Images de page
PDF
ePub

DE FRANCE.

LOUIS XIII.

DEUXIÈME PARTIE.

LIVRE SECOND.

DE LA DESTRUCTION DU PARTI HUGUENOT A LA DÉCLARATION DE GUERRE CONTRE L'ESPAGNE.

(1629-1655.)

[ocr errors]

Richelieu premier ministre en titre. Affaires de l'Empire. Oppression de l'AIlemagne par l'empereur et par son général Wallenstein. Traité secret entre a France et la Suède pour la délivrance de l'Allemagne. - Traité de commerce avec la Russie. Le Canada recouvré sur les Anglais. Établissement des Français aux Antilles. Affaires d'Italie. Conquête de Pignerol et des passages des Alpes. Victoire de Vegliana. Saluces recouvré. Diète de Ratisbonne. Succès diplomatiques de la France contre l'empereur. - Intrigues contre Richelieu. Maladie du roi à Lyon. Le Grand Orage de la Cour. Journée des dupes. Le duc d'Orléans et la reine-mère quittent la France. - Victoires de Gustave-Adolphe sur les impériaux. Bataille de Leipzig. Les Suédois sur le Rhin et sur le Danube. Les Français en Lorraine. Les électeurs de Trèves et de Cologne se mettent sous la protection de la France. Supplice du maréchal de Marillac. Le duc d'Orléans rentre en France les armes à la main. Révolte du Languedoc. Défaite des rebelles à Castelnaudari. Supplice de Montmorenci. Bataille de Lutzen. Mort de Gustave-Adolphe. L'alliance renouvelée entre la France et la Suède. Les Français sur le Rhin. Le duc d'Orléans fait sa paix avec le roi et le cardinal. - Fondation de l'Académie française. de guerre contre l'Espagne.

[ocr errors]

· Déclaration

Ce ne fut probablement pas sans regret que Richelieu quitta le théâtre de sa gloire, pour retourner dans une

T. XIII.

1

cour où l'attendaient des périls sans honneur et d'indignes rivalités. Maintenant, que les grands et les huguenots étaient abattus, c'était la maison royale qui devenait l'instrument des ennemis de la France. Le frère et l'héritier présomptif du roi, Gaston d'Orléans, avait montré une aigreur croissante dans le cours de cette année : excité par deux intrigants qui voulaient se rendre imporjants, il avait refusé de suivre le roi en Italie; il avait affecté de vouloir se remarier contre le gré de Louis; il avait réclamé une augmentation d'apanage et le gouvernement d'une des grandes provinces frontières. Sur le refus du roi, il crut ou feignit de croire sa liberté menacée, s'éloigna quand Louis revint de Languedoc à Paris, lui écrivit des lettres déclamatoires contre Richelieu, et, d'après les insinuations d'agents espagnols, passa en Lorraine, où le duc Charles, qui persistait dans son mauvais vouloir contre le gouvernement français, fit un brillant accueil au prince fugitif, sous prétexte d'honorer dans sa personne la maison de France.

Pendant ce temps, la reine-mère recevait fort mal Richelieu à Fontainebleau. Le cardinal n'avait jamais manqué de procédés envers sa bienfaitrice: sa correspondance atteste les égards obséquieux auxquels il se pliait pour adoucir cette intraitable humeur; mais Marie voulait plus que des égards: elle voulait un pouvoir dont elle était incapable et indigne, et, chez elle, se mêlait à l'orgueil de la reine et aux préjugés de la dévote l'amertume de la femme galante, qui ne peut se résigner à vieillir et qui rend l'homme qu'elle a aimé responsable des torts du temps et de la nature. Richelieu expiait en ce moment la liaison qui avait commencé sa fortune. Marie lui montra, devant toute la cour, un visage si hostile, que le

cardinal crut devoir offrir sa démission au roi et annoncer cette nouvelle à la reine-mère par une lettre respectueuse, mais digne et ferme la colère de Marie en fut redoublée, et le roi, placé entre un ministre indispensable et une mère insensée, « pleura très-amèrement presque tout un jour 1. » Louis ne céda point: il refusa, comme toujours, cette démission si souvent, mais peu sincèrement offerte, et obligea Marie à une réconciliation apparente avec le cardinal. De nouveaux honneurs, auxquels dut consentir la reine-mère, dédommagèrent Richelieu d'un moment d'anxiété le cardinal fut nommé gouverneur en titre du Brouage et des îles d'Oléron et de Ré; puis des lettres-patentes lui conférèrent le titre de principal ministre d'État,» afin de l'élever de droit au-dessus des autres ministres, ainsi qu'il l'était de fait (21 novembre 1629) (Recueil d'Auberi, t. 1er, p. 508).

La reine-mère apaisée, il avait fallu s'occuper de ramener Monsieur en France. Richelieu, dans la situation où était l'Europe, ne voulait pas laisser cette arme à la politique étrangère. Près de quatre mois s'écoulèrent en pourparlers entre Paris et Nanci. Triste condition des monarchies, que le caprice d'un jeune fat y devienne un intérêt d'État, et s'y jette à la traverse des plus importantes affaires, jusques à compromettre les destinées d'un peuple! Que ceux qui plaignent l'homme d'État aux prises avec les difficultés des assemblées délibérantes, et qui croient la grande administration impossible dans les gouvernements libres, lisent le Journal où Richelieu a consigné les soucis, les tracas, les complots de chaque jour! ils y verront quel était le sort d'un grand ministre

1 Mémoires de Richelieu, ap. Col. Michaud, 26 série; t. VIII, p. 49.

sous l'ancien régime ils verrout dans quelles misères s'est usée la moitié de cette glorieuse existence, quels obscurs reptiles embarrassèrent incessamment les pas de ce lion, tandis qu'il cherchait au loin des adversaires dignes de lui '.

Gaston, après de longs débats entre ses conseillers, le sieur de Puy-Laurens et le président Le Coigneux, et les envoyés du roi, conclut enfin sa paix, moyennant le gouvernement de l'Orléanais, du Blaisois et de la Beauce, de la ville d'Orléans et du château d'Amboise, 100,000 livres de rente sur le duché de Valois, avec la nomination aux offices et bénéfices dans ce duché, et 50,000 écus comptant (2 janvier 1630). Il ne voulut pas, néanmoins, se rendre directement auprès du roi, à son retour en France, ni assurer le cardinal de son amitié.

Richelieu n'était plus à la cour, lorsque Monsieur repassa la frontière. Le cardinal, rassuré par les éclatantes faveurs dont Louis XIII venait de le combler, s'était hardiment séparé du roi pour aller où l'appelaient l'honneur et les intérêts de la France.

Les événements du dehors redoublaient d'intérêt et de grandeur. Les affaires d'Allemagne et d'Italie, qui avaient formé jusqu'alors deux sphères distinctes, se confondaient par l'intervention armée de l'empereur en Lombardie, tandis que la France, délivrée de ses luttes intestines, s'engageait puissamment dans la querelle du Nord.

Jamais la situation de l'Empire n'avait été si grave, ni

1 Journal de M. le cardinal-duc de Richelieu, durant le Grand Orage de la Cour (1630-1654); réimprimé dans les Archives curieuses, 2 série, t. V. On contesté à tort l'authenticité de ce Journal, qui se compose de notes écrites es unes par Richelieu, les autres par ses affidės, et qui a servi à la rédaction de ses Mémoires.

« PrécédentContinuer »