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de regagner lec électeurs catholiques, assembla la diète, où les électeurs protestants ne comparurent que par ambassadeurs, essaya de justifier devant elle son intervention en Italie, et de démontrer la nécessité où il était de rester armé, à cause des entreprises que faisaient le roi de Suède et les Hollandais sur les terres de l'Empire. On apprit, sur ces entrefaites, le débarquement de GustaveAdolphe à Stralsund (4 juillet), et l'attitude toute nouvelle de l'électeur de Saxe, jusqu'alors l'allié, le complice de l'Autriche, présagea l'orage qui allait s'élever du fond du Nord. Ferdinand, dans l'ivresse du succès, avait cessé de ménager le prince saxon, et avait prétendu le soumettre, comme les autres, à l'obligation de restituer les biens ecclésiastiques. L'électeur répondit en réclamant d'énormes dommages-intérêts pour le tort causé à son pays par les gens de guerre, l'abolition de l'édit sur la restitution des biens d'église, la confirmation des priviléges octroyés aux protestants, le rétablissement de la ville d'Augsbourg en son ancienne liberté, et la punition des officiers impériaux, à cause des contributions qu'ils avaient levées arbitrairement.

Ferdinand avait espéré que les passions religieuses lui ramèneraient les catholiques, dès que les protestants relèveraient la tête. Il n'en fut rien. Le duc de Bavière, qui avait si ardemment provoqué la restitution des biens d'église, ouvrit l'avis d'accorder une prolongation de quarante ans aux protestants détenteurs de ces propriétés. Les électeurs ecclésiastiques se turent à cet égard, mais, par compensation, se plaignirent amèrement des exactions commises sur leurs terres par les généraux de l'empereur et par les Espagnols de la Belgique. Le licenciement de l'armée et la destitution de Wallenstein, qui

déployait à Ratisbonne le luxe d'un souverain, comme pour braver ses ennemis, furent réclamés avec violence

par la diète presque entière.

C'était la main de la France qui dirigeait tout: Richelieu rendait à Ratisbonne les coups qu'il recevait à Lyon, et les intrigues de l'ambassadeur d'Espagne en France avaient pour contre-partie les menées du père Joseph en Allemagne. Le 26 juillet, on avait vu arriver, dans le séjour de la diète, un ambassadeur français, Brûlart de Léon, flanqué de deux capucins. L'un des deux était le redoutable confident, le bras droit de Richelieu, ce Joseph qui avait, au moins pour un moment, façonné les enfants de saint François en agents de la diplomatie française, en milice politique, rivale des jésuites'. Richelieu avait compté que le dévot Ferdinand se défierait moins d'un diplomate en froc. C'était attaquer l'ennemi avec ses propres armes. Le but ostensible de la mission de Brûlart et de Joseph était de négocier la paix d'Italie par la médiation de la diète; le but réel était d'achever ce qu'avait commencé Charnacé, c'est-à-dire d'obtenir le désarmement de l'empereur et d'empêcher à tout prix l'élection du fils de Ferdinand comme roi des Romains.

Ferdinand, si justement puni de son ingratitude envers ses alliés et de l'impitoyable tyrannie de son lieutenant, hésita s'il n'emploierait pas la force pour plier la diète à ses volontés. Wallenstein l'en pressait vivement: il était trop tard. L'Espagne avait, sans le vouloir, sauvé l'Allemagne en poussant l'empereur sur l'Italie. Une grande partie de l'armée impériale était retenue en Lom

1 Richelieu écrivait de Joseph au comte d'Avaux, qu'il ne connaissait aucun diplomate en Europe « capable de faire la barbe à ce capucin, quoiqu'il y ait belle prise. » Manuscrits de Béthune, no 9519.

bardie par cette conquête de Mantoue qui devait coûter si cher à Ferdinand! D'autres troupes disputaient la Pomeranie à Gustave-Adolphe, qui n'avait guère encore d'alliés déclarés que le duc de cette province et la ville de Magdebourg, mais qui remuait tout le nord par ses proclamations contre l'Autriche. Ferdinand n'osa ronipre, dans une telle occurrence, avec Maximilien de Bavière : Maximilien et Joseph lui firent entendre que, s'il cédait, il assurerait l'élection de son fils. Il céda; il licencia dix-huit mille cavaliers, dont la plupart allèrent bientôt s'enrôler sous les drapeaux de la Suède; puis il réduisit son armée en Allemagne à quarante mille hommes; puis il sacrifia Wallenstein. Le terrible duc de Friedland, dépouillé du commandement, mais garanti contre toute recherche du passé, emporta dans ses châteaux de Bohême les dépouilles de l'Allemagne, et attendit, dans une fastueuse retraite, que son étoile, un moment obscurcie, recommençât à briller sur l'horizon.

Le commandement de l'armée impériale, offert au duc de Bavière avec des restrictions que n'accepta pas ce prince, fut conféré au vieux général de la Ligue Catholique, au comte de Tilli (septembre 4650).

Ferdinand n'était plus en état de soutenir une double guerre. Les Espagnols, ne rêvant que la prise de Casal et démentant sans vergogne leur zèle catholique, engageaient l'empereur à continuer les hostilités en Italie et à s'accommoder avec le roi de Suède et avec les protestants allemands, fallût-il pour cela rétablir le Palatin Frédéric dans une partie de ses domaines concédés à Maximilien de Bavière. Les électeurs catholiques, au contraire, voulaient la paix en Italie, afin de se débarrasser de l'influence espagnole, de rendre au roi de

France, leur protecteur secret, la libre disposition de ses forces, et de pouvoir repousser le roi de Suède et refuser toute concession au Palatin, en accordant quelques satisfactions à l'électeur de Saxe et aux autres réformés. Le pape et le grand-duc de Toscane, qu'effrayait la prolongation de la guerre d'Italie, secondaient les électeurs. L'empereur céda encore sur ce point aux électeurs, et fit aux envoyés français des propositions sérieuses. Il offrit d'accorder au duc de Nevers l'investiture du Mantouan et du Montferrat, avec une indemnité pour le duc de Savoie, sur les bases du traité de Suze, et pour le duc de Guastalla. Les troupes espagnoles évacueraient le Montferrat; les troupes impériales conserveraient Mantoue et Caneto, les troupes françaises, Pignerol, Briqueras, Suze et Vegliana, jusqu'à l'entière exécution du traité; après quoi, les Impériaux sortiraient du Mantouan, les Français, des États de Savoie; puis l'empereur évacuerait le pays des Grisons et la Valteline. On rendrait à Venise quelques places que les Impériaux lui avaient enlevées. Enfin, par un article général et tout à fait en dehors des affaires d'Italie, le roi Très-Chrétien s'engagerait à n'assister en aucune façon, directement ou indirectement, les ennemis de S. M. Impériale et du Saint-Empire, sauf réciprocité de la part de l'empereur.

Les électeurs catholiques pressèrent les négociateurs français d'accepter, et firent, en quelque sorte, de la paix le prix du refus par lequel ils allaient tromper les espérances de l'empereur et de son fils, quant à la couronne dss Romains. Cependant les conditions proposées n'étaient nullement conformes aux pouvoirs des ambassadeurs : l'engagement général de neutralité demandé par l'empereur était par trop inconciliable avec la secrète allianc

négociée entre la France et la Suède. Brûlart et Joseph refusèrent d'abord, firent mine de vouloir prendre congé, puis, tout à coup, se décidèrent à donner leurs signatures et à laisser partir les expéditions du traité pour Lyon et pour l'Italie (15 octobre).

La crise violente qui agitait en ce moment la cour de France, l'imminence apparente d'une révolution dans le gouvernement, avaient apparemment effrayé et entraîné les deux agents français.

Le roi, déjà souffrant à son départ de Savoie, avait passé quelques semaines à Lyon dans un état de malaise et de langueur : le 22 septembre, il fut pris d'une fièvre ardente, suivie de dysenterie; le mal, et probablement aussi les remèdes, car on le saigna jusqu'à sept fois dans une semaine! le réduisirent bientôt à l'extrémité 2. Les médecins avouèrent à Louis qu'il était temps « de songer à sa conscience. » Louis demanda le viatique, fit ses adieux à sa mère, à sa femme, à son ministre, et se prépara pieusement à la mort. Le 50 septembre au matin, personne ne pensait qu'il pût passer la journée.

Les deux reines et toute la cour exprimaient une affliction très-bruyante, qui n'empêchait cependant personne de faire ses arrangements pour le lendemain de la catastrophe. Marie préparait sa vengeance contre son ingrat serviteur; Anne laissait, dit-on, sa dame d'atours, la comtesse du Fargis, écrire à Gaston pour lui rappeler

1 Mémoires de Richelieu, 2e série, t. VIII, p. 287-288. Mercure françois, t. XVI, an. 1630, p. 231–266; 704-718. Coxe, c. LI. - Schiller, Guerre de Trente

Ans. Vie du P. Joseph, p. 304-359, sauf réserves.

2 On prétend que son premier médecin Bouvart, dans l'espace d'un an, le fit saigner quarante-sept fois, lui fit prendre deux cent douze médecines et deux cent

quinze remèdes. Archives Curieuses, 2e série, t. V, p. 63. d'un tel régime.

On conçoit les effets

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