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1638 avait décidé la prépondérance de la France sur l'Espagne dans les deux mers.

On reconnut, au redoublement de mauvais vouloir que montrèrent les Anglais, l'impression produite au dehors par les victoires navales des Français. La mésintelligence croissait entre les cours de Paris et de Londres. A la fin de l'été précédent, Marie de Médicis, blessée du peu d'égards que lui témoignaient les Espagnols, désabusés de leurs illusions sur l'utilité de son concours, avait brusquement quitté les Pays-Bas catholiques pour la Hollande'. Elle avait cru, par cette démarche, lever un des principaux obstacles à son retour en France; mais, lorsque les Etats-Généraux des Provinces-Unies essayèrent, à sa prière, de s'interposer entre elle et le roi son fils, Louis XIII répondit nettement qu'il ne pouvait recevoir Marie en France ni consentir qu'elle demeurât en Hollande; que, si elle voulait se retirer à Florence, loin du théâtre de la guerre et des négociations, il lui rendrait la libre jouissance de son douaire et de tous ses revenus. Marie refusa, et passa en Angleterre. La reine HenrietteMarie s'intéressa vivement à la cause de sa mère, et Charles Ier envoya un ambassadeur extraordinaire solliciter Louis XIII de revenir sur sa décision: la reinemère offrait de congédier ses serviteurs suspects au roi et au cardinal, de ne plus se mêler d'aucune affaire, etc. Le roi refusa, sur l'avis écrit de tous les ministres, excepté de Richelieu, qui affecta de s'abstenir, comme étant personnellement en cause (mars 1659). Marie, de son

1 Voyez, dans les Mém. de Richelieu, t. IX, p. 507, des détails curieux sur la réception de Marie en Hollande. Le prince et la princesse d'Orange lui baisèrent ie bas de la robe. L'étiquette était encore singulièrement servile vis-à-vis des têtes couronnées.

côté, s'obstina à ne point aller à Florence. Ce n'était pas seulement qu'elle répugnât à reporter dans sa ville natale le spectacle de-son abaissement: ni l'âge ni le malheur ne l'avaient corrigée; elle spéculait toujours sur la mort prochaine de son fils aîné, attendue d'année en année, et prétendait maintenant se mettre en mesure de disputer la régence et la tutelle du dauphin, soit à la reine Anne, soit à Gaston 1.

Les ambassadeurs ordinaire et extraordinaire d'Angleterre ne tardèrent point à être rappelés, et les deux gouvernements continuèrent à échanger de mauvais procédés, et à se nuire autant qu'ils le pouvaient sans en venir à la guerre. Charles Ier ne fut ni le plus habile ni le plus fort dans cette lutte. Pressé par la révolte écossaise, avec laquelle, grâce à l'attitude alarmante des puritains anglais, il fut obligé d'accepter une capitulation aussi désavantageuse que mal assurée, il essaya, sans succès, parmi ses embarras, d'entraver les opérations navales des alliés de la France dans la Manche. Malgré le secours indirect des Anglais, l'Espagne continua d'être malheureuse

sur mer.

L'archevêque - amiral Sourdis partit de Belle-Isle, le 1er juin 1639, avec quarante vaisseaux de guerre, vingt et un brûlots et douze transports chargés de soldats, pour aller assaillir les escadres espagnoles jusque dans les ports de la Péninsule. Il rencontra, en rade de La Corogne, trente-cinq vaisseaux ennemis qui se préparaient à porter des troupes en Flandre. La flotte espagnole se retira dans port: Sourdis l'y bloqua, l'y canonna, mais ne put l'y forcer. Une violente tempête maltraita cruellement la flotte

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française, et l'obligea de retourner a Belle-Isle pour s'y réparer. Pendant ce temps, l'ennemi, renforcé par d'autres escadres, passa, et gagna la Manche. Sourdis, qui s'était remis en mer, ne rencontra plus sur les côtes de Biscaye que quelque bâtiments retardataires: i prit le galion amiral de Galice, et fit une descente à Laredo qu'il pilla.

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La flotte espagnole n'avait évité les Français que pour rencontrer à l'entrée du Pas-de-Calais les Hollandais, qui venaient de battre une escadre flamande. L'Espagne avait fait des efforts extraordinaires pour recouvrer la suprématie maritime: la flotte, aux ordres de don Antonio d'Oquendo, comptait environ soixante-dix grands navires, dont quelques-uns de plus de soixante canons, sans les frégates et les transports. La nouvelle Armada ne fut pas plus heureuse que l'ancienne. L'héroïque Martin Tromp, amiral des Provinces-Unies, se fiant sur la supériorité de ses manoeuvres, assaillit cette multitude pendant deux jours avec douze vaisseaux seulement : le troisième jour, seize vaisseaux se rallièrent à lui; beaucoup d'autres navires hollandais étaient en vue; les Espagnols, déjà en désordre, se retirèrent contre les dunes d'Angleterre, sous la protection de quarante vaisseaux anglais, qui tirèrent sur les Hollandais, quand ceux-ci approchèrent de la côte. Cependant l'amiral anglais, Pennington, contre les intentions de son souverain, obligea les Espagnols à s'éloigner aussi, ce qui lui valut d'être emprisonné par ordre de Charles Ier. Les Espagnols, après s'être ravitaillés à Douvres, acceptèrent de nouveau le combat. La victoire ne fut pas longtemps disputée: vingt

On appelait alors frégales de très-petits bâtiments, d'une centaine de tonneaux au plus.

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vaisseaux espagnols allèrent s'échouer sur les dunes anglaises; seize tombèrent au pouvoir des Hollandais; plusieurs autres furent brûlés avec leurs équipages; quelques-uns vinrent se briser sur les côtes de Calais et de Boulogne. L'amiral Oquendo gagna le port de Dunkerque avec sept ou huit galions et quatorze frégates : c'était le reste du plus grand armement qu'eût vu l'Océan depuis Philippe II. La puissance navale de l'Espagne ne devait pas se relever de ce terrible coup: cette puissance fastueuse et fragile n'avait jamais reposé sur la seule base solide, sur le génie maritime, sur la science et l'amour de la mer, mais seulement sur le nombre et la force matérielle des navires 1.

Les Espagnols se soutenaient mieux sur terre que sur mer. Le cardinal-infant fit lever pour la troisième fois au prince d'Orange le siége de Gueldre. Les Français et les Hollandais continuaient d'agir, chacun de leur côté, contre les Pays-Bas Catholiques. Dans le courant de mai le grand-maître de l'artillerie, La Meilleraie, entra en Artois et mit le siége devant Hesdin avec un beau corps d'armée le marquis de Feuquières, brave guerrier et habile diplomate, qui avait partagé, avec les d'Avaux et les Charnacé, l'honneur des grandes négociations du Nord, attaqua Thionville à la tête d'un corps moins nombreux; le maréchal de Châtillon eut le commandemeut d'une réserve, sur les confins de la Picardie et de la Champagne, afin de soutenir, au besoin, l'un ou l'autre des deux corps actifs. Ce but ne fut point atteint la célérité du feld-maréchal impérial Piccolomini ne permit pas à Châtillon de secourir à temps Feuquières; avant que celui

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Levassor, t. V, p. 686-688.

ci eût terminé la circonvallation de Thionville, Piccolomini accourut et força les quartiers français, trop étendus et imcomplètement retranchés. La nombreuse artillerie de l'ennemi décida de la journée : la cavalerie française, forte d'environ quatre mille hommes, s'enfuit presque sans résistance; l'infanterie, au contraire, se fit hacher sur la place; sur huit à neuf mille fantassins, on compta au moins cinq mille morts. Cette supériorité de l'infanterie était un fait nouveau et caractéristique. Feuquières fut pris sur ses canons qu'il défendit jusqu'à la dernière extrémité (7 juin). Il mourut de chagrin plus que de ses blessures,

Piccolomini ne put tirer parti de sa victoire: il s'était porté tout aussitôt de la Moselle sur la Meuse, et avait mis le siége devant Mouzon, petite place dont la conquête lui eût ouvert la Champagne; mais la garnison et les habitants repoussèrent intrépidement un premier assaut, et Châtillon arriva au secours de Mouzon avec son corps de réserve grossi par les débris des troupes de Feuquières. Piccolomini craignit de s'exposer à une contrepartie de la journée de Thionville; d'ailleurs, le cardinal-infant l'appelait à son aide, pour tâcher de faire lever le siége d'Hesdin. Piccolomini n'accepta donc pas le combat offert par Châtillon, et courut joindre le cardinalinfant, mais trop tard pour sauver Hesdin. Cette ville, très-bien fortifiée, mais pressée avec vigueur par le grandmaître de l'artillerie, à qui Richelieu, son cousin-germain, avait prodigué tous les moyens d'action, se rendit, le 29 juin, après six semaines de résistance, au moment où les Français allaient tenter l'assaut général. Le roi, présent au siége depuis le commencement de juin, donna le bâton de maréchal sur la brèche au grand-maître La

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