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leurs désordres : ce qui, loin d'être contraire à la loi, y étoit très-conforme, et renfermoit le plus essentiel de tous les devoirs. Jésus-Christ, en descendant du ciel pour se revêtir de notre nature, s'étoit proposé de satisfaire le désir ardent dont il brûloit pour le salut des pécheurs; aussi faisoit-il ses plus chères délices de converser avec eux, dans le dessein de les retirer de leurs dé sordres, en leur inspirant les sentimens d'une vive et sincère pénitence. On peut juger de la tendresse qu'il portoit à ceux qui se convertissoient, par les paraboles touchantes qu'on lit dans l'évangile.

On met la vocation de saint Matthieu à la seconde année de la prédication publique de Jésus-Christ. Quelque temps après, le Sauveur ayant formé le college apostolique, voulut bien agréger notre Saint dans la société de ceux qu'il destinoit à être les princes et les fondateurs de son église. Dans la liste des apôtres donnée par les autres évangélistes, le nom de saint Matthieu se trouve avant celui de saint Thomas; mais notre saint évangéliste place cet apôtre avant lui, et joint à son nom l'épithète de publicain. Il suivoit en cela son humilité, qui le portoit à publier ce qu'il avoit été, afin que l'on pût admirer en lui les effets de la miséricorde divine.

Nous apprenons d'Eusèbe et de saint Epiphane, qu'après l'ascension de Jésus-Christ, saint Matthieu prêcha dans la Judée et dans les contrées voisines, et qu'il ne s'en éloigna point jusqu'à la dispersion des apôtres. Quelque temps avant cette séparation, il écrivit son évangile à la prière des Juifs convertis. Saint Epiphane dit qu'il l'écrivit par le commandement des autres apôtres. Il est au moins sûr que l'évangile de

saint Matthieu est le premier de tous; que saint Barthélemi l'emporta dans les Indes, et qu'il l'y laissa (c).

(c) Papias, Origène, saint Irénée, Eusèbe,, saint Jérôme, saint Epiphane, Théodoret, et tous les anciens Pères, assurent de la manière la plus positive, que l'évangile de saint Matthieu fut originairement écrit en hébreu moderne, ou en syro-chaldaïque, qui étoient la langue que parloient les juifs après la captivité. On ne voit pas sur quel fondement Erasme, Calvin, Lightfood, etc. ont prétendu qu'il avoit d'abord été écrit en grec, que ces auteurs supposent faussement avoir été la langue vulgaire des juifs de la Palestine. Il n'est pas moins certain que Jésus-Christ prêchoit en syrochaldaïque, comme on le prouve par plusieurs mots de la même langue, que les évangélistes rapportent et interprètent. Saint Paul, dans les discours qu'il fit aux Juifs de Jérusalem act. XX, 2; XXVII, 40; XXVI, 14, parloit syro-chaldaïque. La paraphrase d'Onkelos, composée vers le temps de JésusChrist, et celle de Jonathan sur Josué, les Juges et les Rois qui n'est pas beaucoup postérieure, sont dans la même langue: elles furent faites pour expliquer l'écriture au peuple qui n'entendoit point ce qu'on lisoit en ancien hébreu dans les synagogues. (Voyez Huet, de Clar. interpret. §. 6; Richard, Simon, l. 2, c. 18; Walton, proleg. 12; Frassen, contra Morin. 1. 2, exercit. 8, et le P. Alexandre, sect. 2, diss. 11.) Ces paraphrases ont été imprimées dans les Polyglottes.

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Erasme et les autres auteurs que nous réfutons ne sont pas plus heureux dans la preuve qu'ils apportent de leurs conjectures, et qu'ils tirent de ce que l'ancien Testament est cité, selon la version des Septante, dans l'évangile de saint Matthieu. En effet, de dix citations qu'on trouve dans l'évangile de ce Saint, il y en a sept d'après l'hébreu, et les autres, loin d'être contraires à ce texte, renferment le même sens, quoique en d'autres termes. Saint Jérôme, in Catal. observe expressément, d'après une copie en hébreu de l'évangile dont nous parlons, et qu'il avoit vue dans la bibliothèque de Césarée, que saint Matthieu a cité l'écriture selon l'hébreu. Il y auroit de la folie, dit Isaac-Vossius, Prof. App. in l. de 70 interpr., d'employer son temps à réfuter les rêveries de ceux qui, au mépris du témoignage unanime de toute l'antiquité, et de l'autorité de toutes les églises soutiennent que l'évangile de saint Matthieu n'a point été écrit originairement en syro-chaldaïque. Selon saint Jérôme et saint Augustin, la version grecque fut faite du temps des apôtres, et peut-être par quelqu'un d'entre eux; moins certain qu'ils l'approuvèrent, et qu'elle a toujours été regardée depuis comme tenant la place de l'original. Il paroît en effet que la copie syro-chaldaïque fut corrompue peu de

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est au

On ne voit pas que Jésus-Christ ait chargé ses apôtres de mettre par écrit l'histoire de sa vie ou de sa doctrine. Les auteurs qui l'ont donnée, y ont été déterminés par diverses circonstances. Saint Matthieu écrivit son évangile à la prière des Juifs convertis de la Palestine (1); saint Marc écrivit le sien à la prière des fidèles de Rome (2). Le but de saint Luc fut de s'opposer au cours des fausses histoires de Jésus-Christ que l'on publioit (3). Saint Jean fut prié par les évêques d'Asie de laisser un témoignage authentique de la vérité contre les hérésies de Cérinthe et d'Ebion (4). Ge fut néanmoins par une inspiration spéciale de l'Esprit-Saint, que chacun d'eux entreprit et exécuta cet ouvrage. Les évangiles sont la plus excellente partie de l'écriture. Jésus-Christ nous y temps après par les Nazaréens ou Juifs convertis, qui étoient attachés aux cérémonies légales; les Ebionites en retranchèrent aussi quelques passages. Quelques-unes des additions qu'y firent les Nazaréens, consistoient en certaines maximes du Sauveur que l'on tenoit de ceux qui les avoient entendues de sa bouche sacrée, et qui sont citées comme telles par les Pères. On peut en voir un recueil dans Grabe, Spicil. t. I, p. 12. Les autres additions faites par les hérétiques ne contenoient que des fables. Ces interpolations décréditèrent le texte hébreu dans l'église, ou si l'évangile des Nazaréens n'est pas le même que celui de saint Matthieu, aux différences près que nous avons marquées, ce dernier est perdu depuis long-temps. Le texte chaldaïque de l'évangile de saint Matthieu', imprimé plusieurs fois, n'est qu'une traduction mo. derne en cette langue, laquelle a été faite d'après le grec; il en est de même de la vulgate, ou de l'ancienne version italique que saint Jérôme corrigea d'après le grec. (Voyez le P. le Long, Bibl. sacra; Milles, Proleg. in Gr. Testam., p. 5 et 31, etc.) D. Martianay publia, en 1695, l'ancienne version italique de l'évangile de saint Matthieu. On a trouvé depuis à Corbie un ancien Ms. contenant la véritable version italique, qui a été imprimée à Vérone.

(1) Eus. l. 3, c. 24; saint Hieron. in Catal.

(2) Eus. l. 2, c. 15.

(3) Luc. I, 1.

(4) S. Hieron., Prol. in Matt., saint Epiphane, hær. 51,

n. 12.

instruit des importantes vérités du salut, non par ses prophètes, mais par lui-même, et nous y trouvons dans l'histoire de sa vie le plus parfait modèle de sainteté. Saint Matthieu entre dans un détail plus circonstancié des actions du Sauveur. Depuis le cinquième chapitre jusqu'au quatorzième, il diffère des autres évangélistes dans la manière de ranger les faits; il néglige l'ordre des temps, pour réunir les instructions de JésusChrist, et montrer plus parfaitement la liaison qui est entre elles. Il insiste principalement sur les préceptes moraux, et donne la généalogie du Sauveur, pour faire voir l'accomplissement des promesses selon lesquelles le Messie devoit sortir de la race d'Abraham et de David; en quoi il se proposoit particulièrement d'engager les Juifs à croire en lui.

Le saint évangéliste, après avoir converti un grand nombre d'ames dans la Judée, alla prêcher la foi à des peuples barbares de l'Orient. Nous apprenons de Clément d'Alexandrie (5), qu'il étoit fort adonné à l'exercice de la contemplation; qu'il menoit une vie très-austère; qu'il ne mangeoit point de viande, et qu'il ne vivoit que d'herbes, de racines et de fruits sauvages. Saint Ambroise dit (6) que Dieu lui ouvrit le pays des Perses. Selon Rufin (7) et Socrate (8), il porta l'évangile dans l'Ethiopie, par où l'on doit entendre, non les contrées orientales et méridionales de l'Asie (9), mais la partie de l'Ethiopie qui confine l'Egypte (10). Florentinius dit que, suivant l'opi

(5) Pædag., l. 2, C. 1.

(7) L. 10, c. 9.

(6) In Ps. 45. (8) L. 1, c. 19.

(9) Comme Tillemont et Baillet l'ont cru.

(10) Ce n'est point Axuma dans l'Abyssinie, où saint Frumentius jeta les premières semences de la foi.

nion commune, le Saint mourut à Luch, dans le pays de Sennar, qui faisoit partie de l'ancienne Nubie, et qui est entre l'Egypte et l'Abyssinie. On lit dans Fortunat (11), qu'il souffrit le martyre à Naddaver en Ethiopie (12). Dorothée rapporte qu'il fut enterré honorablement à Hierapolis dans la Parthie. On porta depuis ses reliques dans l'Occident. On lit dans une lettre écrite, en 1080, par le pape Grégoire VI à l'évêque de Salerne, qu'elles étoient dans une église de cette ville, laquelle avoit été dédiée sous l'invocation du Saint (13).

Saint Irénée, saint Jérôme, saint Augustin et les autres Pères, trouvent une figure des évangélistes dans les quatre animaux mystérieux représentés dans Ezéchiel (14), et dans l'Apocalypse (15). On convient généralement que l'aigle est le symbole de saint Jean, qui, dès les premières lignes de son évangile, s'élève jusque dans le sein de la Divinité pour y contempler la génération éternelle du Verbe. On convient également que veau est le symbole de saint Luc, qui commence par faire mention du sacerdoce du Sauveur. Selon saint Augustin, saint Matthieu est représenté par le lion, parce qu'il explique la dignité royale de Jésus-Christ; mais d'autres prétendent que c'est saint Marc, et dans ce cas, l'animal qui avoit comme la figure d'un homme, sera le symbole de saint Matthieu, qui com

(11) L. 5, c. 2 et l. 87, carm. 4.

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(12) Muratori, in Annot. in S. Paulin. c. 451, pense que Naddaver étoit dans la Parthie.

(13) Voyez sur la translation de ses reliques à Salerne Baronius, ad an. 1080, et Muratori, t. II Serip. Ital. part.

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col. 260.

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(14) I, 10. Tome IX.

(15) IV, 7.

A *

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