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S. ODON, ARCHEVÊQUE DE CANTORBÉRY.

Tiré de Matthieu de Westminster, de Florent de Worchester, et de la Vie du saint. Mabillon, Sec. 5 Ben. p. 203, a conjecturé que cette Vie avait été écrite en 1070, par Osbern, moine de Cantorbéry; mais il s'est trompe; et Wharton, Angl. Sac. Præf. vol. 2, p. 10, a prouvé qu'elle fut composée en 1121, par Eadmer, disciple de S. Anselme. Il paraît que la Vie de S. Odon, qu'Osbern avait écrite, et qui est citée par Guillaume de Malmesbury, n'existe plus. Voyez Pinius, un des continuateurs de Bollandus, t. 2 julii, p. 63. Voyez aussi la Vie de S. Odon, donnée par Ericus Pantopidanus, dans ses Gesta Danorum extra Daniam; Hafniæ, 1740; t. 2, sect. 2, § 8, p. 157.

L'AN 961.

parens,

S. ODON naquit dans la province des Est-Angles. Ses Danois d'origine, avaient suivi dans leur barbare expédition Ingar et Hubba, vers l'an 870, et jouissaient d'une fortune considérable dans cette partie de l'Angleterre. Il montra dès son enfance beaucoup de penchant pour le christianisme; il fréquentait les églises et parlait souvent avec éloge du divin fondateur de notre religion. Ceux dont il avait reçu le jour ne pensaient pas comme lui; plusieurs fois ils le punirent sévèrement à cause de son zèle pour une religion qu'ils n'aimaient pas; à la longue, ils en vinrent jusqu'à le déshériter et à le chasser de leur maison. Ce traitement devint pour Odon un sujet de joie; il s'estima heureux d'être dépouillé de tout ce qui aurait pu l'attacher au monde, et d'avoir été jugé digne de souffrir pour la cause du Seigneur. Il choisit Dieu pour son héritage; et de peur de ne pas correspondre assez fidèlement aux grâces qu'il avait déjà reçues, il prit la résolution d'abandonner entièrement le siècle, et embrassa l'état ecclésiastique. Le duc Athelm lui fournit libéralement de quoi faire ses études.

Athelm était un des principaux seigneurs d'Angleterre, sous le règne d'Alfred ". Son attachement pour Odon venait de la grande piété qu'il avait remarquée en lui. En 887, il fit un pélerinage à Rome, et y porta les aumônes du roi Alfred et des Saxons occidentaux. Lorsqu'Odon eut été ordonné prêtre, il le prit pour confesseur, ainsi que plusieurs autres personnes de la cour. Tous les jours il récitait avec lui l'office divin; et cette pieuse pratique était alors fort commune parm .es laïques. Il l'engagea à l'accompagner

a Les annales saxones ppellent Athelm Ealderman du Wiltshire. Il paraît qu'il était fils de l'ealderman Athelm, qui, avec le secours de ceux du comté de Dorset, battit les Danois en 838, près de Portland, sous le règne d'Ethelwulf. ¿ C'est ce qui est expressément rapporté dans les annales saxones.

les

à Rome en qualité de chapelain. Ayant été attaqué sur la route d'une fièvre violente qui le réduisit à l'extrémité, il fut guéri par prières du serviteur de Dieu. Il mourut en 898.

L'estime et le respect que l'on avait pour Odon augmentaient de jour en jour. Alfred, et Edouard l'Ancien son fils et son successeur, l'employèrent souvent avec succès dans des affaires importantes". Le roi Athelstan voulut aussi l'avoir auprès de sa per

a Alfred, par son courage et sa sagesse, éleva la monarchie anglaise au plus haut degré de puissance. Les Danois, qui, depuis le martyre de S. Edmond, possédaient une partie du Northumberland et le royaume des Est-Angles, furent obligés de se renfermer dans le pays dont ils avaient fait la conquête. Leurs irruptions furent arrêtées à l'orient par le fameux fossé qui s'étendait depuis les marais situés au nord jusqu'à la rivière d'Ouse, et dans le comté de Suffolk, qui séparait la Mercie et le royaume des Est-Angles, et qui s'appeнe aujourd'hui Reech-dyke, d'un bourg de ce nom. Le petit peuple le nomme Devil's-dyke. Les annales saxones parlant de ce fossé sous le règne d'Edouard l'Ancien, on en a conclu qu'il avait été creusé vers ce temps-là. Alfred mourut en 901. •

Les Danois ayant violé la trève dont on était convenu, Edouard alla les attaquer dans le pays des Est-Angles, et les força à se soumettre. Il défit aussi les Ecossais, les Cumbriens et les Gallois. Il fit construire des forts dans les endroits qui paraissaient les plus faibles. Ethelred, comte de Mercie, ainsi qu'Ethelflède, sa femme, et fille d'Alfred, firent la même chose dans le pays du milieu. Mais rien, n'a plus illustré le nom d'Edouard que le recueil des lois qu'il ajouta à celles de son père Alfred. (Ap. Spelman, Conc. t. 1; et Wilkins, Conc. Brit. t. 1.) Gunthrun, ou plutôt Eoric, successeur de Gunthrun, roi danois des Est-Angles, Le contribua pas peu à les faire recevoir. Le vol et plusieurs autres crimes n'y étaient punis que par des amendes pécuniaires; et ce ne fut qu'au treizième siècle que les législateurs décernèrent généralement la peine de mort contre ceux qui les commettaient. Edouard mourut en 925, après un règne de vingtquatre ans. On l'enterra dans le monastère que son père avait fondé à Winchester.

Athelstan, fils aîné et successeur d'Edouard, régna quatorze ans, et se signala par sa prudence et son courage. Le père ayant éteint le royaume des Danois parmi les Est-Angles, le fils chassa ces peuples du Northumberland. Ce dernier força les Gallois à lui payer chaque année un tribut considérable. Il vainquit aussi les Ecossais en 938.

Constantin, roi d'Ecosse, s'était déclaré pour Guthfrith, dernier roi des Danois du Northumberland, puis pour Anlaff, fils de ce prince: Athelstan, indigné de sa conduite, s'avança vers le nord de l'Ecosse en 934, et remporta une victoire complète sur ses ennemis. La même année, Constantin fondit sur l'Angleterre avec une armée composée d'Ecossais, de Danois, des troupes d'Anlaff, roi de Dublin, et des peuples qui habitaient les îles occidentales. Athelstan le rencontra à Brunanburg, lieu inconnu aujourd'hui, près de l'Humber. Il attaqua vivement le roi de Dublin, tandis que Turketil, son parent, chargeait les Ecossais. La victoire se déclara pour lui, et il l'attribua à l'intercession de S. Jean de Béverley. Ayant chassé les Gallois d'Exeter, il y fonda un monastère dont l'église fut depuis convertie en cathédrale, lorsque l'évêché de Créditon eut été transféré dans cette ville.

Alfred de Beverley appelle Athelstan le premier monarque de toute l'Angleterre, quoiqu'il n'ait jamais pris ce titre par modestie, et qu'il l'ait laissé à Edred, son frère. Cet auteur se fonde sur ce qu'après l'extinction du royaume des Danois dans le Northumberland, et après la mort de la pieuse Ethelflède, comtesse de Mercie, il ne resta pas le plus petit souverain dans les Etats de ce prince, ce qui n'était point arrivé depuis le roi Egbert jusqu'au temps dont nous parlons. De plus, Athelstan avait soumis les Gallois et les Ecossais, et les avait rendus ses tributaires, selon les historiens d'Angleterre. Ajoutons cepen dant que les historiens d'Ecosse nient ce dernier point quant à leur patrie. Athelstan aimait la paix et la religion; il était plein de bonté et d'affabilité envers tout le monde. Savant lui-même, il protégeait ceux qui s'appliquaient aux sciences. Son humilité et sa bienfaisance le firent aimer et admirer de

sonne; il le fit son chapelain. Non content de le consulter sur les choses qui intéressaient le plus le bien de l'Etat, il lui dit de l'accompagner à la guerre, afin que ses exemples et ses avis le portassent continuellement à la pratique de la vertu. Il le choisit pour rem plir le siége de Wilton ", vers le commencement de son règne. Le saint, malgré sa nouvelle dignité, ne put abandonner la cour; il était souvent obligé de suivre le roi. Il se trouva même à la bataille de Brunanburg. Le roi, ayant été investi par les ennemis, y pensa perdre la vie ; et l'on assure qu'il fut redevable de la conservation de ses jours à un miracle opéré par le saint évêque.

Athelstan étant mort en 941, Edmond, son frère, qui n'avait encore que dix-huit ans, monta sur le trône d'Angleterre. Ce prince, aussi fidèle que ses prédécesseurs à suivre les conseils de S. Odon, soumit une seconde fois les Northumbres et Anlaff, qui s'étaient révoltés. Il porta aussi de sages lois, dont l'objet principal était de prévenir les meurtres et les divisions qui troublent les familles. Il était ordonné par une de ces lois, que, dans la cas où plusieurs voleurs se réuniraient ensemble, on pendrait le plus âgé de la troupe, et que les autres seraient fouettés trois fois. Il paraît que c'est la première loi qui ait décerné la peine de mort contre le vòl en Angleterre. Edmond avait autant de piété que de valeur et de sagesse ; et il eut toujours une grande confiance dans les lumières de S. Odon.

Ce fut en 942 qu'on transféra le saint au siége de Cantorbéry. Il n'avait consenti qu'avec beaucoup de peine à sa première promotion; mais il s'opposa encore plus long-temps à la seconde, par une suite de cette crainte que les dignes ministres éprouvent dans de pareilles occasions. Il allégua: 1o son indignité; 2o l'autorité des canons, qui défendaient qu'un évêque fût transféré d'un siége à un autre; 3o le défaut d'aptitude pour la place dont il s'agissait, et qu'il fondait sur ce qu'il n'était point moine. On eut bientôt levé les deux premières difficultés. Quant à la troisième, on détermina S. Odon à prendre l'habit bénédictin ; après quoi il fut installé.

tous ses sujets. Sa capacité pour le métier de la guerre rendit son nom redoutable à ses ennemis et à ceux qui osaient troubler le repos de l'Etat. Il porta des lois pleines de sagesse; et comme il y punissait le crime par des amendes pécuniaires, il réglait la somme qu'on devait, payer sur l'état et la qualité des délinquans.

a Le royaume des Saxons occidentaux dépendit du diocèse de Winchester jusqu'au règne d'Ina, c'est-à-dire jusque vers l'an 705, qu'on érigea un évèché à Shirburne. Ce siége et celui de Wilton, érigé en 905 pour le Wiltshire, furent unis dans la suite, et fixés à Salisbury en 1046. S. Odon fut le second évêque de Wilton, selon les Fasti de Le Nève. D'autres auteurs le font évêque de Shirburne.

11 le reçut des mains de l'abbé de Fleury (aujourd'hui Saint-Benoît-sur

a

Edmond laissa en mourant a deux fils encore en bas âge, Edwi et Edgard; et il eut pour successeur Edred, son frère. Ce fut durant le règne de ce prince qu'arriva le miracle que nous allons rapporter d'après les anciens historiens d'Angleterre 1. Quelques personnes du clergé de Cantorbéry ayant une tentation de doute sur la présence réelle de Jésus-Christ dans l'Eucharistie, S. Odon pria Dieu de les en délivrer et de leur confirmer d'une manière éclatante la vérité du mystère. Il obtint ce qu'il avait demandé au ciel un jour qu'il disait la messe dans sa cathédrale. Quand il en fut à la fraction de l'hostie, il en sortit deux gouttes de sang qui tombèrent dans le calice à la vue de tout le peuple. Le saint fit venir à l'autel ceux qui avaient la tentation du doute. Ceux-ci, pleins de reconnaissance pour la grâce que Dieu leur avait faite, l'en remercièrent solennellement avec leur archevêque.

Edwi, l'aîné des fils d'Edmond, fut roi après la mort d'Edred, arrivée en 955. L'archevêque de Cantorbéry fit la cérémonie de son sacre à Kingston. Edwi était un prince livré à la débauche. Dans le repas qui suivit son couronnement, il quitta les évêques et les seigneurs qui étaient à table avec lui, afin d'aller avec Ethelgive, pour laquelle il avait un amour impudique, quoiqu'elle fût sa proche parente. S. Dunstan, pour lors abbé de Glastenbury, l'en reprit par l'ordre de S. Odon. Mais sa généreuse liberté le fit condamner à l'exil; ses religieux furent aussi chassés de leur monastère. S. Odon laissa agir son zèle contre l'infàme Ethelgive. Elle se retira à Glocester, où le roi ne rougit pas d'aller la joindre. Les Merciens et les Northumbres, indignés des horreurs qui se passaient sous son règne, prirent les armes contre lui, et proclamèrent roi son frère Edgard 4. Ce dernier honora singulièrement S. Odon, il rappela S. Dunstan, et le fit placer sur le siége épiscopal de Worcester. Pendant son règne, qui fut d'environ seize ans, il mérita l'amour de ses sujets et le respect des étrangers, qui n'o

Loire), maison alors célèbre par sa régularité. Il n'est pas aisé de décider si l'abbé passa en Angleterre, cu si S. Odon vint le trouver en France.

a Edmond fut assassiné en 948, par un scélérat nommé Léof, qui avait eu l'insolence de s'asseoir à la table du roi, dans un festin qui se donna à la cour, le jour de la fête de S. Augustin, archevêque de Cantorbéry.

Nous parlons d'après Eadmer, qui a donné une bonne Vie de S. Odon, d'après Guillaume de Malmesbury, et la Chronique de l'église de Cantorbéry, cités dans les Antiquités de la Bretagne, par Parker.

e Edred mourut après une maladie de langueur, qu'il souffrit avec beaucoup de patience et de résignation; son règne fut de neuf ans et demi. Il prit le titre de roi de la Grande-Bretagne, dans une charte qu'il donna à l'abbaye de Croyland, et qui est rapportée par Ingulphe. Il s'appelle Monarque de toute l'Angleterre dans une autre charte donnée à l'abbaye de Réculver, Monast. angl. App. t. 1.

Edwi conserva le royaume des Saxons occidentaux jusqu'à sa mort, qui arriva en 959, selon Florent de Worcester, et le manuscrit des annales saxones de Laud.

sèrent jamais troubler la paix et la tranquillité de ses Etats. On attribue principalement à S. Odon et à S. Dunstan les lois utiles qu'il porta. Toujours guidé par les avis de ces deux grands hommes, il répara les maux causés par la tyrannie et les autres crimes de son frère".

S. Odon travaillait avec un zèle infatigable, même dans une extrême vieillesse, à l'instruction de son clergé et du reste de son troupeau; on le voyait aussi redoubler de ferveur dans tous ses exercices à mesure qu'il approchait de la mort. Il mourut en 961. Son nom est célèbre dans tous les Martyrologes d'Angleterre. Sa vertu le faisait appeler de son vivant, Odo se gode, ce qui en langue saxone signifiait Odon le bon c.

Ses reliques étaient anciennement dans une châsse. Il paraît que, lors de la prétendue réforme, on les mit sous une petite tombe que l'on voit encore aujourd'hui à l'endroit où la châsse était autrefois.

S. SISOÈS OU S. SISOY,

ANACHORÈTE EN EGYPTE.

S. SISOÈS fut une des plus éclatantes lumières des déserts d'Egypte, après la mort de S. Antoine. Il était Egyptien de naissance. Ayant quitté le monde dès sa jeunesse, il se retira dans le désert de Scété, et vécut quelque temps sous la conduite de l'abbé Hor. Le désir de trouver un lieu encore plus solitaire lui fit passer le Nil; et il alla se cacher sur une montagne où S. Antoine était mort depuis peu. La mémoire toute récente des vertus de ce grand homme soutenait merveilleusement sa ferveur; il s'imaginait le

a Edgard mourut en 975. On lit dans Guillaume de Malmesbury et dans Florent de Worcester, qu'il avait deux grandes flottes, composées de 1600 vaisseaux, avec lesquelles il parcourait tous les ans les mers de la Grande-Bretagne. Les mêmes auteurs ajoutent qu'il avait souvent à sa suite six ou huit petits rois, nommément Keneth, roi des Ecossais, Malcolm, roi de Cumberland, Maccuse, seigneur de Man et des lles, et cinq princes gallois, qui tous conduisaient sa galère depuis Chester, en descendant la Dée. Ces princes gallois étaient les successeurs de Howel Dha, qui donna de sages lois à tout le pays de Galles, qui le reconnaissait pour souverain. Ces lois ont été publiées par Wotthon, en 1735, in-fol.

Mabillon a prouvé la vérité de cette date par l'autorité de la Chronique

saxone.

Les constitutions de S. Odon paraissent être les instructions que le saint donnait à son clergé. Voyez Inett, Hist. de l'Eglise d'Angl. t. 1.

Les lois d'Athelstan, d'Edmond et d'Edgard regardaient en partie l'Etat et en partie l'Eglise. Elles furent portées dans des assemblées générales, et S. Odon en est regardé comme le principal auteur.

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