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à ce que pensa Gustave. Gustave résolut de briser la Ligue Catholique, dé réorganiser le parti protestant, sous la direction des Suédois, dans le nord et l'ouest de l'Allemagne, et de couper à l'empereur toute communication avec la ligne du Rhin, avant que d'attaquer en personne l'Autriche. Il marcha vers les principautés ecclésiastiques et se contenta de lancer provisoirement, sur les États autrichiens, l'électeur de Saxe, qui se chargea de conquérir la Bohème et la Silésie.

L'exécution de ce plan fut foudroyant. Les populations hussites et protestantes de la Bohème abjurèrent le culte que la violence leur avait imposé, et ouvrirent les portes de leurs villes aux Saxons les proscrits ressaisirent leurs biens; les jésuites et les partisans de l'Autriche furent chassés et traqués à leur tour comme l'avaient été les défenseurs des libertés bohémiennes. Les Saxons entrèrent dans Prague sans résistance. Pendant ce temps, Gustave s'avançait vers l'Occident, aux acclamations de l'Allemagne protestante: « il marchait et ne combattait pas, » conquérant province sur province, presque sans tirer l'épée. Au bruit de sa victoire, le cercle de BasseSaxe, qui avait tant souffert pour les libertés germaniques, reprit les armes. La Thuringe se leva sous les bannières des ducs de Saxe-Weimar, rejetons de l'ancienne branche électorale dépouillée par Charles-Quint, race héroïque qui soutint seule, au dix-septième siècle, la gloire de la maison de Saxe. Le landgrave de HesseCassel se jeta sur les évêchés de Westphalie, et Gustave, en personne, envahit la Franconie catholique. L'évêque de Würtzbourg fut chassé de ses vastes domaines : l'é

1 Richelieu (Mém., 2o série, t. VIII, p. 434), blâme Gustave à ce sujet, et dit que Dieu lui avait donné la science de vaincre, mais non d'user de la victoire.

vêque de Bamberg capitula; l'importante ville libre de Nuremberg et la noblesse protestante de Franconie s'unirent aux Suédois; bientôt Francfort, la cité des couronnements impériaux, reçut Gustave dans ses murs, d'où venait de s'enfuir la diète convoquée par Ferdinand (16 novembre), et tout le cours du Mein fut au pouvoir du roi de Suède. Les Thuringiens et les Hessois rejoignirent Gustave; le torrent des Suédois entraînait partout avec lui les flots de la belliqueuse jeunesse allemande, et le vainqueur de Leipzig, parti de Saxe, au milieu de septembre, avec vingt-cinq mille hommes, parut sur le Rhin, à la fin de novembre, avec soixante mille.

Tilli s'était refait une armée avec les réserves et les garnisons de l'empereur et de la Ligue, éparses dans tout le nord de l'Allemagne, et avait été renforcé d'une douzaine de mille hommes, levés dans une tout autre intention par le duc de Lorraine : ce duc s'était proposé de seconder Gaston d'Orléans et Marie de Médicis contre le gouvernement français; mais, quand il vit les Espagnols et les Impériaux hors d'état de le secourir et le roi de France prêt à le châtier de sa présomption, il protesta de n'avoir armé que pour aider l'empereur son suzerain, et prouva son dire en menant ses troupes au delà du Rhin.

L'empereur et l'électeur de Bavière avaient expressément défendu à Tilli de s'exposer à un second choc: Tilli se contenta donc de tenter contre Nuremberg, sur les derrières des Suédois, une diversion qui échoua complètement. Les Espagnols, qui occupaient, depuis dix ans, le Bas-Palatinat, s'étaient chargés de défendre le passage du Rhin. Le 16 décembre, le fleuve fut franchi par Gustave,

auprès d'Oppenheim, avec une audace et un bonheur extraordinaires; Mayence, pris à revers, capitula dès le 23. La conquête de cette grande position militaire fit aussitôt évacuer, par les Espagnols et les Lorrains, presque toute la province cis-rhénane entre l'embouchure de la Moselle et celle de la Lauter. Worms fut abandonné, Manheim pris; Landau, Weissembourg, appelèrent les Suédois et leur ouvrirent l'Alsace Strasbourg, Ulm, le Würtemberg, Bade-Dourlach, les Rhingraves, se déclarèrent alliés de Gustave 1.

La terreur régnait parmi les princes de la Ligue Catholique, les uns déjà dépouillés, les autres sur le point de l'être. Dès le mois de novembre, les trois électeurs ecclésiastiques avaient invoqué la médiation du roi de France. Les prodigieux succès du roi de Suède avaient dépassé les espérances et les désirs de Richelieu : il était temps que la puissance française se montrât sur les frontières de l'Allemagne, pour contenir ce terrible allié et garder quelque part d'influence dans l'Empire. La France avait d'ailleurs à en finir avec les provocations et les intrigues d'un incommode et perfide voisin, du duc de Lorraine. Le roi et le cardinal, qui séjournaient depuis quelques semaines en Champagne, partirent, le 10 décembre, de Château-Thierri pour Metz 2, après avoir confié au

XVII,

1 Sur la campagne de 1631, Mercure françois, t. XVI, p. 271-379; p. 390 575; 654-704; 2e partie, p. 73-146. Mémoires de Richelieu, 2e série, t. VIII, p. 305-307; 328-349. Pufendorf, Rerum Suecicarum lib. I, III. Schiller, Guerre de Trente ans, 1. II-III. Coxe, Hist. de la maison d'Autriche,

c. LII-LIII.

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2 Le roi et le cardinal avaient reçu à Château-Thierri l'expédition d'un traité conclu, d'après leurs ordres, avec l'empereur de Maroc, Muley-el-Gualid. Une petite escadre avait conduit au port de Safi un envoyé français, qui obtint la liberté des Français retenus en esclavage dans le Maroc, sous condition de réciprocité pour les forçats marocains de Marseille. L'empereur de Maroc promit

comte de Soissons le commandement de Paris et des provinces du Nord, et envoyé l'ordre au maréchal de La Force, qui commandait l'armée d'observation réunie en Champagne, d'aller reprendre Vic et Moyenvic, places dépendantes de l'évêché de Metz, qui avaient été occupées, l'année précédente, par des détachements impériaux, d'après les instigations du duc de Lorraine.

Au bruit de l'approche du roi de France, l'électorat de Trèves, qui se trouvait serré entre les Suédois, les Français et les Hispano- Belges, se divisa en deux partis : le chapitre archiepiscopal de Trèves et le corps municipal de ce chef-lieu de l'électorat appelèrent les Espagnols: l'électeur, retiré à Coblentz, se mit sous la protection des Français (21 décembre) (Mercure, 1. XVIII, p. 82). Le duc de Lorraine, après sa malencontreuse expédition du Rhin, venait de rentrer dans sa capitale, poursuivi par les menaces de Gustave-Adolphe. Le duc Charles se jugea perdu s'il n'obtenait à tout prix le pardon et le patronage de la France encouragé par son amie, madame de Chevreuse, alors réconciliée avec Richelieu, il

que ses sujets ne pilleraient plus les navires français, accorda la liberté du commerce aux Français de ses États, moyennant le paiement de droits fixes reconnus : il consentit que la bannière de France couvrit dans ses ports tous les navires chrétiens qui l'arboreraient. On se réfère, dans ce traité, à la paix antérieurement contractée entre les deux couronnes (sous Henri IV; voy. notre t. XII, p. 106). Par suite de ce traité, des consuls français furent établis à Maroc, à Salé, à Safi, et un agent consulaire, à Santa-Cruz ou Agadir. Mercure françois, t. XVII, suite, p. 474 et suivantes. Un nouveau traité de paix avait été signé avec Aler en septembre 1628. Il était plus facile d'obtenir ces traités que de les faire observer. On fut obligé, en 1635, de renouveler les conventions de 1631. Richelieu (Mém. 2o série, t. VIII, p. 993) rapporte, à ce sujet, que l'officier français, chargé d'aller renouveler le traité, rencontra dans la rade de Safi un vaisseau de guerre anglais, qui refusa d'abaisser son pavillon. Le navire anglais fut assailli et pris par les Français après un combat acharné. C'était la revanche de l'affront de Rosni!

vint trouver le roi à Metz, le 26 décembre, reconnut. ses torts, et se mit à la merci de Louis. Richelieu conseilla au roi une clémence qui devait donner à la France le droit de prêcher la modération au vainqueur de Leipzig. On ne pardonna toutefois au Lorrain qu'à des conditions qui le firent descendre du rang de prince souverain à celui de simple vassal. Par un traité signé à Vic, le 6 janvier 1632, Charles de Lorraine se départit de toutes intelligences avec l'empereur et l'Espagne, promit de ne plus contracter aucune alliance sans le consentement du roi, s'obligea non-seulement à renvoyer de ses Etats les ennemis et les sujets rebelles du roi, et à n'y recevoir dorénavant ni Monsieur ni la reine-mère, mais encore à souffrir que dorénavant les gens du roi arrêtassent dans ses Etats les Français accusés de lèse-majesté. Il promit de livrer passage sur ses terres aux armées françaises qui marcheraient vers l'Allemagne, et de joindre ses forces à celles du roi; il livra enfin au roi, pour trois ans, Marsal, sa plus forte place. A ces conditions, Louis XIII s'obligea de le défendre envers et contre tous. (Dumont, Corps diplom., t. VI, p. 28.)

Le roi signifia au duc qu'il ne permettrait pas le mariage projeté entre sa sœur Marguerite de Lorraine et le duc d'Orléans Charles protesta que ce mariage n'aurait pas lieu.

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Au moment même où Charles donnait cette assurance à Louis XIII, le mariage défendu était consacré secrètement à Nanci, avec la permission du cardinal de Lorraine, évêque de Toul, frère du duc et de Marguerite (3) janvier 1632). Le duc Charles ne subissait le pacte imposé par la France qu'avec l'intention de le violer à la première occasion (Richelieu, 2e sér., VIII, 352).

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