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son sort en volant l'argent destiné à l'entretien de sa garnison.

On découvrit et l'on comprima, peu de temps après, une conspiration tramée, de l'aveu de la princesse régente de Mantoue, pour massacrer la garnison française de Casal et livrer cette capitale du Montferrat aux Espagnols. La princesse, voyant le coup manqué, n'osa écla– ter ni réaliser un traité secret qu'elle avait conclu avec l'Espagne.

La duchesse douairière de Savoie, Christine de France, eût bien voulu, non point passer à l'ennemi comme la princesse de Mantoue, mais s'abstenir de renouveler l'alliance du feu duc Victor-Amédée avec Louis XIII, alliance qui expirait au mois de juillet 1638, et accepter la neutralité que les Espagnols offraient au Piémont. Christine, excitée par son confesseur Monod, ennemi personnel du cardinal, résista quelque temps à l'impérieux ascendant de Richelieu, mais sans oser se décider en sens contraire. Les Espagnols, qui n'avaient parlé de neutralité que pour mettre la duchesse hors de garde, se jetèrent brusquement sur le Piémont, en annonçant qu'ils venaient, non pas dépouiller le jeune duc François-Hyacinthe, mais le délivrer de la tyrannie des Français. Lleganez mit le siége devant Verceil avec vingt mille hommes (20 mai). La duchesse, effrayée, signa, le 3 juin, un nouveau pacte de deux ans avec la France. Le cardinal de La Valette, ca rgé de remplacer le maréchal de Créqui, essaya de secourir Verceil; mais il était déjà bien tard: Christine avait différé, jusqu'au dernier moment, de fournir son contingent; ses officiers n'avaient pas voulu laisser entrer les troupes françaises dans Verceil, et la duchesse et ses conseillers avaient semblé plus en défiance des Français que

T. XIII.

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des Espagnols. La Valette, qui n'avait qu'environ treize mille soldats, réussit à jeter un renfort considérable dans la place (19 juin); mais Lleganez n'en poursuivit pas moins son siége, et le gouverneur piémontais capitula dès le 5 juillet, faute de munitions.

Lleganez ne put pousser plus loin ses avantages, une partie de ses troupes ayant été rappelée en Espagne pour secourir la Biscaye envahie par les Français. Les affaires du Piémont ne se rétablirent pourtant pas la mort du petit duc François-Hyacinthe, qui ne survécut pas plus d'un an à son père, y jeta une nouvelle confusion (4 octobre). Le second fils de Victor-Amédée fut proclamé sous le nom de Charles-Emmanuel II; mais bien des gens suspectaient la légitimité de sa naissance, soupçon qui se fondait sur les mœurs peu régulières de Christine: gouvernement de la duchesse se discrédita de plus en plus, et une révolution, fomentée par les Espagnols, se prépara en Piémont.

le

L'honneur que gagna la flotte française dans les mers d'Italie dédommagea un peu la France des échecs essuyés sur terre. L'archevêque de Bordeaux avait été appelé dans l'Océan avec la moitié de la flotte qui avait repris les iles de Lérins, et le comte d'Harcourt était resté dans la Méditerranée avec dix-huit vaisseaux: Pont-Courlai, neveu de Richelieu, commandait en outre quinze galères. Le plan de Richelieu, pour cette année, était d'envoyer Harcourt et Pont-Courlai attaquer le port d'Alger, afin de châtier les Algériens de l'infraction récente des traités qui assuraient aux Français la possession du Bastion de France, comptoir fortifié situé à l'extrémité orientale de l'Algérie; on devait aussi insulter Tunis, et tâcher d'in spirer aux Barbaresques la crainte de la marine française.

Ou manque d'argent ou manque de diligence, » dit Richelieu, l'armée mit trop tard à la voile pour exé«< cuter le dessein de Barbarie; » mais, le 1er septembre, Pont-Courļai, qui s'était séparé d'Harcourt, assaillit, en vue de Gênes, une escadre espagnole égale en nombre de bâtiments, mais chargée de plus de trois mille, soldats d'élite on se battit, quinze galères contre quinze, avec une fureur et une obstination extraordinaires, jusqu'à ce que l'amiral espagnol eût été tué, et la Patrone réale d'Espagne, enlevée à l'abordage par la Cardinale de France. Les Espagnols perdirent alors courage, et se retirèrent dans le port de Gènes, emmenant avec cux trois galères françaises et en laissant six des leurs entre les mains des Français. La plupart des capitaines et des lieutenants des galères avaient péri de part et d'autre'.

Dans le Nord, la France et la Hollande étaient convenues d'agir chacune de leur côté, comme l'année précédente. Richelieu avait eu de nouveau la pensée d'attaquer la côte de Flandre; mais il craignait que le roi d'Angleterre, malgré ses embarras, ne se décidât à rompre, dans ce cas, avec la France. Il envoya le comte d'Estrades à Londres dès la fin de 4657, pour demander à Charles Ier de rester neutre, et lui offrir, en compensation, le secours de la France contre ses sujets rebelles. C'était le moment où se formait, parmi les Écossais, la fameuse ligue politique et. religieuse, dite le Covenant (la convention), pour résister à l'introduction de l'épiscopat anglican dans l'église presbytérienne d'Ecosse. Charles répondit que, si les Français ou les Hellandais attaquaient la côte de Flandre, il enverrait une flotte et

1 Mém, de Richelieu, 2e sér., t. IX, p. 253-257,

HI, p. 79. - Levassor, t. V, p. 506.

Correspondance de Sourdis,

une armée au secours des ports flamands; qu'il n'avait besoin de l'assistance de personne pour dompter ses sujets rebelles.

On lui offrit alors d'entrer dans la confédération contre la maison d'Autriche on eût rétabli ses neveux, les princes palatins, dans leurs droits et dans leurs domaines, et les places maritimes qu'on eût prises en Flandre eussent été gouvernées en forme de république sous le patronage de la France, de l'Angleterre et de la Hollande. Charles n'accepta pas.

« L'année ne se passera pas, » écrivit Richelieu à son envoyé, « que < que le roi d'Angleterre ne se repente d'avoir refusé les offres du roi ! » Et il enjoignit à l'ambassadeur français d'entrer sur-le-champ en négociation secrète avec les mécontents d'Ecosse.

Cette même année, éclata la grande rébellion d'Ecosse, qui fut le prologue de la Révolution d'Angleterre.

La conduite du gouvernement anglais excusait le procédé de Richelieu. Les Anglais, par les mains desquels passait, depuis l'ouverture de la guerre, tout le commerce extérieur de la France et de l'Espagne, ne se contentaient pas du profit immense que leur valait leur neutralité ils violaient à chaque instant cette neutralité au détriment de la France, soit en portant dans les ports espagnols toute espèce de contrebande de guerre, soit même en vendant aux navires espagnols l'escorte de leur marine royale. Ils refusaient aux Français et aux Hollandais le droit de visiter les bâtiments marchands, droit qu'eux-mêmes avaient exercé, avec la dernière rigueur, pendant leur guerre contre l'Espagne. L'ambassadeur anglais en Piémont s'était joint aux Espagnols pour tâcher de détacher de la France la duchesse Christine.

Partout la neutralité anglaise n'était qu'une hostilité mal déguisée1.

Richelieu ne voulut pas compliquer la position par une rupture ouverte avec l'Angleterre : l'armée française attaqua l'Artois, au lieu de la Flandre maritime. Le maréchal de Châtillon entreprit le siége de Saint-Omer, avec quinze à vingt mille soldats : le maréchal de La Force couvrit le siége avec une réserve de dix mille hommes, et le maréchal de Brezé, à la tête d'un troisième corps, prit poste vers le Hainaut et le Luxembourg, afin de s'opposer à Piccolomini, qui était, avec ses Impériaux, entre le Rhin et la Meuse ( fin mai). La circonvallation de Saint-Omer était difficile, à cause des marais formés devant cette ville par la rivière d'Aa: Châtillon, trèsbrave guerrier, mais « alenti par la pesanteur de son corps, dit Richelieu, ne pressa pas les travaux avec l'activité qui eût éte désirable, et commit quelques fautes graves. Le cardinal-infant, qui dirigeait très habilement la défense générale de la Belgique, avait chargé le prince Thomas de Savoie de ravitailler Saint-Omer: Thomas parvint à y jeter un renfort à travers les marais, en passant sur le corps à deux régiments français qui voulurent l'arrêter (8 juin). On ne se découragea pourtant pas : La Force vint se réunir à Châtillon et compléter l'investissement (fin juin). On comptait sur une diversion des Hollandais pour empêcher l'ennemi de secourir puissamment Saint-Omer. Le prince d'Orange avait paru menacer Anvers une division hollandaise était débarquée

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Correspondance du

1 Mém. de Richelieu, 2e sér., t. IX, p. 284-305, 523-325. comte d'Estrades, t. 1er. Griffet, t. III, p. 156-158. Mém. de Bassompierre, p. 351. - Suivant sir W. Temple (t. II, p. 561), Richelieu aurait envoyé aux Ecossais 200,000 pistoles (2,200,000 francs de notre monnaie).

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