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VIES

DES PÈRES, MARTYRS,

ET AUTRES

PRINCIPAUX SAINTS.

TROISIÈME JOUR DE JUILLET.

S. PHOCAS, JARDINIER, MARTYR,

Tiré de ses deux Panégyriques, écrits l'un par S. Astère, et l'autre par S. Chrysostôme, t. 2, p. 704, édit. Ben. Voyez Ruinart, p. 627.

L'AN 303.

S. PHOCAS demeurait près de la porte de Sinope, ville du Pont, et s'occupait à cultiver un jardin qui lui fournissait de quoi vivre et de quoi faire aux pauvres des aumônes abondantes. Dans cette profession, vile aux yeux du monde, il imitait la vertu des anciens patriarches, et retraçait en quelque sorte l'état heureux où se trouvèrent Adam et Eve tandis qu'ils furent innocens.

Le saint joignait la prière au travail des mains. Sa maison était ouverte aux étrangers et aux voyageurs qui ne savaient où loger. Après avoir assisté libéralement les pauvres durant plusieurs années, il fut trouvé digne de donner sa vie pour Jésus-Christ. Malgré l'obscurité de sa profession, on le connaissait dans tout le pays à cause de sa vertu et de sa charité.

On l'accusa d'être Chrétien durant une cruelle persécution, qu'on croit être celle qu'alluma Dioclétien en 303. Son prétendu crime était si notoire, qu'on n'observa point à son égard les formalités ordinaires. Les bourreaux eurent ordre de l'exécuter en quelque endroit qu'ils le rencontrassent. Arrivés à Sinope, ils s'arrêtèrent à la maison de Phocas, qu'ils ne connaissaient point, et se rendirent à l'invitation que le saint leur faisait de loger chez lui. Ils furent si charmés de son honnêteté et de ses attentions, qu'ils lui découvrirent en soupant le sujet de leur voyage, et le prièrent de leur dire où ils pourraient plus aisément rencontrer ce Phocas

TOME V.

I

qu'on leur avait ordonné de mettre à mort. Le serviteur de Dieu, sans témoigner la moindre surprise, leur répondit qu'il le connaissait bien, et que le lendemain matin il leur donnerait toutes les instructions dont ils avaient besoin.

S'étant retirés pour aller se coucher, le saint creusa un tombeau, prépara tout ce qui était nécessaire pour enterrer son corps, et employa le reste de la nuit à se disposer à sa dernière heure. Quand le jour fut venu, il alla trouver ses hôtes, et leur dit que Phocas était en leur puissance, et qu'il ne tenait plus qu'à eux d'exécuter la commission dont ils étaient chargés. Comme ils lui demandaient où il était, il répondit avec tranquillité : « Le voici >> devant vous, c'est moi-même. » Frappés d'une pareille réponse, ils restèrent quelque temps immobiles, ne pouvant se résoudre à tremper leurs mains dans le sang d'un homme qui montrait tant de vertu, et qui les avait reçus dans sa maison avec une si grande cordialité. Phocas les encourageait indirectement, en leur répétant qu'il ne craignait point la mort, puisqu'elle devait lui procurer les plus précieux avantages. Revenant à la fin de leur surprise, ils lui coupèrent la tête. On bâtit depuis une église de son nom qui devint célèbre dans tout l'Orient, et on y déposa la plus grande partie de ses reliques.

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S. Astère, qui était évêque d'Amasée vers l'an 400, prononça le panégyrique du saint martyr dans une église qui possédait une petite portion de sa dépouille mortelle. Il y dit que « Phocas depuis sa mort est devenu l'appui et la colonne des églises; qu'on » vient de tous côtés au lieu de prière dans lequel il a le bonheur » de parler; que le magnifique temple (de Sinope) qui possède son » corps procure de la consolation aux affligés et la santé aux malades; qu'il est comme un magasin public toujours ouvert aux indigens; que tous les lieux où il y a une portion de ses reli» ques sont célèbres par des miracles, et l'objet de la vénération » des Chrétiens; que les Romains, dont la capitale possède le chef » du saint, l'honorent de la même manière que S. Pierre et » S. Paul. » Il ajouta « que les mariniers de la plupart des mers >> chantent des hymnes à sa gloire ; que souvent il les a délivrés » du danger; qu'ils réservent pour les pauvres une partie du gain qu'ils font, et qu'ils l'appellent la part de Phocas. Il dit encore qu'un roi barbare lui avait envoyé son diadême tout garni de diamans, avec un beau casque, afin qu'il les mît dans l'église de » Saint-Phocas, pour que le martyr les offrît à Dieu en reconnaissance de ce qu'il l'avait fait roi

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1 P. 178, edit. Combefis.

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S. Chrysóstôme reçut à Constantinople a une portion des reliques de S. Phocas. La ville, en cette occasion, fêta deux jours de suite; et S. Chrysostôme prononça deux sermons, dont l'un se trouve encore parmi ses ouvrages. Il y est dit Il y est dit que les empereurs quittaient leurs palais pour venir honorer les reliques du saint martyr, et qu'ils tâchaient de participer aux grâces que ce culte procurait aux hommes.

L'empereur Phocas bâtit depuis à Constantinople une belle église sous l'invocation du saint, et y fit transférer une partie considérable de ses reliques. Les Grecs appellent souvent S. Phocas Hiéro-Martyr, ou Martyr sacré, épithète qu'ils donnent quelquefois aux illustres martyrs qui n'étaient point évêques. Ce saint est honoré par les Grecs le 21 de décembre, et par les Latins le 14 de juillet; mais quelques agiographes parlent de lui sous le 3 de ce dernier mois.

De tous les travaux, le plus utile, le plus naturel, le plus propre à maintenir dans l'homme la vigueur de l'âme et la santé du corps, est la culture de la terre en général; mais celle d'un jardin procure des charmes particuliers par le spectacle qu'elle offre à tous les sens. Combien n'est-il pas agréable de se trouver souvent dans un lieu qu'embellissent des fleurs odoriférantes, des fruits aussi variés pour leur espèce que pour leur goût et leur beauté, mille sortes de richesses qui font admirer la fécondité de la nature! Quelle satisfaction pour un philosophe chrétien de se trouver aa milieu d'une multitude d'objets qui, par la vivacité de leurs couleurs, semblent le disputer en éclat à la voûte des cieux! de se rappeler qu'un simple lis éclipse tout le lustre dont Salomon était environné dans le sein de sa gloire! Que de motifs d'amour et de reconnaissance envers Dieu, lorsqu'il considère la fertilité de la terre, qui le dédommage de ses peines avec tant d'usure, et qui lui rend au centuple les semences qu'il lui a confiées ! Que de raisons de gémir sur son insensibilité pour le Seigneur, à la vue de cette même terre, qui resterait stérile s'il n'employait pour la fertiliser une culture continuelle !

a Et non à Antioche, comme Baronius l'a pensé, et comme Fronton-le-Duc et Baillet le soupçonuent. Voyez le P. Montfaucon, not. ibid. t. 2, Op. S. Chrys. p. 704. b C'est ce que Ruinart a démontré contre Baronius.

1 T. 2, p. 704, edit. Ben.

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S. GUNTHIERN, ABBÉ EN BRETAGNE,

Ce saint, qui florissait dans le sixième siècle, était un prince du pays de Galles, qui, ayant quitté dès sa jeunesse le lieu de sa naissance, se retira dans l'Armorique pour y mener la vie d'un anachorète. Il s'arrêta dans l'île de Groie, qui est environ à une lieue de l'embouchure de la Blavet. Grallon, comte du territoire où l'île était située, fut si édifié d'une conversation qu'il eut avec lui, qu'il lui donna, pour fonder un monastère, la terre qui est auprès du confluent des rivières d'Isol et d'Ellé. C'est pour cela que l'abbaye est encore appelée aujourd'hui Kemperlé a.

Une année qu'une prodigieuse quantité d'insectes mangeaient le blé et faisaient craindre la famine, Guérech Ier, comte de Vannes, députa trois personnes de considération vers le saint, afin de l'engager à prier Dieu pour obtenir la délivrance du fléau dont on était menacé. Gunthiern envoya de l'eau qu'il avait bénite, on la répandit dans les champs, et les insectes périrent. Le comte, en reconnaissance de ce bienfait, lui donna une terre située auprès de la rivière de Blavet, qui se nommait Vernac ". Il paraît que le saint abbé mourut à Kemperlé. Durant les incursions des Normands, on cacha son corps dans l'île de Groie. On le découvrit dans le onzième siècle, et on le mit dans le monastère de Kemperlé, qui appartenait à l'ordre de Saint-Benoît c.

S. Gunthiern est patron de l'abbaye de Kemperlé, ainsi que de plusieurs églises et chapelles de Bretagne. Les anciens Calendriers le nomment sous le 29 de juin. Mais les modernes remettent sa fête au 3 de juillet.

Voyez Lobineau, Vies des saints de Bretagne, p. 49.

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S. BERTRAN, ÉVÊQUE DU MANS.

S. BERTRAN &, qui semble être né dans le Poitou, se consacra au service de Dieu dans la ville de Tours, et y reçut la tonsure cléricale. S. Germain, évêque de Paris, le fit venir dans son dio

a Mot breton qui signifie confluent d'Elle.

Aujourd'hui Hervegnac ou Chervegnac.

L'abbaye de Kemperlé est à trois lieues de Port-Louis, et à huit de Quimper.

d En latin Berti-Chramnus, Bertrannus, et non Bertrandus.

cèse, le forma lui-même à la vertu, et lui conféra la dignité d'archidiacre.

Après la mort de Baldégisile, qui avait gouverné en pasteur mercenaire l'église du Mans, saint Bertran fut élu pour lui succéder en 586. Il éprouva d'abord quelques contradictions; mais il sut en triompher, et il ne pensa plus qu'à conduire son troupeau dans les voies de la sainteté. Sa prudence délivra l'Etat d'une guerre dont le menaçaient Waroc et Windimacle, princes bretons. Il fut appelé à la cour de Gontran, roi d'Orléans et de Bourgogne, pour terminer quelques affaires qui regardaient le bien de l'Eglise. Il bâtit et dota un grand nombre d'hôpitaux, construisit et répara beaucoup d'églises. Il fit en 615 un testament que nous avons encore, et qui est devenu célèbre dans l'antiquité ecclésiastique. On y trouve plusieurs legs considérables aux églises et aux monastères. Ce qu'il y a de singulièrement remarquable, c'est qu'on y voit que Frédégonde favorisa et protégea le saint évêque en toute occasion.

Bertran fut chassé trois fois de son siége durant les troubles occasionés par les guerres intestines de la France. Aidé de la protection de Clotaire, qui réunit enfin à son royaume ceux de Bourgogne et d'Austrasie, il répara les désordres qui s'étaient introduits dans son troupeau. On croit qu'il mourut le 30 juin 623. On l'honore le 3 de juillet, qui fut le jour de la translation de ses reliques.

Voyez S. Grégoire de Tours, Hist. l. 8, e. 39, et l. 9, c. 18; le Testament du saint, publié avec d'excellentes notes par Papebroch, ad 6 jun. et Baillet, sous le 3 de 'uillet.

GUTHAGON, RECLUS.

CE saint, Ecossais ou plutôt Irlandais de naissance, était du sang royal. Il renonça au monde et mena une vie austère, uniquement occupé des exercices de la pénitence et de la prière. Etant passé depuis en Flandre, il y vécut en reclus avec le B. Gillon, qui s'était attaché à lui. Ils fixèrent l'un et l'autre leur demeure au village d'Oostkerk, situé sur le canal de Bruges à l'Ecluse. S. Guthagon mourut dans sa cellule près de Knocken, du côté de la mer. On l'enterra dans le cimetière d'Oostkerk. Il s'est opéré plusieurs miracles par son intercession. Le 3 juillet 1059, Gérard, évêque de Tournai, fit la translation des reliques du saint en présence des abbés de Dun, d'Oudenbourg et d'Ececkout. Elles furent

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