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tenu en échec sur l'Oder par le général italien Conti; mais sa petite armée, qui n'était d'abord que d'une quinzaine de mille hommes, se grossissait et de renforts suédois et des propres soldats de l'empereur, licenciés avec Wallenstein. Le roi de neige refusa une trève d'hiver, en disant que les Suédois étaient soldats en toute saison. Ses gens, couverts d'épaisses peaux de mouton, bravaient toutes les rigueurs des hivers du Nord. Les Impériaux furent chassés de la Poméranie: le Mecklenbourg, puis le Brandebourg, furent entamés; l'électeur de Brandebourg, moitié par la crainte des armes impériales, moitié par la jalousie que lui inspirait l'établissement des Suédois dans la Poméranie, duché dont il était l'héritier présomptif, ne se décida point à recevoir Gustave-Adolphe en allié, et donna passage, au contraire, à l'armée de l'empereur. C'était avant la diète de Leipzig. Gustave n'en poussa pas moins sa pointe, et ce fut à Bernwald, dans le New-Brandebourg, qu'il conclut définitivement son traité avec la France, le 23 janvier 1631.

Richelieu eût voulu que le traité restât secret, que les électeurs protestants, d'une part, la Ligue Catholique, de l'autre, gardassent la neutralité, et que le choc eût lieu entre l'Autriche et la Suède, seule à seule. Il avait travaillé à mettre la Suède en état de soutenir la lutte. Charnacé avait ordre d'agir dans ce sens auprès des cours de Saxe et de Brandebourg. qui n'avaient pas d'autre désir, et ce fut dans le même but que le gouvernement français consentit à signer secrètement avec le duc de Bavière une alliance défensive pour huit ans, à des conditions trèsavantageuses pour le Bavarois; car Louis XIII garantit à Maximilien et à sa maison la conservation de la dignité électorale enlevée au Palatin (30 mai 1631). (Mercure,

t. XVII, 2o part., p. 201.) Richelieu espérait, en ménageant cette double neutralité, si propice à l'Allemagne, faire tomber tout l'orage sur les Etats autrichiens.

L'impétuosité des événements et la politique de Gustave déroutèrent ce plan, bien difficile à réaliser. Gustave ébruita son traité avec la France, dont il attendait un grand effet sur l'opinion, et le territoire des électeurs protestants, loin de pouvoir rester neutre, devint le théâtre de la guerre. Le vieux Tilli, qui avait succédé à Wallenstein dans le commandement des forces conservées par l'empereur, était accouru faire face à Gustave : il passa au fil de l'épée une garnison suédoise de deux mille hommes dans la ville de New-Brandebourg; Gustave répondit en exterminant, dans Francfort pris d'assaut, plusieurs milliers d'Impériaux. L'électeur de Brandebourg, menacé d'être écrasé entre les deux partis, céda enfin au cri de ses sujets, traita avec le roi de Suède et lui remit, comme places de sûreté, Spandau et Custrin. Rien ne servait si puissamment Gustave que la comparaison faite par les populations allemandes entre la sévère discipline des Suédois et la licence féroce des troupes impériales. Les Saxons, aussi bien que les habitants du Brandebourg, tendaient les bras au roi de Suède : Gustave pressa le plus puissant de leurs princes, l'électeur Jean-Georges, d'imiter son voisin de Brandebourg, Les intérêts de l'humanité, comme de la liberté germanique, exigeaient impérieusement que le prince saxon se déclarât Tilli, ne pouvant débusquer Gustave des bords de l'Oder et de la Sprée, s'était replié sur l'Elbe et assiégeait Magdebourg, la première cité de l'intérieur qui eût osé repousser le joug impérial et se déclarer pour le roi de Suède; Magdebourg était à l'extrémité.

L'électeur de Saxe pourtant hésita, tergiversa, et finit par refuser à Gustave le pont de Dessau sur l'Elbe, qui était indispensable aux Suédois pour aller au secours de Magdebourg. La lâcheté de l'électeur perdit cette malheureuse ville. Magdebourg fut emporté d'assaut le 20 mai : une population de trente mille ames, hommes, femmes, enfants, vieillards, fut tout entière égorgée par les Impériaux : la ville incendiée enseveit ses habitants sous ses ruines fumantes. Le vainqueur, dans l'exaltation de sa joie infernale, comparaît lui-même le sac de Magdebourg aux grandes destructions de Troie et de Jérusalem.

L'Allemagne protestante en fut glacée d'horreur : l'empereur essaya de mettre à profit l'épouvante des réformés; il somma de rechef les protestants de renoncer aux résolutions de Leipzig; il obtint de la Ligue Catholique, assemblée à Dinkespuhl, une promesse d'assistance qui mit à néant tous les projets de neutralité; il convoqua, pour le mois d'août, à Francfort-sur-le-Mein, une diète spéciale destinée à faire exécuter l'édit de restitution des biens ecclésiastiques. Vingt-quatre mille vieux soldats, rappelés d'Italie après le traité de Chierasco, entrèrent dans la Haute Allemagne, et remirent, sans résistance, la Souabe et la Franconie sous le joug, Strasbourg, craignant d'avoir le même sort, demanda secrètement la protection du roi de France, à la grande joie de Richelieu (Mém. de Richelieu, 2a série, t. VIII, p. 335). Mais les Impériaux ne s'approchèrent pas du Rhin, et allèrent joindre Tilli. L'administrateur de Bremen, qui avait commencé d'armer, courba la tête devant eux. Un seul prince de la Germanie occidentale, le landgrave Guillaume de Hesse-Cassel, fils de l'ami de Henri IV, eut le courage de mainteuir ses droits et les résolutions de

Leipzig. Tilli s'apprêtait à l'accabler, lorsque les mouvements du roi de Suède rappelèrent sur l'Elbe le farouche vainqueur de Magdebourg.

Gustave-Adolphe avait fait de terribles serments de vengeance, et se préparait à les tenir. Si les Impériaux étaient redevenus les maîtres au couchant de l'Elbe, lui, dominait entièrement au levant de ce fleuve, depuis la frontière de la Saxe électorale jusqu'à celle du Holstein : il avait contraint l'électeur de Brandebourg à s'unir plus étroitement avec lui, et réinstallé solennellement les ducs de Mecklembourg dans leur duché reconquis; il avait reçu par mer huit mille Suédois et Finlandais, six mille Anglo-Ecossais, et levé dés troupes allemandes. La fureur succédait peu à peu à la première stupeur des protestants. Néanmoins, malgré les renforts qui avaient joint Gustave, Tilli était supérieur en nombre, et le roi de Suède crut devoir se tenir encore sur la défensive. Tilli essaya en vain de forcer le camp suédois, placé au confluent de l'Elbe et du Havel: il se rabattit alors vers la Thuringe, y rallia un gros corps de troupes de la Ligue Catholique, puis fondit sur la Saxe, afin de contraindre l'électeur à se départir de sa neutralité et à se livrer à la discrétion de l'empereur. Tous les fléaux d'une invasion de barbares furent déchaînés sur la Saxe électorale, jusqu'alors exempte des calamités qui désolaient les restes de l'Allemagne. L'électeur, réduit au désespoir, se mit à la discrétion, non pas de l'empereur, mais du roi de Suède, réunit ses troupes à l'armée de Gustave, et supplia ce prince de livrer bataille sur-le-champ. Le 7 septembre, les Suédois et les Saxens parurent en vue du camp de Tilli, qui venait de prendre Leipzig par capitulation,

Les deux armées, égales en forces, comptaient chacune trente-cinq à quarante mille combattants. Le vieux Tilli, à son tour, hésitait à recevoir la bataille la fougue de son lieutenant Pappenheim l'entraîna. Le sort de l'Allemagne fut décidé dans ces champs de Leipzig, destinés à une si formidable renommée. L'Autriche perdit,, en quelques heures, le fruit de onze ans de victoire : douze mille morts ou prisonniers, cent drapeaux, tout le bagage, toute l'artillerie ennemie, furent les trophées des Suédois, qui, faiblement secondés par les Saxons, fixèrent seuls la victoire. Le reste de l'armée impériale se dispersa et fut exterminé en grande partie par les paysans saxons. Tilli et Pappenheim, criblés de blessures, s'enfuirent avec deux mille hommes jusqu'à Halberstadt, et de là jusqu'au Weser. Magdebourg fut bien vengé.

Ce triomphe, un des plus complets que présentent les fastes de la guerre, ouvrait au héros suédois un champ immense. Gustave-Adolphe avait à choisir entre deux plans de campagne : le premier, le plus séduisant pour l'orgueil d'un conquérant, c'était de fondre sur les États autrichiens et d'aller accabler Ferdinand jusque dans Vienne: Gustave fût infailliblement arrivé aux portes de la capitale autrichienne, avant que l'empereur eût pu rassembler une nouvelle armée. Ce ne fut pourtant point à ce parti que s'arrêta le roi de Suède. Déjà, de 1619 à 1620, les États autrichiens. envahis, soulevés, avaient été presque entièrement arrachés à l'empereur, et cependant Ferdinand s'était relevé plus fort qu'auparavant, grâce au point d'appui qu'il avait trouvé dans la Ligue Catholique d'Allemagne et dans la Belgique espagnole, C'était ce point d'appui qu'il fallait d'abord lui enlever,

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