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teries du prince de Condé par le gouvernement de Bourgogne : il avait assez étudié Condé pour ne rien craindre de lui. Il donna la Champagne au comte de Soissons, qu'il tâchait de s'affectionner, et qu'il eût bien voulu amener à épouser sa nièce, madame de Combalet. La Picardic, enlevée au duc d'Elbeuf; fut confiée à un autre prince lorrain, au duc de Chevreuse, qui n'était pas entré dans les menées de ses parents, et dont Richelieu espérait avoir regagné la femme par une indulgence que le sévère cardinal témoignait rarement à ses ennemis. Le cardinal de La Valette, l'ami de Richelieu, eut le gouvernement d'Anjou le marquis de La Valette, son frère, fut créé duc et pair.

Louis XIII n'était pourtant pas réduit au rôle de roi fainéant : le roi s'occupait à rédiger des déclarations publiques en faveur de son ministre et des articles non officiels dans la Gazette de France pour justifier la politique de Richelieu. La lente périodicité du Mercure françois, annuaire de l'histoire contemporaine, qui continuait, depuis 1606, la Chronologie de Palma-Cayet, ne suffisait plus à un gouvernement avide tout à la fois, par une apparente contradiction, de pouvoir absolu et de publicité : une feuille hebdomadaire, empruntant le nom de Gazette aux petites feuilles volantes de l'Italie, venait d'être fondée par le médecin Théophraste Renaudot, sous le patronage de l'autorité royale: la Gazette ne tarda pas à devenir tout à fait officielle. Ainsi l'on peut dire que la presse périodique, ce puissant véhicule de la civilisation moderne, a été créée en France par Richelieu et Louis XIII '.

Il existe, dans les manuscrits de Béthune, no 9334, un grand nombre d'articles de la Gazette, écrits et corrigés de la main de Louis Xili. La plupart sont 5

T. XIII.

Le parti de la reine-mère et de Monsieur eût bien voulu ne pas s'en tenir à une guerre de manifestes et de pamphlets; mais ses premiers efforts ne furent pas heureux. Des tentatives pour surprendre les citadelles d'Ardres et de Verdun n'aboutirent qu'à faire pendre ou décapiter deux gentilshommes. Un corps de mercenaires liégeois, levé pour le compte de Monsieur, fut assailli et taillé en pièces sur la frontière du Luxembourg par les troupes françaises du maréchal de La Force. Les exilés tâchèrent en vain d'attirer dans leurs intérêts le duc de Bouillon et sa ville de Sedan. Ils avaient compté sur une puissante intervention étrangère; mais les événements extraordinaires dont l'Allemagne était le théâtre déjouèrent à cet égard leurs espérances et leurs projets.

La politique de Richelieu ne réussissait pas moins à l'extérieur qu'au dedans du royaume. Les préoccupations de l'intérieur, si graves qu'elles fussent, n'avaient pas un moment fait perdre de vue au cardinal les grands intérêts du dehors, et il profita des périls croissants qui menaçaient la maison d'Autriche pour donner aux affaires d'Italie, sans tirer de nouveau l'épée, une solution complètement avantageuse à la France.

La convention de Casal n'ayant qu'un caractère provisoire, des conférences avaient eu lieu, au printemps de 1631, entre le général Galas, commissaire de l'empereur, le maréchal de Toiras et le secrétaire d'Etat Servien, commissaires de Louis XIII, afin de pourvoir à l'exécution du traité de Ratisbonne en ce qui concernait l'Italie. Un pacte, conclu à Chierasco en Piémont, le 6 avril, par la médiation du nonce Pancirola et de Jules Mazarin, mi

des relations de faits militaires ou des nouvelles de la cour. Mais il s'y trouve aussi de la polémique, des exposés politiques et justificatifs.

nistre de Sa Sainteté, assigna de nouveaux délais pour l'évacuation des territoires mantouan, grison, piémontais et savoyard, par les puissances naguère belligérantes. Les ducs de Savoie et de Mantoue, la république de Venise, puis le gouverneur de Milan, au nom du roi d'Espagne, ratifièrent les articles de Chierasco, après que l'Espagne eut essayé inutilement de pousser l'empereur à rompre encore une fois. L'investiture impériale fut enfin accordée au duc de Mantoue le 2 juillet : les places occupées par les Français, les Impériaux et les Espagnols, furent successivement évacuées: la Savoie et Saluces avaient été abandonnées dès le mois de juin, puis Suse et la meilleure partie du Piémont; Pignerol, la dernière place conservée les Français, fut restituée au duc de Savoie le 20 sep

par

tembre.

La restitution de Pignerol n'était qu'apparente: Richelieu, maître des clefs de l'Italie, s'était juré à lui-même de ne jamais les laisser échapper de ses mains. Au moment où l'on signait le traité de Chierasco, le nouveau duc de Savoie, Victor-Amédée, circonvenu par la diplomatie française, que secondait avec une rare habileté l'agent pontifical Mazarin, venait de s'attacher à la France par des engagements secrets, et de promettre à Louis XIII la cession de Pignerol, moyennant quelques compensations en argent et en terres. Lorsque le commandant français sortit de Pignerol, il laissa quelques centaines de soldats cachés dans les greniers de la citadelle : deux des frères de Victor-Amédée étaient déjà passés en France comme otages de la parole de ce prince. Bientôt le gouvernement français accusa bruyamment la maison d'Autriche de violer le traité de Chierasco : le gouverneur de Milan ne désarmait pas, comme il l'avait promis; l'em

pereur avait ajouté à l'investiture du duché de Mantoue des réserves captieuses qui suspendaient de nouvelles menaces sur la tête du duc; les Espagnols intriguaient chez les Grisons, troublaient de nouveau la Valteline!... Ces griefs pouvaient être fondés, mais on fut très-satisfait de les avoir sous la main. Bref, le gouvernement français déclara que, ne pouvant plus se fier à ses anciens adversaires, il entendait avoir les moyens de secourir au besoin ses amis, et le duc de Savoie fut sommé de remettre Pignerol pour six mois en dépôt à la France. Le duc affecta une extrême frayeur, demanda au gouverneur de Milan de grands secours, que celui-ci n'était point en état de lui fournir surle-champ; puis, feignant de céder à l'invasion imminente des Français, il signa, le 19 octobre, le traité qu'exigeait la France, et livra Pignerol aux soldats qui n'en étaient pas sortis. Les châteaux de La Pérouse et de Sainte-Brigitte furent également remis aux Français.

Les six mois de dépôt devaient durer longtemps! Le dépôt fut converti, l'an d'après, en une cession formelle '. Les Espagnols et les Impériaux eurent beau crier : ils avaient ailleurs de trop grandes affaires pour pouvoir appuyer en Italie leurs réclamations par les armes. Les Hollandais, encouragés par les subsides de la France et par la descente des Suédois en Allemagne, avaient repoussé l'offre d'une trève avec l'Espagne leurs flottes faisaient trembler au loin les colonies espagnoles et envahissaient le Brésil; leur armée de terre menaçait Bruges, et ils détruisaient dans l'Escaut une expédition préparée contre leurs iles. Ce n'était là, toutefois, que le moindre des périls de la maison d'Autriche, et ce n'était pas de la

1 Griffet, Histoire de Louis XIII, t II, p. 163–170. Mém. de Richelieu. 2o série, t. VIII, p. 336-338. Mercure, t. XVII, 3. partie, p. 4.

guerre des Pays-Bas qu'on attendait un résultat décisif. Les Suédois, pendant ce temps, portaient à la puissance autrichienne des coups bien autrement terribles, et l'Europe n'avait plus d'oreilles que pour le bruit de leurs exploits. 1631 fut pour l'Allemagne une de ces grandes années dont un même pays ne voit guère deux fois dans un siècle les prodigieuses vicissitudes.

Ferdinand II avait fermé la diète de Ratisbonne parmi de sombres présages. Ce politique jusqu'alors si habile ou si heureux, joué par ses rivaux et par ses alliés, avait sacrifié son général et disloqué son armée sans obtenir la compensation de ses sacrifices, sans pouvoir associer son fils à sa couronne. Les catholiques allemands avaient éludé les désirs de l'empereur : les princes protestants, qui n'avaient comparu à la diète que par ambassadeurs, et auxquels la diète n'avait pas donné satisfaction, relevaient la tête à mesure que les progrès de Gustave-, Adolphe dans le Nord devenaient plus menaçants; ils avaient réuni, en février 1631, à Leipzig, chez l'électeur de Saxe, une diète protestante qui adressa à Ferdinand la liste de ses griefs dans les termes les plus énergiques, déclara qu'on n'accorderait plus ni passage ni contributions aux troupes de l'empereur et de la Ligue Catholique, et ordonna des levées de soldats pour faire respecter désormais les terres des réformés. C'était la réorganisation de l'Union Évangélique. La diète de Leipzig maintint ses résolutions en dépit des monitoires impériaux.

Ferdinand commençait à se repentir de n'avoir pas d'abord pris au sérieux l'attaque du roi de Suède. » Ce roi de neige,» disaient les courtisans autrichiens, « fondra en avançant vers le Midi. » Gustave n'avança pas très-vite dans les premiers mois de la guerre : il fut quelque temps

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