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pects, » quoi que pùt « crier la vieille théologie dans les écoles et dans les chaires 1. »>

Le cardinal et son confident Joseph se gardaient bien de jeter à la face du public ces sinistres axiomes dans leurs écrits; cependant beaucoup de gens leur en imputaient la solidarité, et des esprits intelligents et généreux étaient poussés dans l'opposition par une réaction naturelle.

Les grands corps de l'État, travaillés par mille intrigues, continuaient à se montrer malveillants pour un ministre qui avait froissé leurs intérêts, qui dédaignait leurs traditions, et dont ils ne voulaient pas comprendre la profonde politique, emprisonnés qu'ils étaient dans leur routine. La chambre des comptes avait protesté contre certains édits bursaux, tout en les subissant. Le roi ayant envoyé le comte de Soissons porter à la cour des aides d'autres édits du même genre, que l'état des finances rendait indispensables, cette cour, avertie, se sépara, et le comte ne trouva personne. La cour des aides, interdite et remplacée par une commission de maîtres des requêtes et de conseillers au grand conseil, demanda grâce au bout de trois mois 2.

1 Voyez les deux lettres de Balzac à Richelieu, dans le Recueil de Pièces pour servir à l'Histoire, p. 543-558; in-4°; 1639; et le livre du Prince, de Balzac ; c'est un éloge emphatique de Louis XIII, considérée comme l'idéal même du Prince. Balzac avait écrit un pareil ouvrage sur Richelieu, intitulé le Ministre; mais, Richelieu ne l'ayant point assez largement récompensé, le Ministre resta inédit, ct Balzac fit des vers latins contre le roi et contre le cardinal, après leur Sur cette polémique, voyez encore le Recueil de l'abbé de Saint-Germain, Pièce pour la Défense de la reine-mère. Le Recueil de Pièces, etc., de 1639, passim, et le Mercure, t. XVII, p, 172-535. — Richelieu, dans son Testament Poli

mort.

tique, ne va pas si loin que Balzac et n'accorde pàs au prince le droit de mettre à mort les suspects.

2 Griffet, Hist de Louis XIII, 1. II, p. 453. — Levassor, t. III, p. 64. — de la Biblioth. Royale, fonds de Saint-Germain, cot. 1351, 1o 50.

- Manuscrits

L'action du pouvoir s'exerçait partout avec la même énergie. On a vu que deux gouverneurs de provinces avaient suivi Monsieur dans sa fuite. Un troisième gouverneur, le personnage le plus considérable du royaume après les princes du sang, le duc de Guise, était resté dans sa province, où il se livrait à de dangereuses intrigues. Les élus royaux ayant été introduits en Provence comme en Languedoc, en Bourgogne et en Dauphiné, Guise avait fomenté le mécontentement de ces contrées, excité des émeutes à Aix, tenté secrètement de faire reprendre les armes aux huguenots du Languedoc, et d'entrainer Montmorenci dans ses projets il avait été enfin jusqu'à négocier avec l'Espagne. Le prince de Condé fut expédié en Provence avec des troupes : les Etats Provinciaux demandèrent une amnistie pour les séditieux, et offrirent au roi 1,500,000 livres une fois payées, pour le rachat des élections et de diverses crues d'impôts contraires à leurs priviléges. Le pardon fut accordé et l'offre acceptée (mars 1631). Cette concession opportune calma

le

pays. L'orage ne tomba que sur le vrai coupable, sur le gouverneur. Guise, mandé à Paris afin de rendre compte de sa conduite, pria le roi de lui permettre de s'acquitter d'un vœu à Notre-Dame de Lorette (juillet 1631): on lui donna trois mois pour son voyage; au bout des trois mois, n'ayant pas comparu, il fut traité en rebelle, et son gouvernement de Provence fut donné au meurtrier de Concini, au maréchal de Vitri. Un tel choix était un sanglant défi jeté au parti de la reine-mère.

L'ex-roi de la Ligue ne revit plus la France, et mourut à Florence en 1640, après neuf ans d'exil1.

1 Mém. de Richelieu: 2 s.érie, t. VIII, p. 334. - Mercure, t. XVII, p. 88 148. Griffet. t. 11, p. 155-157.

Au moment où Guise se retirait en Italie, la situation de la reine-mère subissait une nouvelle et décisive péripétie. Marie, malgré les instances du roi, n'avait pas quitté Compiègne pour Moulins. Après des délais diversement motivés, elle avait fini par déclarer nettement qu'elle n'irait point à Moulins, à moins qu'on ne l'y traînât par les cheveux. Elle prétendait que ce n'était pas à Moulins, mais en Italie, qu'on l'enverrait, si elle consentait à se mettre en route. Le fait est qu'elle ne voulait pas s'éloigner de Paris, afin d'y être plus promptement, << si l'occasion s'en offroit par la mort du roi, que tous les faiseurs d'horoscopes assuroient être prochaine (Fontenai-Mareuil, page 234).» On lui offrit Angers pour retraite à la place de Moulins. Elle n'écouta rien. Tandis que ses partisans s'efforçaient d'apitoyer le public sur ļa dure captivité qu'elle subissait, disaient-ils, à Compiègne, le roi et le cardinal s'évertuaient en vain à trouver les moyens de la faire sortir de cette ville, où elle s'obstinait à rester. La laisser si près de Paris et de la frontière était bien dangereux : l'enlever de vive force était bien brutal. On hésitait depuis longtemps, lorsque Marie tira ses ennemis d'embarras. Richelieu eut avis que la reinemère nouait des intelligences avec le marquis de Vardes, beau-père du comte de Moret, un des compagnons de la fuite de Monsieur : de Vardes, qui commandait à La Capelle, petite place forte de la Thierrache, avait offert asile à Marie dans cette ville, voisine des Pays-Bas, et Marie projetait d'y aller attendre les secours des Espagnols et des Flamands. Richelieu prit ses mesures à la hâte le 18 juillet, au soir, Marie sortit de Compiègne sans difficulté, et se dirigea en carrosse vers la Capelle. Arrivée à quelques lieues de cette place, elle apprit, par

:

un message du marquis de Vardes, que la ville n'était plus en son pouvoir. Le marquis n'était dans la Capelle que le lieutenant de son père, gouverneur titulaire. Le vieux seigneur de Vardes, sur l'ordre du roi, était accouru en poste, avait mis son fils hors de la place, et fermé les portes aux gens de la reine-mère.

Marie ne voulut ou n'osa retourner sur ses pas, et, se livrant en aveugle à sa fatale destinée, elle franchit la frontière de France, qu'elle ne devait plus repasser jamais (19 juillet). Elle se rendit à Avesnes, puis à Mons et à Bruxelles, où elle fut accueillie avec solennité, comme une illustre alliée, par les ennemis de son fils et de la France 1.

D'Avesnes, la reine-mère adressa un triple manifeste au roi, au parlement et au corps-de-ville de Paris. Des déclamations plus ou moins éloquentes contre Richelieu ne pouvaient remédier à la faute irréparable que venait de commettre Marie en se retirant chez les Espagnols. Sa cause était perdue sans retour auprès de son fils. Le parlement et la ville de Paris ne répondirent point. La réponse du roi fut accablante. « L'action que vous venez « >> de faire, madame, » répliqua Louis à sa mère, » ne me « permet plus d'ignorer qu'elles ont été ci-devant vos in«tentions, et ce que j'en dois attendre à l'avenir. Le res«pect que je vous porte m'empêche de vous en dire da<< vantage.» (Mercure, XVII, 348.)

Et Louis alla, le 13 août, porter au parlement de Paris, contre les conseillers de la reine-mère et les compagnons

1 Toute la correspondance entre le roi, la reine-mère, le cardinal, etc., pendant le séjour de Marie à Compiègne, se trouve dans le t. I du Recueil d'Auberi; Mém. pour l'Hist. du cardinal de Richelieu.. Mém. de Richelieu, 2e série, t. VIII, p. 326-330. Mém. de Fontenai-Mareuil, p. 234-236.

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de sa fuite, une déclaration semblable à celle qu'avait reçue le parlement de Dijon contre les complices de Monsieur. Toute correspondance avec la reine-mère et Monsieur était défendue sous peine, de lèse-majesté. Une chambre du domaine, composée de conseillers d'État et de maîtres des requêtes de l'hôtel, fut instituée, bientôt après (26 septembre), pour décider en dernier ressort des confiscations encourues « par les factieux et rebelles. » Cette commission confisqua les biens des ducs d'Elbeuf, de Bellegarde et de Roannez, du comte de Moret et de sa mère, ancienne maîtresse de Henri IV, du président Le Coigneux, de l'ex-surintendant La Vieuville, etc. (Mercure, XVII, 149.)

Louis XIII répondait à chaque tentative des ennemis de Richelieu en accumulant de nouvelles faveurs sur la tête de son ministre. La terre de Richelieu fut érigée en duché-pairie, pour le cardinal et ses héritiers mâles et femelles, et Richelieu se fit désormais appeler le cardinalduc, bizarre alliance de mots qui exprimait assez bien le double caractère de sa vie (septembre 1631). Le gouvernement de Bretagne, qu'il ambitionnait depuis longtemps, et qui avait été attribué à la reine-mère après la mort du maréchal de Thémines, en 1627, fut enfin mis entre ses mains. Il tenait déjà Brouage, le Havre, Honfleur, Brest, Pontoise, Pont-de-l'Arche; l'année d'après, il prit encore Nantes. Il tâchait de mettre, dans toutes les places, comme il le dit lui-même, « des « des gens tellement affidés, que, quoi qu'il advînt, le parti contraire ne pût faire ses affaires. » Il récompensa la soumission, le zèle et les flat

Venise, sur ces entrefaites,

1 Mémoire de Richelieu, 2e série, t. VIII, p. 350. inscrivit le cardinal sur le livre d'or de la noblesse vénitienne, honneur qu'elle ne déférait guère qu'aux souverains étrangers. Ibid., p. 555.

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