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venait de rendre à l'empereur la libre disposition d'une partie de ses armées, et Ferdinand en avait profité pour envoyer à la hâte Piccolomini au secours de la Belgique à la tête de vingt mille hommes. Déjà Piccolomini était à Namur avec une nombreuse avant-garde. Les vivres commençaient à manquer aux Franco-Bataves, qui avaient compté sur les ressources d'un pays ami, et qui trouvaient les villes en défense et les villages déserts. Les généraux ne crurent pas pouvoir continuer le siége de Louvain, en présence d'un ennemi qui allait être fort supérieur en cavalerie. Dès le 4 juillet, ils se replièrent lentement sur la Meuse, vers Ruremonde, où ils restèrent jusqu'à la fin du mois dans l'incertitude et l'inaction. Les ennemis employèrent mieux leur temps le 28 juillet, un détachement espagnol de la garnison de Gueldre surprit le fort de Schenk, place située à la pointe orientale de l'île de Betaw ou de Batavie, et qui était comme la clef des Provinces-Unies. Le cardinal-infant et Piccolomini accoururent de ce côté, et les généraux franco-bataves, au lieu de conquérir la Belgique, furent réduits à couvrir la Hollande. Le maréchal de Châtillon fut rappelé par mer avec quelques troupes; le gros de l'armée, fort diminué par la misère et la désertion, demeura pour aider le prince d'Orange à reprendre le fort de Schenk.

L'expédition sur laquelle on avait fondé de si brillantes espérances, avorta ainsi complètement : l'ennemi put même, à la fin de la saison, envoyer sa cavalerie légère saccager les campagnes de la Picardie, au nord de la Somme; le maréchal de Chaulnes, gouverneur de Picardie, rendit la pareille aux champs de l'Artois. On rejeta le mauvais succès des alliés sur le prince d'Orange, qui

avait montré une lenteur et une hésitation singulières dans ses mouvements et mal soutenu sa haute réputation militaire: bien des gens pensèrent que les Hollandais craignaient plus la France que l'Espagne, et ne souhaitaient pas avoir les Français pour voisins par le partage de la Belgique. Richelieu, dans ses mémoires, hésite cependant à inculper Frédéric-Henri, et paraît croire que ce prince, habile preneur de villes, entendait mieux la guerre de siéges que la grande guerre de campagne, telle qu'il eût fallu la faire. La mauvaise santé de FrédéricHenri était peut-être la véritable explication de son peu d'activité.

Quoi qu'il en fût, le prince d'Orange était si découragé, que, durant l'hiver, il entama, contrairement au traité du 8 février, des négociations avec l'ennemi à l'insu de la France. Par bonheur, Richelieu, pour qui rien n'était longtemps secret, découvrit et parvint à faire rompre ces pourparlers'.

Un incident remarquable avait eu lieu sur mer durant la campagne de Belgique. Il avait été convenu, par le traité du 8 février, qu'une flotte hollandaise bloquerait la côte de Flandre, et que, de plus, deux escadres française et hollandaise, de quinze vaisseaux de cent à quatre cents tonneaux chacune, se joindraient pour nettoyer le Pas-de-Calais et la Manche. Au bruit de cet armement, le roi d'Angleterre, qui avait reçu les avances de la France et de l'Espagne sans prendre d'engagements avec personne, équipa une flotte, afin de maintenir a les prétentions imaginaires qu'il a d'être roi de la mer,

» dit

1 Mém. de Richelieu, 2o sér., t. VIII, p. 606-614. Mém. de Fontenai-Mareuil ibid., t. V, p. 245. Recueil d'Auberi, t. I, p. 463-510. — Louis XIII, t. II, p. 597.- Grotii Epist. 425.

Griffet, Hist. de

Richelieu, et fit afficher à la Bourse de Londres qu'il entendait entretenir la police du canal et la liberté du trafic, en sorte que toutes les flottes étrangères qui viendraient à passer reconnussent sa souveraineté dans le détroit. Les Hollandais, certains que les Français répondraient par des coups de canon à la sommation de baisser pavillon, et ne voulant pas rompre avec Charles Ier, se séparèrent de leurs alliés sous le premier prétexte venu, et l'escadre française, trop faible pour tenir seule la mer, dut rentrer aux ports1. Richelieu se souvint, en temps et lieu, de l'arrogant procédé de Charles Ier.

La situation n'était guère meilleure dans l'Est que dans le Nord. Le traité de Prague avait bouleversé l'Allemagne protestante: l'égoïsme, la peur, un motif plus excusable, la lassitude des maux affreux que les peuples souffraient depuis tant d'années, avaient amené successivement l'électeur de Brandebourg, le duc de Lunebourg, les princes d'Anhalt, un des ducs de Weimar, plusieurs des principales villes libres, à subir la paix dictée par l'électeur de Saxe; tout ce qui n'était pas encore soumis négociait; les forces suédoises de l'Allemagne septentrionale et orientale se retiraient vers la Baltique; il n'y avait plus, dans l'Allemagne occidentale, que le landgrave de Hesse-Cassel et le duc Bernard de Weimar qui tinssent tète à l'ennemi; encore Bernard, qui commandait sur le Rhin à la fois pour les couronnes de Suède et de France, s'était-il replié jusqu'à la Sarre, après avoir laissé des gar

1 Mém. de Richelieu, 2e sér., t. VIII, p. 624-622. La théorie des prétentions anglaises sur la souveraineté des mers qui environnent les lles Britanniques fut donnée, sur ces entrefaites, dans toute son audace et sa crudité, par le livre de Selden, Mare Clausum. Grotius avait réfuté d'avance Selden en établissant les principes de la liberté des mers dans son fameux traité de Jure Belli et Pacis.

nisons dans les places suédoises du Rhin. L'ennemi prenait partout l'offensive avec vigueur. Après le départ de Rohan pour la Valteline, le duc Charles de Lorraine, revenu à la charge avec une armée volante, composée, en grande partie, de cavalerie légère hongroise et croate, avait réussi, non-seulement à rentrer en Alsace, mais à pénétrer dans son duché, où la plupart des populations lui gardaient un attachement opiniâtre, malgré les misères qu'il avait attirées sur elles. La vieille affection des Lorrains pour la maison ducale et les brillantes qualités qui s'associaient chez le duc Charles IV à tant de défauts et de vices, exerçaient une sorte de fascination sur la multitude. Les petites villes sans garnisons et les châteaux se révoltaient en faveur de Charles: les paysans faisaient la petite guerre dans les bois et les rochers des Vosges ou servaient d'espions aux gens du duc; repoussé sur un point, Charles reparaissait sur un autre. Le vieux maréchal de La Force et le cardinal de La Valette, gouverneur de Metz, qui commandait les troupes françaises en Alsace et en Lorraine, eurent l'avantage sur le prince lorrain toutes les fois qu'ils purent le joindre, mais ne parvinrent ni à le défaire complètement, ni à le chasser du pays (avril-juillet).

Pendant ce temps, le général Galas avait passé le Rhin à la tête d'une armée impériale, repris Spire, emporté Worms sur les Suédois, et s'avançait contre Bernard de Weimar, après avoir laissé un corps d'observation devant Mayence. Richelieu, toujours enclin à employer les gens d'église, non seulement dans la politique, mais dans la guerre, avait cru reconnaître de grands talents militaires chez son ami le cardinal de La Valette : il le chargea de mener quinze à vingt mille hommes sur

la Sarre, au secours du duc Bernard. Weimar et La Valette réunis ressaisirent l'offensive, refoulèrent Galas sur le Rhin, débloquèrent Mayence et prirent Bingen; mais ces succès furent plus que balancés par la défection de l'importante cité de Francfort, qui, trompée par le faux bruit d'une victoire de Galas, accepta, sur ces entrefaites, la paix de Prague, ainsi que firent Ulm et Nüremberg. La perte de Francfort et peut-être aussi la jalousie du commandement empêchèrent le landgrave de Hesse de rejoindre Weimar et La Valette, afin d'opérer tous ensemble en Allemagne. L'armée manqua bientôt de vivres dans un pays depuis longtemps dévasté : les troupes françaises, peu accoutumées à pâtir, diminuaient à vue d'œil; la noblesse donnait l'exemple de la désertion. Il fallut repasser le Rhin au milieu de septembre et retourner vers la Sarre, à travers la partie la plus rude et la plus difficile du BasPalatinat cis-rhénan. L'armée de Galas, renforcée et pleine d'ardeur, suivait de près les généraux alliés et tâchait de gagner les devants pour leur couper la retraite. L'approche de l'ennemi ranima les Français; ils s'ouvrirent le passage par plusieurs combats très-brillants, où l'infanterie française chargea et renversa à coups de piques les redoutables escadrons des cuirassiers impériaux. Néanmoins, les généraux ne crurent pas devoir défendre la lide la Sarre, où il n'y avait point de magasins, et ne s'arrêtèrent que sous le canon de Metz.

gne

Partout la guerre se rapprochait des frontières françaises. En Lorraine, où le cardinal de La Valette avait été fort mal remplacé par le duc d'Angoulême, le duc Charles, tournant hardiment les forces qui lui étaient opposées, avait été reprendre, par la connivence des habitants, la ville de Saint-Mihiel-sur-Meuse, en arrière

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