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le 13 juin, à la digue de Callao, et attaquait les forts du bas Escaut; mais, avant que Frédéric-Henri eût pu suivre son avant-garde, le cardinal-infant assaillit à l'improviste les agresseurs la panique se mit parmi les Hollandais, et leur déroute fut complète.

Le cardinal-infant fut libre alors d'expédier ses principales forces au secours de Saint-Omer. Piccolomini, qui était rentré dans l'intérieur de la Belgique sans se soucier du maréchal de Brézé, alla joindre le prince Thomas avec treize mille combattants. Dans la nuit du 7 au 8 juillet, une digue mal gardée fut emportée par Thomas, qui ouvrit ainsi ses communications avec la ville. Les Français avaient élevé, au milieu des marais, sur le canal de Saint-Omer à Gravelines, un fort qui était comme la clef de leurs positions: Piccolomini attaqua les avenues de cette forteresse, tandis que le comte de Nassau-Siegen, un des généraux hispano-impériaux, insultait les quartiers du maréchal de La Force, campé à Esperlecques. La Force chargea, culbuta, poursuivit au loin le comte de Nassau; mais, pendant ce temps, le prince Thomas et Piccolomini atteignaient leur but, en dépit du maréchal de Châtillon. Lorsque La Force, le lendemain, rejoignit son collègue, Châtillon proposa de tourner les marais, d'aller assaillir Thomas et Piccolomini, et de délivrer à tout prix le fort du Bac, où l'ennemi assiégeait un détachement de deux mille Français. Le conseil de guerre jugea l'entreprise trop chanceuse, à cause de la nature des lieux et des postes dont s'était emparé l'ennemi, et l'on eut l'affront de voir le fort du Bac se rendre en présence de l'armée. Le siége de Saint-Omer fut levé le 16 juillet.

Les deux maréchaux essayèrent de rétablir la réputa

tion des armes françaises en allant emporter et raser Renti (9 août), presque sous les yeux du roi, qui s'était avancé jusqu'à Abbeville avec le cardinal; puis ils se dirigèrent du côté du Vermandois, et reprirent d'assaut Le Câtelet, que l'ennemi avait conservé deux ans (14 septembre). Les généraux ennemis, satisfaits d'avoir délivré l'importante ville de Saint-Omer, ne voulurent pas compromettre leur avantage par des tentatives hasardeuses pour secourir ces deux petites places (Récueil d'Auberi, t. II, p. 117-234).

Du côté de la frontière d'Espagne, les événements furent considérables, et les succès, très-mêlés. On avait résolu de rendre à l'Espagne, sur les côtes de Biscaye, les agressions par elle tentées dans les parages de la Provence, du Languedoc et du Labourdan. Il y avait une difficulté préalable. Richelieu était mécontent du vieux duc d'Epernon et de son second fils, le duc de La Valette, qui commandait sous lui en Guyenne. Monsieur, selon son honorable coutume, avait révélé au cardinal la participation de La Valette aux menées de 1636: le service rendu l'année suivante contre les croquants eût pu faire pardonner un complot demeuré sans effet; mais de nouveaux griefs avaient compensé ce service. Epernon et son fils avaient montré peu de bon vouloir pour aider les Basques français et les Béarnais à chasser les Espagnols du Labourdan: le vieux duc, afin de ménager sa popularité en Guyenne, avait refusé de prêter son ministère à des levées de deniers extraordinaires destinées à repousser l'ennemi. Richelieu n'entendait donc point confier d'armée au gouverneur de Guyenne, et ne voulait pourtant pas le pousser à bout en envoyant dans sa province un simple général investi d'une autorité supérieure à la

sienne l'envoi d'un prince du sang, de Condé, avec le commandement en chef sur la frontière des Pyrénées, parut l'expédient le plus convenable. Le duc de La Valette fut lieutenant-général sous Condé. Malheureusement Condé était un fâcheux pis-aller: on avait déjà pu s'en apercevoir devant Dôle.

On devait attaquer par mer plus puissamment encore que par terre. Dix-huit vaisseaux étaient revenus de la Méditerranée avec l'archevêque-amiral Henri de Sourdis: dix-sept avaient été armés dans les ports de l'Océan, entre autres le vaisseau amiral la Couronne, de deux mille tonneaux, le plus grand navire qu'eût encore eu la France; vingt-trois vaisseaux avaient été achetés ou loués en Hollande. Sourdis ne devait pas seulement seconder les opérations du prince de Condé et chercher à prendre avantage sur la flotte espagnole, mais s'avancer jusque sur les côtes de Portugal, s'il jugeait que les mécontents portugais fussent en état d'exécuter « quelque dessein d'importance. » Les mécontents de Portugal étaient déjà comme ceux d'Ecosse, entrés en relations secrètes avec Richelieu, et un agent français, nommé Saint-Pé, passa secrètement dans ce pays avant la fin de l'été de 4638, afin d'examiner l'état des esprits et de faire des ouvertures au duc de Bragance, descendant des anciens rois de Portugal. Sourdis avait aussi des instructions pour le cas où il rencontrerait une armée navale anglaise : « si l'armée angloise vouloit contraindre celle du roi au salut, S. M. commande audit sieur archevêque de tout hasarder plutôt que de faire ce préjudice à l'honneur de la France. Les deux armées pourront passer sans se saluer. »

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La flotte ne fut pas prête de bonne heure les vaisseaux hollandais tardèrent beaucoup. Condé s'ébranla enfin

sans plus attendre l'armée de mer: il passa la Bidassoa le 1er juillet, après avoir mis en fuite un faible corps espagnol; le 2, le port du Passage fut occupé, presque sans résistance, par un détachement français. On trouva dans ce port toute une escadre préparée pour les Indes, une douzaine de galions, d'autres grands navires et cent cinquante canons. Les vaisseaux, tenus en respect par le canon des forts dont les Français venaient de s'emparer, se rendirent sans combat. Pendant ce temps, Condé entamait le siége de Fontarabie. La tranchée toucha au fossé dès le 15 juillet: les forces espagnoles s'assemblaient, mais lentement, à Saint-Sébastien et à Tolosa, et, quand Sourdis fut arrivé, le 1er août, avec sa flotte, et eut complété l'investissement par mer, la prise de la place parut

certaine.

Contre toute attente, le siége se prolongea de semaine en semaine. Le lieutenant-général La Valette montrait un mauvais vouloir évident: son père, le vieil Epernon, pour se venger de ce que Richelieu ne lui avait pas confié le commandement, empêchait sous main les communes et la noblesse gasconnes de rejoidre l'armée, qui ne fut renforcée que par les milices du Béarn. L'armée était toutefois suffisante pour emporter une place aussi médiocre que Fontarabie; mais Condé, général sans vigueur, sans décision et sans coup d'œil, ne sut pas forcer La Valette à agir, ni ouvrir la brèche en temps utile. La vigueur de l'armée de mer présentait un étrange contraste avec l'inertie de l'armée de terre. Une escadre espagnole ayant été signalée à la hauteur de Guétaria, Sourdis alla au-devant avec dix-huit gros vaisseaux et une demi-douzaine de brûlots: les Espagnols se retirèrent dans la rade de Guétaria. Les Français, favorisés par le vent, les y

attaquèrent, et lancèrent leurs brûlots dans l'étroit espace où se serraient les navires ennemis; treize galions et beaucoup de bâtiments inférieurs furent brûlés ou coulés avec leurs équipages et trois mille soldats qu'ils portaient à Saint-Sébastien. L'escadre espagnole fut anéantie. Cette terrible journée coûta à l'Espagne sept à huit mille marins et soldats, et cinq cents canons (22 août).

On n'en prit pas davantage Fontarabie. On perdit encore quinze jours devant cette ville, sans risquer l'assaut. Le 7 septembre, l'amirante de Castille, informé des discordes de Condé, de La Valette et de Sourdis, et du désordre qui régnait dans le camp français, vint fondre sur les assiégeants, à la tête d'une armée castillane, navarroise et basque. L'armée de terre des Espagnols vengea le désastre de leur flotte. Les lignes françaises furent forcées les troupes, fatiguées, découragées, sans confiance dans leurs chefs, se défendirent fort mal, et la' déroute fut bientôt complète. Le camp fut abandonné, et la Bidassoa, repassée pendant la nuit. L'artillerie et le bagage servirent de trophées à l'ennemi. Les Espagnols eurent leur revanche de Leucate1.

On peut se figurer la colère du roi et du cardinal, quand ils reçurent cette honteuse nouvelle, au lieu du complément attendu de la victoire de Guétaria. Tout le monde, ou à peu près, s'était mal comporté : il fallut que quelqu'un payât pour tous; l'orage tomba sur le duc de La Valette, qui paraît en effet avoir été le plus coupable. La Valette fut traité avec la dernière rigueur. Sommé de venir se justifier auprès du roi, il se crut perdu s'il

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1 Sur la campagne de Biscaye, voy. Mém. de Richelieu, 2e sér., t. IX, p. 244. Correspondance de Sourdis, t. II, p. 4-75. Levassor, t. V, p. 428-447, 540–546,

554-558.

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