Images de page
PDF
ePub

aux Suédois de respirer et de concentrer leurs forces; leur général Baner avait repris vivement l'offensive dans l'automne de 1635, et remporté des avantages considérables sur les Saxons. La diplomatie française, habile auxiliaire des Suédois, empêcha le roi de Dannemark et les princes de la Basse-Saxe de céder aux instigations des Espagnols, qui tâchaient de les amener à s'unir à l'électeur de Saxe pour imposer une paix désavantageuse aux Suédois. La clause de la paix de Prague, qui obligeait les signataires de cette paix à tourner leurs armes contre quiconque ne l'accepterait pas, resta donc sans exécution chez une grande partie des princes protestants allemands. Le 20 mars 1636, un nouveau traité fut signé à Wismar, entre la France et la Suède. La France s'engageait à maintenir la guerre dans les états autrichiens cis- rhénans; la Suède, à en faire autant dans la Bohême et la Silésie, afin d'arriver à rétablir les libertés d'Allemagne dans l'état où elles étaient en 1618. La France recommença de payer un million par an à la Suède (Dumont, t. VI, p. 123).

La France s'apprêtait, en effet, à porter ses armes dans une portion des états autrichiens cis-rhénans, jusqu'alors respectée par la guerre.

Achever de nettoyer la Lorraine et l'Alsace, envahir la Franche-Comté, qui, infidèle au pacte de neutralité qui la protégeait, avait fourni toute espèce de secours à nos ennemis, et atteindre la limite du Jura comme on avait atteint celle du haut Rhin; d'une autre part, doubler l'armée d'Italie pour encourager le duc de Savoie à une plus franche coopération, réunir dans la Méditerranée toutes les forces maritimes créées depuis l'avènement de Richelieu, déployer puissamment le pavillon français sur

cette mer d'où il avait presque disparu depuis les guerres de religion, et en revendiquer l'empire par une grande bataille, recouvrer les îles de Lérins ou attaquer la Sardaigne, menacer les côtes barbaresques, et obliger enfin les pirates africains, par la peur, à respecter les traités et à rendre leurs nombreux esclaves chrétiens, tels étaient les projets du cardinal pour cette année.

La plan était beau: malheureusement, l'exécution n'y répondit pas.

En Italie, les hostilités avaient continué, pendant l'hiver, par les incursions des Franco-Piémontais sur les terres du duc de Modène, allié de l'Espagne, et par les ravages des Espagnols sur les domaines du duc de Parme, allié de la France. Quand il s'agit d'entrer sérieusement en campagne, le duc de Savoie et le maréchal de Créqui ne s'entendirent pas mieux que l'an passé le duc se plaignait que le maréchal ne déférât pas suffisamment au commandement en chef que le roi lui avait donné, Créqui reprochait à Victor-Amédée ses lenteurs et ses hésitations perpétuelles, qui tenaient en partie à sa mauvaise santé. Le duc retarda jusqu'à la fin du printemps l'exécution d'un plan formé pour joindre Rohan au cœur du Milanais, après avoir chassé l'ennemi des domaines du duc de Parme. Les Franco-Piémontais pénétrèrent jusqu'au Tésin dans les premiers jours de juin : le maréchal de Toiras, qui, depuis longtemps en butte à la défiance de Richelieu, vivait en Italie dans une espèce d'exil, et avait pris du service sous le duc de Savoie, fut tué, le 14 juin, à l'attaque de Fontaneto. La place, cependant, fut prise, et Créqui passa le Tésin sur des barques. Victor-Amédée était encore sur l'autre rive le marquis de Lleganez, gouverneur du Milanais, essaya de

mettre à profit la séparation des confédérés, et toutes les forces espagnoles assaillirent brusquement les Français. Ceux-ci, inférieurs en nombre, se défendirent avec un opiniâtre courage, et le duc de Savoie eut le temps d'achever un pont qu'il jetait sur le Tésin, et d'arriver au secours de ses alliés. Les Espagnols furent repoussés avec grande perte (22 juin).

Le duc de Savoie s'était bravement comporté durant l'action; mais on ne put le décider à profiter du succès. Il ne voulut ni marcher sur Milan, ni aller rejoindre le duc de Rohan, qui, maître de la rive orientale du lac de Como, attendait depuis longtemps les confédérés à Lecco. Une pointe de quelque parti de cavalerie espagnole en Piémont servit de prétexte à Victor-Amédée, pour retourner, dit-il, à la défense de ses états : Créqui fut obligé de le suivre, et, dès le milieu d'août, les troupes furent mises en quartier d'hiver. Les Espagnols recommencerent à ravager tout à leur aise les terres du duc de Parme, le châtier de son alliance avec la France.

pour

Le vrai motif de l'étrange conduite du duc de Savoie, c'est que ce prince avait promis de céder à la France une certaine étendue de territoire autour de Pignerol, en échange de la part de Louis XIII dans les conquêtes qu'on ferait en Milanais: Victor-Amédée, esprit timide et défiant, craignant qu'à la paix générale, l'Espagne ne recouvrât le Milanais, et que la France ne gardât les vallées piémontaises, faisait donc tout son possible pour ne rien conquérir, afin de n'avoir rien à céder 1.

La campagne de mer ne fut pas plus fructueuse. Elle avait débuté par une démonstration imposante. Le vœu

1 Mém. de Richelieu, 2e sér., t. IX, p. 33-50. Mém. du maréchal du PlessisPraslin, 3e sér., t. VII, p. 360–362,

des notables de 1626 (V. t. XII, p. 524) avait été réalisé : la France possédait sur l'Océan quarante-sept navires de guerre; on n'en laissa que huit dans les principaux ports: tout le reste, divisé en trois escadres, Bretagne, Guyenne et Normandie, se réunit dans les eaux de Ré; l'amiral portait mille tonneaux et cinquante-deux canons; onze vaisseaux étaient de cinq cents à six cents tonneaux, et d'environ trente canons; la plupart des autres jaugeaient deux cents à trois cents tonneaux; la force totale était d'environ sept cent cinquante canons. Le commandement en chef avait été confié au comte d'Harcourt, prince lorrain, cadet du duc d'Elbeuf, mais brouillé avec son frère et attaché à Richelieu, qui lui avait imposé pour lieutenant et pour surveillant l'archevêque de Bordeaux, Henri de Sourdis, nouvelle application du système d'église militante si cher au cardinal. Sourdis, au reste, avait donné d'incontestables preuves de zèle et de capacité devant La Rochelle. Le retard de « l'argent nécessaire pour l'armée» et le manque de poudre firent perdre un grand mois. On avait accordé à un partisan le privilége de vendre seul de la poudre, et cet homme la fournit non- seulement en quantité tout à fait insuffisante, mais de mauvaise qualité; heureux le pouvoir, si cette leçon l'eût corrigé de la manie de monopoles qui gagnait tous les gouvernements! La flotte du Ponant quitta enfin nos parages le 23 juin, traversa le détroit de Gibraltar, sans que les Espagnols essayassent de lui disputer le passage, prit sur sa route un vaisseau anglais qui avait refusé de baisser pavillon devant l'amiral français, et arriva, le 12 août, aux îles d'Hières, pour y rallier les galères de Provence et une quatrième escadre de vaisseaux à voiles formée dans nos ports du Levant par les soins de l'évêque de Nantes,

autre prélat guerrier. Mais, là, Harcourt et Sourdis ne trouvèrent rien de prêt pour l'attaque des îles de Lérins : le maréchal de Vitri, gouverneur de Provence, homme brutal et jaloux, irrité de ce qu'on l'avait subordonné au comte d'Harcourt, ne fournit pas les troupes de débarquement sur lesquelles on comptait, et rendit inutile le bon vouloir des Etats de Provence, qui avaient voté 1,200,000 livres pour la reprise des îles. Les chefs perdirent le temps en querelles, dans lesquelles Vitri en vint à ce point d'insolence de lever le bâton sur Sourdis. Ses procédés méritaient un châtiment sévère; mais le roi, qui se vengeait souvent, par des taquineries, de l'impérieuse domination qu'exerçait sur lui son ministre, et qui avait gardé à Vitri, le meurtrier du maréchal d'Ancre, une vieille sympathie de complice, se fit longtemps prier avant de consentir à le destituer et à l'emprisonner. La flotte hiverna en Provence, après quelques escarmouches insignifiantes contre l'armée navale des Espagnols, qui, beaucoup plus forte en galères, mais beaucoup plus faible en vaisseaux, évita une affaire générale 1.

Des événements d'un bien autre intérêt se passaient, sur ces entrefaites, dans l'Est et dans le Nord.

L'hiver avait à peine interrompu les opérations du duc de Weimar et du cardinal de La Valette, qui, en janvier et février 1636, ravitaillèrent les places alsaciennes malgré Galas. Quelques combats heureux eurent lieu sur la frontière au printemps; puis le duc et le cardinal, ressaisissant l'offensive à la tête de leurs troupes reposées et

1 Correspondance de Henri de Sourdis, éditée par M. E. Sue, dans le recueil des Documents sur l'Hist. de France, publié par le ministère de l'Instruction publique; t. Ier, p. 25-236. - Mém. de Richelieu, 20 sér., t. IX, p. 95–99. – Mém. de Fontenai-Mareuil, p. 254.

« PrécédentContinuer »