Images de page
PDF
ePub

Le roi offrit à son frère l'oubli du passé, et lui fit proposer ou de revenir à la cour, ou de se retirer à l'étranger dans un lieu non suspect: Richelieu, très-satisfait d'être débarrassé de la reine-mère, eût souhaité au contraire de ramener en France l'héritier du trône. Gaston refusa tout, et ne quitta la Lorraine que pour aller joindre sa mère à Bruxelles.

De nouveaux envoyés de la Ligue Catholique étaient arrivés à Metz en même temps que le duc de Lorraine. Un des princes dépouillés, l'évêque de Wurtzbourg, accourut en personne supplier le roi et le cardinal au nom de la religion. Les catholiques allemands imploraient maintenant à grands cris cette neutralité qu'ils n'avaient point acceptée, quand la France la leur garantissait et que la victoire n'avait point encore prononcé. L'électeur de Bavière réclamait même l'assistance armée de la France, en vertu de son alliance défensive avec Louis XIII. Richelieu fit bien sentir au Bavarois qu'il avait perdu le bénéfice de son traité en provoquant un autre allié de la France, le Suédois, et la France n'intervint qu'amiablement auprès du roi de Suède. Louis, avant de signer son traité avec le duc Charles, avait déjà prié Gustave de ne pas envahir l'Alsace et la Lorraine, en lui faisant entendre qu'il se chargeait d'occuper l'ennemi dans ces contrées. Le marquis de Brezé, beau-frère de Richelieu, fut envoyé vers le roi de Suède, afin d'intercéder auprès de lui pour les princes catholiques.

Gustave comprit que le gouvernement français ne pouvait le voir volontiers s'étendre sur la rive gauche du Rhin l'invasion de l'Alsace et surtout de la Lorraine, province trop éloignée du vrai théâtre de la guerre, n'eût peut-être pas même été d'une bonne politique, quand la

France ne s'y fût point opposée. Les armes suédoises avaient conquis une base d'opérations bien suffisante pour reprendre la lutte directe contre l'Autriche. Gustave ne fit pas de grandes difficultés à l'égard de la Lorraine. Quant aux princes de la Ligue Catholique, il ne voulut faire aucune concession à ceux dont il avait intégralement occupé les domaines, comme l'électeur de Mayence et les évêques de Wurtzbourg et de Worms, et annonça qu'il ne leur rendrait rien qu'à la paix générale: il déclara qu'il se réservait le droit de châtier l'évêque de Bamberg, qui avait violé sa capitulation avec les Suédois; il consentit à accorder la neutralité aux autres, et à rendre ce qu'il avait pris au duc de Bavière et aux électeurs de Trèves et de Cologne, moins Spire (l'évêché de Spire appartenait à l'archevêque de Trèves): il prétendait que le duc de Bavière et ses alliés rendissent en échange aux protestants tout ce qu'ils leur avaient enlevé depuis 1618, sauf à traiter, sous bref délai, d'un accommodement entre le duc de Bavière et le Palatin, par la médiation des rois de France et d'Angleterre. Le duc de Bavière et ses associés réduiraient leurs forces à douze mille soldats au plus, interdiraient toutes levées d'hommes, toutes fournitures sur leurs terres à l'Autriche et à ses adhérents (Mercure, XVIII, p. 129.)

Maximilien de Bavière ne put se résigner à subir ces dures conditions: il fit de nouveaux armements, tout en cherchant à gagner du temps et à tromper le roi de Suède. L'électeur de Cologne, son frère, l'imita d'abord, ainsi que la plupart des princes catholiques, mais finit par obtenir une sorte de neutralité de fait par la protection de la France. L'électeur de Trèves accepta la neutralité franchement, et s'engagea de recevoir des garnisons fran

T. XIII.

6

çaises dans Coblentz, dans Hermanstein (aujourd'hui Ehrenbreitstein) et dans Philipsbourg. Les Liégeois, qui avaient pour prince-évêque l'électeur de Cologne, n'avaient pas attendu son autorisation pour se déclarer neutres.

Pendant ce temps, l'orage attiré par le duc de Bavière crevait sur ses Etats. Gustave-Adolphe, laissant derrière lui de fortes réserves à Mayence et à Francfort, avait repris, dès le mois de mars, sa course foudroyante à travers l'Empire. Il chassa Tilli de la Franconie, où ce général avait essayé de reporter la guerre il le rejeta sur la Bavière et y fondit à sa suite; Donawerth, emporté d'assaut, lui livra le passage du Danube. Tilli s'était retranché sur le Lech, près du confluent de cette rivière avec le Danube. Les Suédois, protégés par leur puissante artillerie, jettent un pont sur le Lech, franchissent ce torrent grossi par la fonte des neiges et emportent les positions de l'ennemi. Un boulet épargna au vieux Tilli la douleur de survivre à ce nouveau désastre. Le duc de Bavière se réfugia dans Ingolstadt avec les débris de ses troupes. Gustave-Adolphe alla délivrer la métropole du lutheranisme, Augsbourg, de la garnison impériale qui l'opprimait, puis revint sur Ingolstadt. Le duc de Bavière s'y défendit avec vigueur. Gustave, chargeant un de ses lieutenants de bloquer Ingolstadt, s'avança dans l'intérieur de la Bavière, et, dès le commencement de mai, entra victorieux dans Munich, ayant à sa droite le palatin Frédéric, qu'il avait appelé du fond de la Hollande et qu'il traitait en roi. Le malheureux Frédéric, dépouillé jadis par son parent Maximilien, goûta ainsi la joie d'entrer à son tour dans la capitale de son ennemi, vaincu, à la vérité, par un autre que par lui.

du

Maximilien, dans sa détresse, appelait en vain à son aide l'Autriche, qu'il avait vivement contrariée en 1650, mais pour laquelle il se sacrifiait en ce moment. L'empereur n'eût pas mieux demandé que de le défendre, mais il n'en avait pas le pouvoir. Après la fatale journée, de Leipzig, l'empereur avait réclamé les secours de l'Espagne, раре, du roi de Pologne, des princes italiens, de ses sujets d'Autriche et de Hongrie. L'Espagne guerroyait de son mieux sur le Rhin, et ne pouvait envoyer à temps des forces suffisantes dans l'intérieur de l'Allemagne : le pape, le vieil Urbain VIII, n'avait pas très-bien reçu les demandes d'argent adressées par Ferdinand, et lui avait reproché son injuste et ruineuse guerre de Mantoue, qu'il expiait en ce moment; la proposition que formula un cardinal espagnol d'excommunier Richelieu, fauteur des hérétiques, fut écartée par le Saint-Père comme extravagante. Les temps étaient bien changés, et l'ardeur belliqueuse du Saint-Siége était déjà bien amortie! Le pape donna le moins qu'il put à l'empereur. Les Etats italiens, excepté le grand-duc de Toscane, ne donnèrent que de belles paroles. Le roi de Pologne ne put qu'autoriser quelques levées clandestines. Les populations autrichiennes et hongroises parurent plus disposées à menacer qu'à secourir leur maître. La Suisse maintint sa neutralité. Dans cette extrémité, Ferdinand comprit qu'il ne lui restait qu'une seule chance de salut, le rappel de Wallenstein !

Le duc de Friedland, dévorant ses ressentiments et cachant ses espérances, était resté en apparence étranger aux événements depuis sa destitution; mais on assure qu'il avait offert secrètement au roi de Suède sa coopération pour renverser Ferdinand du trône, et que la défiance témoignée par Gustave, en offensant le superbe

Friedland, fut le salut de l'empereur. Ce qui est certain, c'est que Wallenstein ne prit aucune part à la défense de la Bohème contre les Saxons. Lorsque l'empereur, résigné à s'humilier devant un sujet offensé, pria Wallenstein de reprendre le bâton de commandement qu'on lui avait enlevé, Wallenstein rejeta d'abord cette proposition bien loin. A force de supplications, l'on obtint seulement de lui qu'il se chargerait de réorganiser une armée: il s'en était préparé de longue main les moyens. En moins de trois mois, à l'aide des contributions extraordinaires que leva Ferdinand, quarante mille hommes admirablement équipés furent réunis sous les bannières du duc de Friedland. Wallenstein feignit alors de vouloir retourner dans sa retraite. Lui seul pouvait diriger ces forces, que lui scul avait pu évoquer comme par magie: l'empereur se mit à sa discrétion; c'était ce qu'il attendait. Il exigea l'autorité la plus illimitée sur toutes les armées de la maison d'Autriche en Allemagne : l'empereur n'aurait pas même le droit de faire grâce sans son aveu, pas même le droit de se montrer dans les camps. Toutes les places fortes lui seraient ouvertes à volonté. Toutes les conquêtes qu'il ferait seraient à sa disposition: une des provinces autrichiennes lui serait concédée en fief; lui seul fixerait le délai dans lequel il résignerait le commandement, si l'empereur avait dessein de le révoquer une seconde fois. On peut dire qu'il ne restait à Ferdinand que le titre d'empereur. Tout fut accepté.

Au mois d'avril, Wallenstein se mit en campagne. Dès le mois de mai, la Bohème était reconquise sur les Saxons, qui n'avaient pas su relever et reconstituer ce malheureux pays. Après ce premier succès, Wallenstein,

« PrécédentContinuer »