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avertie, se prépara sans émotion à souffrir la mort. Elle commença par distribuer ses biens aux pauvres; puis, après avoir exhorté son petitfils à soutenir courageusement les intérêts de la religion, elle reçut les sacremens de pénitence et de l'eucharistie. Elle étoit prosternée devant l'autel dans sa chapelle, lorsque les assassins envoyés par Drahomire y entrèrent; ils se jetèrent sur elle avec fureur, et l'étranglèrent avec son propre voile. On l'honore en Bohême, comme martyre, le 16 Septembre.

Wenceslas fut vivement touché de ce cruel événement; et ce qui augmentoit encore sa douleur, c'étoit de penser que le crime qui faisoit couler ses larmes avoit été ordonné par sa mère. Il ne se plaignit qu'à Dieu, dont il adora les jugemens, et se contenta de prier pour la conversion de celle qui lui avoit donné le jour.

Radislas, prince de Gurime, contrée voisine de la Bohême, vint fondre avec une armée puissante sur les états du Saint, Wenceslas, qui désiroit la paix, lui envoya demander quel étoit le motif de la conduite qu'il tenoit à son égard: il lui fit dire en même temps qu'il étoit prêt à lui donner satisfaction s'il l'avoit offensé, et à se prêter à un accommodement, pourvu qu'on n'exigeât rien qui fût contraire à sa religion et au bien de ses sujets. Radislas répondit insolemment à l'envoyé, que l'unique moyen d'avoir la paix, étoit de lui abandonner la Bohême. Wenceslas, forcé de prendre les armes, marcha contre son ennemi. Quand les deux armées furent en présence, il fit dire au prince de Gurime que, désirant empêcher l'effusion du sang d'une multitude d'innocens, il lui proposoit de décider l'affaire par un combat singulier. Radislas accepta le défi, dans l'espérance qu'il lui

seroit facile de remporter la victoire. Les deux princes s'avancèrent donc chacun à la tête de leur armée, afin de terminer la guerre par un duel. Le duc de Bohême, dont l'armure étoit fort légère, fit le signe de la croix, et s'approcha courageusement pour se mesurer avec son ennemi. Radislas s'étant mis en devoir de le percer d'un coup de javeline, il aperçut, au rapport des historiens de Bohême, deux anges qui le défendoient. Les mêmes historiens ajoutent qu'ayant mis bas ses armes, il se jeta aux pieds de Wenceslas pour lui demander pardon, et qu'il le laissa le maître des conditions de paix.

L'empereur Othon I ayant convoqué une diète générale à Worms, Wenceslas arriva le dernier, parce qu'il s'étoit arrêté en route pour satisfaire sa dévotion. Quelques princes en témoignèrent du mécontentement: mais l'empereur le reçut avec beaucoup de distinction; il le fit asseoir auprès de lui, et lui promit de lui accorder tout ce qu'il demanderoit. Il se contenta de demander une partie des reliques de saint Vit, et de celles de saint Sigismond, roi de Bourgogne. Quelques historiens ajoutent qu'Othon lui conféra le titre et la dignité de roi, qu'il lui accorda le privilége de porter l'aigle de l'empire sur sa bannière, et qu'il affranchit ses domaines de toute taxe ou redevance. Le pieux duc refusa de prendre le titre de roi, qui lui fut cependant toujours donné depuis ce temps-là dans les lettres d'Othon et des princes de l'empire.

Wenceslas porta respectueusement à Prague les reliques de saint Vit et de saint Sigismond, et il les déposa dans une église qu'il y fit bâtir. Il voulut aussi que le corps de sainte Ludmille fût transféré dans une église de la même ville, bâtie

par son père, et dédiée sous l'invocation de saint George.

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Son zèle à réprimer les désordres de la noblesse, et à défendre les personnes opprimées, lui attira des ennemis. Ceux-ci entrèrent dans la faction à la tête de laquelle étoit Drahomire et Boleslas. On résolut de se défaire de Wenceslas. On couvrit du masque de l'amitié le noir projet qu'on avoit tramé contre lui. Un fils étant né à Boleslas, ce prince et sa mère l'invitèrent à venir avec eux prendre part à la joie que causoit cet événement. Wenceslas y alla sans la moindre défiance, et fut reçu avec de grandes démonstrations extérieures d'affection. La fête fut magnifique. La nuit suivante, Wenceslas se rendit à l'église pour prier selon sa coutume. Boleslas l'y suivit à l'instigation de sa mère. Les assassins qu'il avoit subornés ayant frappé son frère, il se joignit à eux, et le perça de sa lance. Cet horrible attentat se commit le 28 Septembre 936 (a).

L'empereur Othon fit marcher une armée dans la Bohême pour venger la mort de Wenceslas. La guerre dura plusieurs années. Othon étant vainqueur, se contenta de la soumission de Boleslas, qui s'engagea à rappeler les prêtres bannis, à rétablir la religion chrétienne, et à payer un tribut annuel. Drahomire périt misérablement peu après l'assassinat de son fils. Les miracles opérés au tombeau du Saint effrayèrent Boleslas; il fit transporter à Prague, dans l'église de Saint-Vit, le corps de son frère, qui s'y garde encore dans une châsse

(a) Saint Wenceslas fut le quinzième duc de Bohême depuis Czecus le Sclavon, qui fonda cet état vers l'an 644. On l'appelle le premier roi de Bohême, quoique plusieurs de ses successeurs n'aient été que ducs. L'empereur Henri IV érigea la Bohême en royaume, en faveur d'Uratislas II, dans l'année 1086.

magnifique. Boleslas II, fils et successeur de Boleslas I, fut bien différent de son père; il devint un des plus grands princes de son temps, et mérita par ses vertus qu'on lui donnât le surnom de pieux. Il se montra le fidèle imitateur de saint Wenceslas son oncle. En 951, on bâtit en Danemarck une église sous l'invocation de notre Saint, dont le culte devint fort célèbre par tout le Nord. La sûreté et le bonheur de tout gouvernement et de toute société, sont essentiellement fondés sur la religion; il n'y a qu'elle qui puisse inspirer aux princes de l'amour pour leurs sujets, et aux peuples du respect pour les lois. On doit donc regarder comme les plus dangereux ennemis du genre humain ces écrivains impies qui ont prétendu que la crainte seule mettoit de la différence entre la vertu et le vice, ou qui ont réduit la vertu à une beauté idéale et sans réalité. Comment des hommes qui, malgré le cri de la nature, méprisent les lois de Dieu, seroient-ils retenus par celles des nations cu des états particuliers? Que la religion ne nous rappelle pas continuellement à notre conscience, nous deviendrons esclaves de nos passions, et il n'y aura point de crime auquel nous ne nous portions dès que nous y trouverons notre utilité, ou que nous serons sûrs de l'impunité. Il vaudroit mieux vivre avec les lions et les tigres, qu'avec des hommes dépouillés du frein de la religion.

Il seroit contraire à la bonté et à la justice de Dieu d'avoir fait des créatures raisonnables, sans leur donner une loi intérieure dont la sanction fût appuyée sur les motifs les plus puissans, et sur la plus grande autorité possible; il seroit également contraire à ces deux attributs de ne pas récompenser l'obéissance à cette loi, et d'en laisser la

violation impunie. Cette considération seule nous conduit à l'aveu d'une Providence, qui comme la foi nous l'apprend, réserve des récompenses et des peines dans une autre vie; et cette créance est le lien sacré de la société civile sur la terre.

Les princes infidèles ou idolâtres sentirent bien la nécessité de la religion, puisqu'au défaut de la véritable, ils en adoptèrent une fausse. Ils savoient que sans cela toutes les lois n'auroient ni force ni vigueur. Ce n'est pas qu'une fausse religion ne soit un crime énorme, et tout-à-fait insuffisante pour retenir la fougue des passions, et fixer les variations de l'esprit humain dans toutes les circonstances; mais il résulte de ce que nous venons de dire, que la nécessité de la religion est fondée dans la nature. Il n'appartient qu'à la véritable de nous consoler dans nos peines, de nous fortifier contre les plus rudes épreuves de nous faire maîtriser nos passions, et de nous donner à la mort une ferme espérance d'un bonheur éternel. Elle nous apprend que la vertu opprimée recouvrera ses droits au dernier jour, semblable au soleil, qui n'est jamais plus éclatant que lorsqu'il sort de dessous un nuage épais.

qu'à

S. EXUPÈRE, ÉVÊQUE DE TOULlouse.

SAINT EXUPÈRE, qui naquit dans l'Aquitaine, selon l'opinion la plus commune, fut élevé sur le siége de Toulouse après la mort de saint Sylvius. Saint Jérôme, qui étoit en commerce de lettres avec lui, lui donne de grands éloges en plusieurs endroits de ses ouvrages; il loue sur-tout sa charité pour les pauvres. Il souffre, dit-il, la faim pour nourrir ses frères; il se condamne à des pri

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