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langue hébraïque. Un des Juifs qu'il avoit choisi pour maître, et sous la conduite duquel il fit de grands progrès, prononçoit si bien l'hébreu, et le parloit avec tant de grâce, d'élégance et de pureté, que les rabbins mêmes le regardoient comme un vrai Chaldéen (18).

Le désir de se perfectionner dans la connoissance des saintes écritures, fit entreprendre à saint Jérôme le voyage de Constantinople vers l'an 380. Saint Grégoire de Nazianze étoit alors évêque de cette ville. Notre Saint témoigne en plusieurs endroits de ses ouvrages, qu'il s'estimoit heureux d'avoir eu pour maître ce grand homme, le plus éloquent et le plus instruit des docteurs de la loi du Seigneur. De Constantinople, il retourna en Palestine. Peu de temps après, il fut invité à revenir à Rome, comme il le rapporte lui-même (19). Il en fit le voyage, en 381, avec saint Paulin d'Antioche et saint Epiphane, qui alloient au concile que le pape Damase venoit de convoquer pour mettre fin au schisme d'Antioche. Ces deux évêques passèrent l'hiver à Rome, et retournè-rent ensuite dans l'Orient. Pour saint Jérôme, il fut retenu par le pape, qui l'employa dans les plus grandes affaires de l'église et qui le chargea de répondre aux lettres que lui écrivoient les évêques pour le consulter (20). Il demeura pendant ce temps-là dans un monastère des faubourgs de Rome (21).

La sainteté de sa vie, son éloquence et son savoir lui attirèrent bientôt l'estime et l'admiration des habitans de cette ville. La noblesse et le

(18) T. III, ad Damas., p. 515.

(19) Ep. 16 et 17, et Vet.

(20) S. Hier., in Apol. ad Pammach. et ep. 11. (21) Voyez le P. Dolci.

clergé s'empressoient de profiter de ses lumières pour se perfectionner dans la connoissance de l'écriture et dans la pratique des maximes de la piété. Il dirigeoit en même temps plusieurs dames romaines, recommandables par leur vertu, entre autres sainte Marcelle et Aselle, sa sœur, avec Albine, leur mère, l'illustre Mélanie, Marcelline, Félicité, Lée, Fabiole, Læta, et Paule avec ses filles. Marcelle étoit une sainte veuve qui vivoit dans la retraite depuis 341. Saint Athanase étant venu à Rome, lui avoit inspiré l'amour de la solitude par le récit de la vie de saint Antoine qui vivoit encore. Elle fit de grands progrès dans l'intelligence des saintes Ecritures, sous la direction de saint Jérôme. C'est à elle que le saint docteur adressa plusieurs lettres où il explique les dix noms de Dieu en hébreu, ainsi que les mots de la même langue que l'église a adoptés dans son office, et où il donne la signification de ceux d'Ephod et de Téraphim (22). Elle avoit une ardeur incroyable pour la lecture des livres saints. « Toutes les fois, dit saint Jérôme, que je me > représente son application à cette divine lec>>ture, je ne puis m'empêcher de condamner ma » lâcheté, de ce que, vivant dans un monastère, > et ayant toujours devant les yeux la crêche du > Sauveur, je ne fais point ce qu'une dame de » qualité faisoit aux heures qu'elle pouvoit déro»ber à l'embarras d'une famille nombreuse et » aux soins de sa maison (23). »

Nous ne répéterons point ce que nous avons dit ailleurs de sainte Lée et de sainte Paule, qui

(22) T. II, p. 704, ed. Ben. ibid. p. 611, ibid. p. 728. Voyez la vie de sainte Marcelle, sous le 31 Janvier.

(23) In Ephes., p. 219.

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l'une et l'autre sont nommées dans le martyrologe romain (24).

Aselle s'étoit consacrée au Seigneur dès l'âge de dix ans, et à douze elle s'étoit retirée dans une cellule où elle couchoit sur la terre nue: elle jeûnoit toute l'année au pain et à l'eau, et passoit souvent en carême plusieurs jours de suite sans manger; quelque grandes que fussent ses austérités, elles n'altéroient point sa santé. Le travail des mains étoit une de ses principales occupations. Jamais elle ne sortoit de sa retraite que pour aller prier dans les églises des martyrs, encore avoit-elle soin de se cacher le plus qu'il lui étoit possible aux yeux du public. Une aimable douceur tempéroit la gravité de son maintien. Ses paroles inspiroient le recueillement; son silence même parloit au cœur. Jamais elle ne conversoit avec des hommes sans quelque nécessité, et sa sœur Marcelle avoit elle-même de la peine à la voir. Elle savoit se faire un désert au milieu de Rome. Elle avoit cinquante ans en 384 (25).

Fabiole étoit de l'illustre famille des Fabius. Son premier mari l'avoit mise dans le cas d'un divorce légal par la vie corrompue qu'il menoit. Les lois civiles lui permettant de passer à de secondes noces, elle contracta un nouveau mariage; mais son second mari étant mort, elle témoigna un grand regret d'avoir transgressé, en l'épousant, les lois de l'évangile. Pour expier sa faute, elle fit une pénitence publique fort austère; elle vendit ensuite tous ses biens, et en employa le prix à fonder un hôpital pour les malades, qu'elle servoit de ses propres mains, ainsi qu'à assister

(24) Voyez la vie de sainte Paule, sous le 26 Janvier, et celle de sainte Lée, sous le 22 Mars.

(25) S. Hier, ep. 15 ad Marcell. t. 11, part. 2, p. 52.

plusieurs monastères bâtis sur les côtes de Toscane, et à soulager un grand nombre de pauvres de l'Italie et de la Palestine (26). Elle mourut à Rome vers l'an 400. Les lettres que saint Jérôme écrivit aux dames romaines dont nous venons de parler, et à d'autres personnes de piété, sont d'excellens traités sur les différentes vertus de la vie chrétienne. Nous ne pouvons résister au plaisir d'en extraire quelques-unes. Héliodore ayant quitté le désert de Chalcis, en Syrie, pour retourner à Rome, il lui écrivit pour le ramener à ses premiers sentimens. «Soldat délicat, lui disoit» il, que faites-vous dans la maison de votre » père? Souvenez-vous du jour où vous vous en>> rôlâtes sous les étendards de Jésus-Christ : » vous jurâtes alors que vous lui seriez fidèle.... » quand bien même votre petit-neveu vous ser>> reroit dans ses bras, quand bien même votre » mère s'arracheroit les cheveux, quand bien » même votre père se coucheroit sur le seuil de » la porte pour vous arrêter; ne balancez pas, » passez par-dessus votre père, et suivez généreu>> sement l'étendard de la croix. La cruauté dans » de pareilles occasions devient miséricorde...... >> Vous vous trompez, mon frère, si vous pensez » qu'un chrétien puisse être sans persécution. II >> est attaqué avec d'autant plus de violence, qu'il » se croit plus en sûreté.... Vous direz peut-être » que les ecclésiastiques vivent dans les villes. A » Dieu ne plaise que je parle mal de ceux qui » tiennent la place des apôtres, qui consacrent » avec leur bouche vénérable le corps de Jésus» Christ, qui nous font chrétiens, et qui, dépo>> sitaires des clefs du ciel, jugent, pour ainsi

(26) S. Hier. duad. ep. ad Fabiiol. p. 574 et 586, et Elog. funeb, ejusd. ad Ocean. p. 637.

» dire, avant le jour du jugement. » Il lui fait sentir ensuite la différence qu'il y a entre un prêtre et un moine. « Ne consentez pas, continue

t-il, à entrer dans le clergé; quoiqu'un digne » prêtre acquière un plus grand degré de perfection, ce n'est point la dignité ecclésiastique qui >> rend les Chrétiens vertueux..... Il n'est point » facile à tous les hommes d'avoir les grâces d'un » saint Paul, ou la sainteté d'un saint Pierre. » Il relève avec son éloquence ordinaire le bonheur de la pénitence, et de la solitude qui nous ouvre le ciel. Héliodore, vivement touché, se préparoit à retourner dans le désert; mais ayant été ordonné prêtre, on l'obligea de s'attacher au service de l'église de Rome.

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Le moine Rusticus, natif de Marseille, qui vivoit à Rome, ayant consulté le Saint, il lui donna, dans une lettre qu'il lui adressa, des règles de conduite pour servir Dieu dans l'état monastique; il lui recommande sur-tout la vigilance, la ferveur, l'assiduité au travail des mains la lecture des livres de piété, la méditation de l'écriture, la prière, l'obéissance, le jeûne et la chasteté. Il donne à la vie cénobitique la préférence sur la vie érémitique; il regarde la première comme plus sûre, et il pense que l'on doit vivre en communauté avant que de se faire ermite. C'étoit, dit-il, une règle parmi les moines d'Egypte de n'admettre personne qui ne pût ou ne voulût travailler des mains, et l'on se proposoit moins par-là de gagner de quoi vivre, que de se ménager une ressource contre l'oisiveté et les mauvaises pensées. Le chant de l'office divin mérite une attention particulière; ce n'est pas tant la voix que l'on doit considérer que l'affection du cœur. « S'il n'y a point d'art que l'on apprenne

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