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der à Rome d'abjurer son inflexible passé pour embrasser la politique nouvelle, de quitter Bellarmin pour Grotius et Richelieu, Rome recula, et les Suédois, de même. Alors on chercha un moyen terme: on proposa deux conférences, l'une, à Cologne, entre les puissances catholiques, l'autre, à Hambourg, entre les catholiques et les protestants; le pape serait médiateur dans la première ; Venise, dans la seconde ; les deux assemblées communiqueraient ensemble, sans que le légat du pape communiquât avec les protestants.

Au fond, Richelieu ne voulait point de paix, ou plutôt il la jugeait impossible, tant que le glaive n'aurait pas décidé entre les deux politiques qui étaient aux prises; mais il avait compris l'immense difficulté d'atteindre le but d'une seule haleine, et il eût consenti à une trève générale, durant laquelle chacun eût gardé ses positions, et qu'il eût employée à organiser et à fortifier la France. Ses adversaires n'en voulurent pas. La pensée de la maison d'Autriche était de continuer l'œuvre de la paix de Prague, c'est-à-dire d'amener les plus faibles de ses adversaires à des traités séparés, afin de pouvoir agir avec toutes ses forces contre les autres. L'empereur et l'Espagne suscitèrent tant de difficultés sur les préliminaires de la négociation, que toute l'année 1637 s'écoula sans qu'on eût avancé d'un pas. Le légat du pape eut le temps de se morfondre à Cologne. Il devint évident qu'on n'au – rait pas plus de trève que de paix (Richelieu, ibid., p. 55-200).

La guerre avait été poussée de part et d'autre avec une vivacité nouvelle durant cette année.

Ferdinand II mourant avait rappelé Galas en Allema

gne, afin de l'opposer aux Suédois victorieux. Au mois de mars 1637, le duc de Poméranie étant mort, l'électeur de Brandebourg, depuis quelque temps neutre, se joignit aux Impériaux et aux Saxons pour arracher aux Suédois cette province qu'il regardait comme son héritage. Le parti impérial avait réuni toutes ses ressources. Les Suédois furent obligés d'évacuer la Saxe, et perdirent une partie de la Poméranie; il fallut tout le génie militaire de Baner, digne successeur du grand Gustave, pour disputer le terrain pied à pied à des ennemis si supérieurs en nombre. La mort du landgrave de Hesse-Cassel, qui s'était lié à la France par un nouveau traité, fut encore un avantage pour la cause autrichienne, bien que la courageuse veuve de ce prince continuât, autant qu'elle le pût, les entreprises de son mari. Le 21 juin, la redoutable forteresse de Hermanstein (Ehrenbreitstein), isolée de tout secours et sans cesse bloquée depuis deux ans par les forces ennemies, capitula avec Jean de Wert, et fut remise en dépôt, par le commandant français, entre les mains de l'électeur de Cologne. La ville de Coblentz était dès longtemps perdue, et les Français, ainsi, n'eurent plus rien dans l'électorat de Trèves.

Les affaires n'allaient pas bien non plus du côté de l'Italie. Le duc de Parme, menacé de perdre son duché envahi par les Espagnols, avait été contraint, au commencement de l'année, de renoncer à l'alliance française. Les intérêts français subirent, vers le même temps, un plus grave échec dans les Alpes, sur le point même où les armes de la France avaient jusqu'alors brillé davantage. L'Autriche et l'Espagne n'avaient rien pu par la force contre le duc de Rohan: elles réussirent mieux par l'in

trigue. Les Grisons avaient accueilli les Français à bras ouverts, lorsque ceux-ci étaient arrivés, en 1635, pour chasser les Espagnols de la Valteline; mais, quand les Grisons virent que les Français victorieux s'établissaient dans la Valteline au lieu de la leur rendre, laissaient percer l'intention d'y rester jusqu'à la fin de la guerre géné– rale, et gardaient des postes fortifiés sur le territoire même des Ligues Grises, ils commencèrent à murmurer. Cependant, comme la meilleure partie de leurs milices était à la solde de la France, et qu'on leur avait garanti un fort subside, tant qu'on les paya bien, ils patientèrent; malheureusement l'argent vint à manquer. Richelieu, dans ses Mémoires, accuse Rohan d'avoir mal ménagé les fonds qu'il recevait. Rohan, de son côté, dit que le ministère français, absorbé par la guerre de Picardie et de Bourgogne, négligea tout à fait les Grisons et laissa l'arriéré s'accumuler jusqu'à la valeur d'un million. Une longue maladie de Rohan aggrava le mal en laissant le champ libre aux agents autrichiens. L'Autriche et l'Espagne désiraient tellement faire sortir les Français de la Valteline, qu'elles abandonnèrent complètement leur ancienne politique relativement à ce pays, et offrirent, non- seulement de payer aux Grisons une partie de l'arriéré dû par les Français, mais de leur garantir la souveraineté de la Valteline à des conditions plus désavantageuses au catholicisme et aux Valtelins que les Français ne l'avaient voulu faire. Les Grisons acceptèrent secrétement ces propositions et promirent de s'insurger contre les Français à un jour donné.

Rohan s'était établi à Coire, pour tâcher de calmer les esprits, et y avait passé l'hiver, attendant toujours l'ar

gent qui n'arrivait pas, et le pouvoir de conclure un accommodement quant à la Valteline. Il reçut enfin un faible à-compte qu'il distribua aux chefs des Grisons, mais trop tard l'insurrection n'en éclata pas moins, le 18 mars 1637. Rohan n'eut que le temps de se réfugier dans un fort bâti par les Français, à peu de distance de Coire. Il y fut bloqué par les Grisons, qui se saisirent du pont de Steig sur le Rhin, principale communication de leur pays avec la Suisse : des troupes autrichiennes étaient sur la frontière du Tyrol, des troupes espagnoles, à l'entrée de la Valteline, prêtes à s'avancer au premier appel des Grisons. Rohan ne crut pas la résistance possible, quoique la petite armée française qui occupait la Valteline fût en assez bon état. Il traita sans attendre les ordres du roi, et promit que la Valteline et le territoire grison seraient entièrement évacués le 5 mai. Des envoyés du roi arrivèrent sur ces entrefaites avec la solde arriérée et tous les pouvoirs nécessaires pour conclure une transaction plus honorable; mais il n'était plus temps; les Grisons étaient trop engagés. Le traité de Rohan dut être exécuté.

Rohan, aigri par l'abandon où on l'avait laissé, et peut-être moins mécontent, comme protestant, qu'il n'eût dû l'être, comme Français, de la conduite des Grisons, s'était un peu hâté d'abandonner la partie, du moins à ce que l'on crut en France; et Richelieu, qui pardonnait difficilement les mauvais succès, lui en garda une rancune qu'attestent ses Mémoires et son Testament Politique. Rohan, si plausible que pût être sa justification, ne voulut pas se remettre sous la main du cardinal: il s'excusa sous divers prétextes de rejoindre ou l'armée

française d'Italie, ou celle de Bourgogne, et se retira à Genève1.

Il n'y eut, cette année là, aucun fait militaire de quelque portée en Lombardie, où les hostilités continuaient sur les confins du Piémont, du Milanais et du Montferrat.

Les deux alliés que la Frauce avait conservés en Italie, les dues de Savoie et de Mantoue, moururent à trois semaines de distance (13 septembre 7 octobre), Ce fut encore un double malheur. Victor-Amédée de Savoie

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n'avait pas été un allié bien actif pour la guerre offensive, mais on était assuré de lui, du moins pour la défensive. Après lui, on ne put plus compter sur rien: il laissait deux fils en bas âge sous la tutelle d'une veuve galante, faible et versatile, tiraillée entre son amant et son confesseur, et menacée par deux beaux-frères, ennemis de la France et populaires en Piémont. Dans le duché de Mantoue, ce fut pis encore: la bru du feu duc, tutrice du petit-fils qui héritait de ce prince, inclinait ouvertement vers les Espagnols.

L'aspect de l'horizon était heureusement bien différent sur tous les autres points.

La flotte française, inutile l'année précédente, agit enfin dans le courant de février: elle mit à la voile de Toulon pour la Sardaigne, fit sur cette île une espèce de fausse attaque qui n'eut d'autre résultat que la surprise et le pillage d'Oristagni, puis se rabattit brusquement sur les îles de Lérins. Les Espagnols s'y étaient fortifiés tout à leur aise depuis deux ans, et l'attaque de Sainte-Marguerite, la principale des deux îles de Lérins, paraissait

1 Mém. de Richelieu, 2o sér., t. IX, p. 451-442. p. 648-674.

T. XIII.

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- Mém. de Rohan, ibid., t. V,

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