et les Bavarois vinrent les y assaillir. Les maréchaux de la Force et de Brezé se portèrent au secours de Heidelberg, et firent lever le siége, le 23 décembre. Les quatre cercles de la Haute-Allemagne acceptèrent, dans une diète tenue à Worms, le traité du 1er novembre.

Les Impériaux se vengèrent par une attaque contre l'évêché de Spire, qui était censé neutre sous le protectorat français. Philipsbourg fut surpris dans la nuit du 23 au 24 janvier 1635 les Français perdirent, avec cette forte tête de pont outre-Rhin, beaucoup d'argent, une artillerie

et des approvisionnements considérables. Les Impériaux occupèrent ensuite Spire, qui n'avait point de garnison. La guerre commença ainsi de fait entre la France et l'empereur. Les maréchaux de la Force et de Brezé, renforcés par Bernard de Weimar, reprirent Spire vers la mi-mars. Sur ces entrefaites, le duc Charles de Lorraine était entré en Alsace avec une division de troupes impériales et catholiques; il y rencontra un adversaire, dont la réapparition comme général au service de Richelieu était un fait bien caractéristique c'était le duc Henri de Rohan. L'indomptable chef des rebelles huguenots devenu le lieutenant du vainqueur de La Rochelle, c'était là un magnifique symbole de l'unité nationale fondée par le grand ministre. Rohan rejeta par deux fois le prince lorrain en Souabe; puis, traversant la Suisse, toujours neutre au milieu de la guerre universelle, il alla se saisir de la Valteline avec six ou sept mille hommes, du consentement des Grisons, afin de couper les communications du Milanais avec l'Autriche.

Ces premiers mouvements offensifs excitèrent une attente immense la France était remplie de préparatifs militaires qui dépassaient tout ce qu'on avait jamais vu dans le royaume, et les diplomates français parcouraient incessamment l'Europe, depuis Stockholm jusqu'à Turin et depuis Londres jusqu'à Varsovie, intelligents et infatigables ouvriers d'une trame gigantesque, dont tous les fils aboutissaient à Paris. Maintenir les protestants allemands dans l'alliance de la France et de la Suède, tâcher encore, s'il était possible, de détacher la Ligue Catholique de la maison d'Autriche, détourner les Polonais et les Danois de mettre à profit les embarras de la Suède, arracher la Belgique à l'Espagne, de concert avec les Hollandais, sans

que l'Angleterre s'y opposât, chasser les Espagnols du Milanais avec l'assistance des états italiens, consolider le protectorat de la rive gauche du Rhin par la promotion de Richelieu à la coadjutorerie de l'archevêque de Trêves: tel était le plan que méditait le cardinal, pour réaliser enfin, comme le dit un de ses confidents, « les desseins qu'avoit Henri le Grand quand il mourut » (FontenaiMareuil, p. 238.)

Le 8 février 1635, fut signé à Paris un traité par lequel la France et la Hollande convinrent d'envahir les Pays-Bas catholiques au printemps, chacune avec trente mille soldats; les deux armées devaient se joindre au cœur du pays ennemi; on inviterait les populations belges à secouer le joug espagnol et à se former en corps d'État libre; seulement le roi aurait la propriété de la côte de Flandre sur une profondeur de deux lieues, depuis Gravelines jusqu'à Blankenberghe, au nord d'Osende, plus Namur et Thionville; les Provinces-Unies auraient Hulst et le Waës, Breda, Gueldre et Stephenweert. Si la Belgique restait dans le parti des Espagnols, elle serait conquise et partagée : au roi, le Luxembourg, Namur, le Hainaut, l'Artois, la Flandre et le Cambresis; aux Provinces-Unies, Anvers, le Brabant, la côte nord de Flandre, au-dessus de Blankenberghe. La conservation de la religion catholique était stipulée dans le partage des Hollandais. Le roi d'Angleterre serait invité à entrer en traité avec les puissances contractantes, qui prendraient ses intérêts en considération, ou tout au moins à garder la neutralité (Dumont, t. VI, p. 80).

On comptait sur les embarras intérieurs de Charles Ir pour l'empêcher de traverser l'entreprise.

Les négociations n'allèrent pas si vite ni si bien en

Italie. Le pape refusa d'autoriser l'archevêque de Trèves à nommer Richelieu son coadjuteur, et enleva ainsi au ministre français la chance de siéger un jour parmi les électeurs du Saint-Empire. A plus forte raison, Urbain VIII, qui venait d'envoyer Mazarin en France pour tâcher de négocier la paix générale, n'était-il pas disposé à s'associer à une ligue contre la maison d'Autriche. Venise s'excusa aussi de s'engager dans une guerre offensive; les Génois avaient trop d'intérêts en Espagne; le grand duc de Toscane ne se laissa pas non plus entraîner. Edouard Farnèse, duc de Parme, fut le seul prince italien qui, froissé par l'orgueil espagnol, entra vivement dans les projets de la France. Le duc de Savoie lui-même se montrait froid et incertain; Victor-Amédée, qui n'avait pas l'ambitieuse ardeur de son père, regrettait plus encore Pignerol qu'il ne convoitait Milan. Il régnait, chez tous les princes d'Italie, une malheureuse défiance contre la France; depuis qu'ils la voyaient si forte et si active, ils la craignaient autant que l'Espagne même, et ne pouvaient se figurer que les Français eussent un autre but que de se substituer aux Espagnols dans la domination de la Péninsule. Il y eut là un malentendu fâcheux pour la France et funeste à l'Italie. (Mémoires de FontenaiMareuil, p. 222.)

Un traité d'alliance fut cependant conclu, le 11 juillet 1635, à Rivoli, entre Louis XIII et les ducs de Savoie, de Parme et de Mantoue, pour l'invasion et le partage du Milanais il était stipulé que chacun aurait part au butin, au prorata des troupes fournies; mais, par des traités particuliers, la France promit de renoncer au Milanais, moyennant la cession qui lui serait faite de Casal par le duc de Mantoue et de quelques vallées piémontaises, voi

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