Images de page
PDF
ePub

1

faible garnison, et qui ne se rendit que le 26 juillet. L'attaque de Dunkerque n'eut pas lieu les vents contrarièrent la flotte hollandaise et fournirent un prétexte honnête au prince d'Orange, qui ne se souciait guère de prendre Dunkerque pour le compte de la France, et qui aimait beaucoup mieux prendre Breda pour le sien. Frédéric-Henri mit le siége devant Breda le 23 juillet. La Meilleraie, qui devait le joindre à Dunkerque, alla renforcer La Valette, et les Français, descendant la Sambre, entrèrent le 5 août à Maubeuge, place à peu près sans défense. L'embarras du cardinal-infant, gouverneur de la Belgique, était extrême : ce prince se trouvait absolument hors d'état de tenir tête à la fois aux Français et aux Hollandais; il essaya d'abord de faire lever le siége de Breda par une diversion contre les places hollandaises de la Meuse i prit Venloo et Ruremonde, mais Frédéric-Henri ne quitta pas son siége. Pendant ce temps, les Français n'avaient en tête aucun corps d'armée capable de disputer la campagne.

:

La Valette ne tira pas d'une situation aussi avantageuse le parti qu'on espérait à la cour. Il pouvait ou pousser au cœur de la Belgique ou, si les souvenirs de 1635 l'empêchaient d'être trop hardi, assiéger Avesnes avec une partie de son armée, tandis que l'autre fortifierait puissamment Maubeuge, poste très-avantageux, et continuerait à nettoyer le bassin de la Sambre. Il ne fit rien de tout cela il perdit un mois à forcer quelques châteaux, puis se rabattit sur La Capelle, cette bicoque de la Thierrache que les ennemis avaient gardée depuis leur expédition de Corbie, et la reconquit sans beaucoup de peine ni de gloire (20 septembre). Le cardinal-infant était revenu en Hainaut et avait opéré sa jonction avec Piccolomini, qui

:

lui avait ramené d'Allemagne quelques milliers de soldats et qui était parvenu à traverser rapidement le Luxembourg en évitant la rencontre du maréchal de Châtillon. L'armée ennemie, arrivée trop tard pour secourir La Capelle, assaillit Maubeuge, qu'occupait une division de l'armée française. Les Impériaux et les Espagnols furent reçus avec tant de vigueur, qu'ils abandonnèrent l'attaque et se retirèrent au plus vite, de peur d'être écrasés entre les défenseurs de Maubeuge et les forces qui venaient de reprendre La Capelle. L'officier qui commandait à Maubeuge était le frère cadet du duc de Bouillon, et se nommait Henri de La Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne. C'était la troisième campagne dans laquelle se signalait, avec un éclat toujours croissant, ce jeune homme appelé à de si hautes destinées militaires (Mém. de Montglat, p. 54).

Malgré cet avantage, le cardinal de La Valette ne crut pas pouvoir conserver Maubeuge durant la mauvaise saison : il l'évacua après l'avoir démantelée, et mit ses troupes en quartiers d'hiver avant la fin d'octobre. Breda, qui avait jadis résisté trois années au fameux Spinola, s'était rendue le 7 octobre à Frédéric-Henri, après deux mois et demi de siége. Du côté du Luxembourg, Châtillon avait emporté Damvillers et quelques autres petites places dont les garnisons avaient longtemps inquiété le nord de la Champagne.

Ni le roi ni Richelieu ne furent satisfaits de l'ensemble des opérations : le ministre perdit l'opinion exagérée qu'il avait eue des facultés guerrières de son ami et confrère La Valette, qui s'était montré brave soldat, mais médiocre gé néral, et la faveur du belliqueux cardinal baissa quelque

peu

à la suite d'une campagne où, avec de grands moyens, il avait fait fort peu de chose.

Richelieu avait eu, cette année, à soutenir la guerre, non pas seulement contre l'Espagne et l'Empire, mais contre des adversaires d'apparence moins redoutable, qui lui donnèrent presque autant de souci. Une petite fille et un vieux moine avaient osé s'attaquer au colosse qui faisait trembler l'Europe.

Une très-jeune fille d'honneur de la reine, Louise de La Fayette, avait inspiré au morne Louis XIII le sentiment le plus vif qu'il eût encore éprouvé, vivacité qui eût été du calme pour tout autre, car la passion du roi ne dépassa pas les bornes de l'amour platonique. Mademoiselle de La Fayette était parente du père Joseph, et Richelieu ne s'inquiéta point d'abord de l'attachement du roi pour elle; mais il eut bientôt la certitude que cette jeune personne le desservait. Louise s'était mis en tête que Dieu l'avait destinée à délivrer la chrétienté de cet homme terrible, qui seul, à ce qu'on lui racontait, s'opposait à la paix générale, s'alliait aux hérétiques contre les catholiques, brouillait le roi avec sa mère, avec sa femme, avec son frère. Elle s'ouvrit au confesseur du roi, au jésuite Gaussin, personnage d'une imagination ardente et mystique, qui était sous l'influence d'un dangereux intrigant de son ordre, du père Monod, confesseur de la duchesse de Savoie, instrument lui-même, selon toute apparence, du général des jésuites. Le confesseur et l'amie du roi se coalisèrent secrètement contre le ministre. L'entrée de Louise dans un couvent n'arrêta pas la cabale: le roi continua d'aller voir la novice au parloir; il rapportait de ces entretiens une inégalité d'humeur qui n'échappait point au car

dinal.

Sur ces entrefaites, un incident grave vint tout à point au secours de Richelieu. La reine, qui avait toujours pris part directement ou indirectement à tout ce qui s'était fait contre le ministre, entretenait une correspondance secrète avec les cours de Londres et de Bruxelles, le duc de Lorraine et divers agents espagnols. Le cardinal avait en permanence, sur toutes les routes, des émissaires occupés à dépister et à détrousser les espions, les courriers et les messagers suspects. Un paquet intercepté livra au ministre une lettre du marquis de Mirabello, ancien ambassadeur d'Espagne, à la reine. Le roi, informé sur-le-champ de cette découverte, ordonna au chancelier Séguier1 et à l'archevêque de Paris de se transporter au couvent du Val-deGrâce, dans le faubourg Saint-Jacques, où Anne d'Autriche faisait de fréquentes retraites sous prétexte de dévotion, et d'y fouiller l'appartement de la reine. Anne avait été avertie à temps: les papiers qui pouvaient la compromettre avaient disparu, et, le jour de l'Assomption, elle jura sur le saint-sacrement, au secrétaire du cardinal, qu'elle n'avait point de correspondance à l'étranger; cependant, lorsque le chancelier, de retour à Chantilli, où était la cour, vint l'interroger au nom du roi et lui représenter la lettre de Mirabello, elle fut bien obligée de confesser avoir écrit quelques lettres à ses parents, mais elle nia qu'il y fut question d'affaires d'État. On lui fit entendre qu'on en savait beaucoup plus qu'elle n'en disait, qu'il y avait là un cas de répudiation, et qu'elle n'obtiendrait son pardon que par un aveu franc et complet. Anne s'effraya et fit appeler Richelieu, qui lui promit, si elle voulait

1 Pierre Séguier, nommé garde-des-sceaux en remplacement de Châteauneuf, en 1633, était devenu chancelier à la mort du titulaire d'Aligre, exilé de la cour, et oublié depuis 1626.

être sincère, de la réconcilier avec le roi. Elle avoua par écrit avoir donné des avis à Bruxelles pour qu'on tâchât d'empêcher l'Angleterre de s'allier à la France et le duc de Lorraine de s'accommoder avec le roi, promit « de ne retourner jamais à de pareilles fautes, » et consentit à ne plus remettre le pied dans les couvents, et à ce que le roi fût averti par ses femmes de toutes les lettres qu'elle écrirait (17 août). Richelieu lui tint parole: il fit écrire par Louis XIII une promesse de pardon en échange de ces aveux, et lui fit embrasser la reine. C'était user modérément de la victoire; les dispositions de Richelieu vis-à-vis d'Anne d'Autriche s'étaient modifiées, depuis que le cardinal avait renoncé à faire rompre le mariage de Monsieur et à remarier ce prince à sa nièce de Combalet, si toutefois ce projet hardi avait été réellement conçu. Monsieur restant uni à une princesse d'une race ennemie, il devenait plus désirable que jamais que le roi pût avoir un fils: le cardinal avait jusqu'alors éloigné Louis XIII de sa femme, dans la crainte qu'Anne ne prit une influence dangereuse; après ce qui venait de se passer, cette influence était impossible, et Louis pouvait être sans inconvénient le mari de sa femme.

La mésaventure de la reine ne découragea pourtant pas les ennemis de Richelieu. Mademoiselle de La Fayette et le père Caussin poursuivirent leurs sourdes attaques, d'autant plus à craindre qu'elles partaient d'une conviction sincère. Le jésuite se servait de toute espèce d'armes; tantôt, à l'instigation d'Anne d'Autriche, il allait rechercher la vieille histoire de l'amour du cardinal pour la reine; tantôt il s'en prenait à la conscience du roi, qui, s'il n'avait pas un grand amour de Dieu, avait une peur

« PrécédentContinuer »