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» sans maître, à plus forte raison en est-il de » même de celui du salut. Servez vos frères, > lavez les pieds des étrangers, gardez le silence » lorsque vous souffrez quelque injure.» Après avoir prouvé que la patience et l'humilité sont les moyens les plus efficaces contre les tentations, il rapporte le trait suivant. Un jeune Grec, qui vivoit dans un monastère d'Egypte, étoit tourmenté par de violentes tentations d'impureté, et il ne pouvoit en être délivré par la prière, accompagnée de l'abstinence et du travail. Son supérieur, auquel il découvrit le danger de son ame, ordonna secrètement à un moine plein de gravité de l'accabler de railleries et de reproches, et de venir ensuite se plaindre de lui à l'abbé, comme si on l'eût injurié. Une année se passa de la sorte. Le supérieur du jeune moine lui ayant demandé s'il étoit encore tourmenté par les mêmes tentations : « Mon père, répondit-il, j'ai beaucoup de » peine à vivre; comment des pensées de plaisir » viendroient-elles souiller mon ame? »

Lorsque saint Jérôme écrivit à Rusticus, celuici étoit sur le point de retourner dans les Gaules. Il lui recommanda donc de se conduire d'après les avis des deux Saints évêques de ce pays, afin de ne s'écarter jamais du chemin du ciel. Ces évêques étoient Proculus de Marseille, et Exupère de Toulouse (27).

Parmi les lettres de saint Jérôme, il en est peu de comparables à celle qui est adressée à Léta, belle-fille de sainte Paule. Il lui donne des conseils admirables sur la manière dont elle doit. élever Paule, sa fille. « Vous devez, dit-il, l'élever » dans le temple comme Samuel, et dans le dé>> sert comme Jean-Baptiste, en sorte qu'elle (27) Voyez la vie de saint Exupère de Toulouse; sous le 28 Septembre.

> ignore ce que c'est que la vanité et le vice. Que » tous les discours qu'elle entendra soient capa» bles de la conduire à Dieu; que les paroles qui » pourroient lui donner l'idée du mal, ne frap>> pent jamais ses oreilles ; qu'elle n'apprenne point de chansons profanes. Dès que l'âge lui » permettra d'articuler quelques sons, gravez dans » sa mémoire quelque chose des psaumes. Ne » laissez approcher d'elle aucun enfant, même » de son sexe, s'il peut lui donner quelque mau» vais exemple; écartez aussi de sa personne >> toutes les femmes qui sont animées de l'esprit » du monde. Procurez-lui un alphabet dont les » lettres soient de bois ou d'ivoire, afin qu'elle » en apprenne les noms en jouant. Lorsqu'elle » sera un peu plus grande, vous l'exercerez en » lui conduisant la main à former chaque lettre » sur de la cire avec son doigt; vous l'inviterez » ensuite, par des récompenses proportionnées » à son âge, à joindre les syllabes ensemble, et » à écrire les noms des patriarches depuis Adam. » Donnez-lui des compagnes, afin qu'elle soit ex» citée par l'émulation et par les louanges que re» cevront les autres. Au lieu de la gronder si elle » est plus lente, il faut l'encourager, et l'amener » au point d'être bien aise de surpasser ses compagnes, et d'être fâchée de ne pas l'emporter, » observant toutefois de l'accoutumer à ne point > s'attrister des progrès d'autrui, mais à s'en ré» jouir et à les admirer, tandis qu'elle se repro» che sa négligence. On doit bien prendre garde » de ne pas lui faire concevoir d'aversion pour » l'étude, de peur que ce sentiment ne persévère » dans un âge plus avancé. Que les mots qu'elle > apprend soient choisis et saints, tels que sont » ceux qui expriment les noms des prophètes et » des apôtres. Faites-lui parcourir les généalogies

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depuis Adam, ce qui servira beaucoup dans la » suite à aider sa mémoire. Choisissez-lui pour >> maître un homme instruit et vertueux, qui ne >> croie point indigne de lui de lui enseigner les » premiers élémens. Nous voyons qu'Aristote fut » chargé de cette fonction auprès d'Alexandre le » Grand. Il n'y a rien de méprisable en cela, puisque c'est le fondement de toutes les con>> noissances utiles. Il y a une grande différence » entre la manière dont un maître instruit ou » ignorant enseigne les premiers élémens. Prenez

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garde que les nourrices n'accoutument votre » fille à prononcer à moitié, ou à aimer l'or et la » pourpre; l'un seroit préjudiciable à son lan-»gage, et l'autre à sa vertu. Ayez soin qu'elle » n'apprenne jamais ce qu'elle voudroit dans la suite ne point savoir. L'éloquence des Gracques dut sa perfection à la pureté et à l'élégance » avec lesquelles s'exprimoit la mère de ces il>> lustres Romains; Hortensius fut redevable de la » sienne à son père. Il est rare que l'on se défasse >> des premières impressions de l'enfance, et l'on » est encore plus porté à imiter les défauts et les »vices, que les vertus et les belles qualités. » Alexandre le Grand ne put jamais se corriger » de certains défauts extérieurs qu'il tenoit de » Léonide, son maître. Que les femmes qui sont » auprès de votre fille ne soient sujettes ni à la » légéreté, ni au vin, et qu'elles n'aiment pas » trop à parler. Quand elle verra son grand-père » qui est païen, qu'elle lui fasse des caresses, » qu'elle l'embrasse, et chante l'Alleluia. Qu'on » lui apprenne à être aimable envers tout le » monde; mais sur-tout qu'elle sache de bonne » heure qu'elle doit être l'épouse de Jésus-Christ. » Ne permettez pas qu'on peigne son visage ou ⚫ ses cheveux, etc. »>

Prétextate, tante d'Eustochium, se détermina par l'ordre d'Himétius, son mari, à parer richement sa nièce, dans la vue de la faire renoncer à la résolution qu'elle avoit prise de rester vierge; mais la nuit même un ange lui dit en songe : « Vous avez préféré les ordres de votre >> mari aux commandemens de Jésus-Christ, et » vous avez osé porter une main sacrilége sur la » tête d'une vierge du Seigneur. Cette main va » se flétrir dans le moment; vous mourrez dans » cinq mois, et si vous ne vous repentez, vous » serez précipitée en enfer. Si vous persévérez » dans votre crime, vous perdrez aussi votre mari » et vos enfans. » L'événement montra que le repentir étoit venu trop tard pour écarter l'effet de la menace, du moins quant à ce monde. Héli fut puni pour les fautes de ses enfans qu'il avoit autorisées (28), et l'on n'admet point à l'épiscopat un homme qui a des enfans vicieux (29). En un mot, une femme ne peut être sauvée qu'autant qu'elle forme ses enfans à la vertu (30). « Si les fautes d'un âge avancé sont imputées aux pa› rens, à combien plus forte raison Dieu leur imputera-t-il les fautes d'un âge où l'on ne sait » point encore discerner le bien d'avec le mal! » Si vous prenez tant de soin pour que votre fille > ne soit point mordue par un serpent, combien › ne devez-vous pas en prendre pour la préserver > du poison de toute la terre ! Qu'elle ne boive » point dans la coupe d'or de Babylone, et qu'elle » ne sorte point avec Dina pour aller voir les filles » du monde. Loin d'elle tout ce qui ressent la » légèreté ou la vanité. On cache le poison dans » le miel pour le faire avaler, et le vice ne trompe (29) I. Timoth. 3, 4.

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(28) I. Reg. 1 et 4. (30) Ibid. 2, 15.

» que quand il est présenté sous l'apparence de >> la vertu. »

Lorsque votre fille sera devenue grande, elle ne doit jamais sortir qu'avec ses parens. Qu'elle imite la sainte vierge, qui trembla à la vue d'un ange, parce qu'il lui apparoissoit sous la figure d'un homme; qu'on ne la trouve ordinairement qu'à l'église et dans sa chambre; qu'on ne la voie jamais avec les personnes de son sexe s'occuper à des amusemens frivoles. Elle doit éviter les grands festins; on garde plus sûrement la tempérance, lorsqu'on ne connoît pas même ce qui peut flatter le palais. Il ne faut point qu'elle boive de vin; vous pouvez cependant lui en permettre l'usage dans son enfance, pourvu que vous y mêliez beaucoup d'eau. Il lui sera utile d'ignorer même à quoi servent les instrumens de musique. Elle doit apprendre le grec, puis le latin, qui est sa langue naturelle, et s'accoutumer dès l'enfance à la parler et à l'écrire avec la plus grande pureté il est rare que l'on se corrige par la suite des barbarismes et des autres fautes.

Votre fille, continue le saint docteur, ne doit rien voir dans son père ou dans sa mère, qu'elle ne puisse imiter. Qu'elle n'aille qu'à l'église ou aux tombeaux des martyrs, et toujours accompagnée de sa mère; qu'elle partage la journée entre la lecture, la prière et le travail; qu'elle se lève la nuit pour vaquer à l'oraison; qu'elle récite les psaumes; qu'elle soit exacte aux heures de l'office divin, aux matines, à tierce, à sexte, à none et à vêpres. Il faut lui apprendre à filer et à faire des vêtemens, non précieux et recherchés, mais simples et modestes. Elle ne doit ordinairement se nourrir que de racines et de légumes; on y ajoutera quelquefois un peu de poisson; que

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