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chacun de ses repas soit assez frugal pour qu'elle puisse immédiatement après lire ou chanter des psaumes. « Je désapprouve les jeûnes longs » et excessifs..... Dans un long voyage, on doit » ménager ses forces, de peur qu'en courant d'a» bord trop vite, on ne succombe au milieu du » chemin. Les austérités du carême doivent être très-rigoureuses, mais encore plus dans les → personnes du monde qui sont remplies d'embonpoint, que dans celles dont la vie est un jeûne perpétuel..... Je n'aime point qu'une » vierge avancée en âge use du bain, même quand » elle est seule; sa pudeur doit être si grande, » qu'elle rougisse de voir nue aucune partie de » son corps. »

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Le saint docteur indique la méthode qu'on doit suivre dans la lecture des divins oracles. Commen. cez, dit-il, par le psautier, et exercez votre fille à chanter les psaumes; vous lui ferez lire ensuite les proverbes, pour qu'elle connoisse les préceptes moraux; cette lecture sera suivie de celle de l'Ecclésiaste, si capable d'inspirer le mépris du monde; vous passerez de là à celle des évangiles, que votre fille doit toujours avoir dans les mains. Qu'elle lise immédiatement après les actes des apôtres, ainsi que leurs épîtres. Cette lecture finie, elle apprendra par cœur les prophètes et les livres historiques; elle pourra ensuite lire le cantique des cantiques, parce qu'elle sera préparée à l'entendre dans un sens spirituel. Elle pourra encore, continue-t-il, parcourir sans danger les œuvres de saint Cyprien, les épitres de saint Athanase et les écrits de saint Hilaire.

Si les leçons que je vous donne ne sont pas praticables à Rome, envoyez votre fille à Bethlehem, afin qu'elle y soit élevée sous les yeux de Paule

son aïeule, et d'Eustochium sa tante. Je lui servirai moi-même de maître et de tuteur, et je serai plus honoré d'instruire une épouse de Jésus-Christ destinée à régner un jour dans le ciel, que ne le fut ce philosophe choisi pour être le précepteur d'Alexandre, qui, peu de temps après, périt à Babylone par le poison. Léta suivit le conseil de saint Jérôme; sa fille fut envoyée à Bethlehem. Celle-ci, après avoir été élevée dans le monastère de son aïeule, paroît en avoir fondé un ellemême dans la même ville (31). Pour Léta, elle continua de vivre à Rome dans la pratique de toutes sortes de bonnes œuvres. Quelque temps après, elle résolut de vivre dans une continence perpétuelle (32).

Parmi les dames romaines que saint Jérôme instruisit dans la science du salut et dans l'intelligence des écritures, sainte Paule étoit la plus recommandable, et par sa naissance et par ses vertus. L'estime singulière qu'elle avoit pour le saint docteur, et le désir qu'elle avoit de se procurer la facilité de le consulter souvent, l'engagèrent à lui procurer un logement dans sa maison. Le Saint l'accepta; mais, quoiqu'occupé du soin de l'instruire, il ne vaquoit pas aux affaires avec moins d'assiduité, lorsque le pape Damase l'employoit pour le bien de l'église. Ce saint pontife mourut au mois de Décembre de l'année 384. Sirice lui succéda.

La généreuse liberté avec laquelle saint Jérôme avoit souvent parlé contre l'avarice, la mollesse et la vanité des habitans de Rome, lui avoient suscité des ennemis puissans. On comptoit parmi eux plusieurs ecclésiastiques, qui s'étoient sans doute (31) Voyez la vie de saint Martinien.

(32) Voyez l'épitaphe de sainte Paule, par saint Jérôme.

appliqués une partie des reproches du saint docteur. Mais tant que le pape Damase vécut, personne n'osa éclater. Après sa mort, l'envie et fa calomnie tramèrent la perte du serviteur de Dieu; elles mirent tout en œuvre pour noircir sa réputation. Non content de blâmer sa simplicité, sa démarche, et jusqu'à ses gestes, ses ennemis voulurent faire suspecter sa liaison avec les dames romaines qui s'étoient mises sous sa conduite. Ni la haute vertu de ces saintes femmes, ni le soin extrême que saint Jérôme avoit toujours apporté à écarter le moindre soupçon, ne purent contenir les langues perfides qui avoient juré sa perte (33).

Le Saint crut devoir céder à l'orage; et après avoir demeuré trois ans à Rome, il résolut de retourner en Orient pour y chercher une retraite paisible. Il s'embarqua à Porto au mois d'Août de l'année 385, avec son frère Paulinien et le prêtre Vincent. Quelques autres personnes se joignirent à eux. Un grand nombre de gens de la plus haute qualité, d'une piété éminente, sortirent de Rome pour les accompagner jusqu'au port. Le vaisseau ayant relâché à l'île de Chypre, saint Epiphane les reçut avec beaucoup de joie: de là ils allèrent à Antioche; et saint Paulin, qui étoit patriarche de cette ville, fit avec eux une partie considérable du chemin de la Palestine. Ils arrivèrent à Jérusalem au milieu de l'hiver.

Au printemps suivant, saint Jérôme passa en Egypte pour se perfectionner encore davantage dans la science des livres saints, et dans la pratique des vertus monastiques. Il passa un mois à Alexandrie, où il profita beaucoup des leçons

(33) S. Hier, ep. 95 ad Asellam, ep. 23 ad Marcel, op. 25 ad Pautin.

du célèbre Didyme (). Il parcourut ensuite les principaux monastères de l'Egypte, et de retour enfin en Palestine, il se fixa à Bethléhem.

(i) Selon saint Jérôme, Rufin, Socrate, Sozomène, Pallade, Théodoret, etc. Didyme perdit la vue par une humeur qui lui tomba sur les yeux dans son enfance, lorsqu'il commençoit à apprendre à lire. Il apprit cependant à distinguer les lettres par le tact, au moyen d'un alphabet de bois qu'on lui avoit fait. A l'aide des lecteurs et des copistes, qu'il payoit, il se rendit familiers presque tous les auteurs sacrés et profanes, et se rendit fort habile dans la grammaire, la rhétorique, la logique, l'arithmétique, la musique, la géométrie, l'astronomie, et la philosophie d'Aristote et de Platon. Il acquit sur-tout une grande connoissance de l'écriture, en sorte qu'il étoit regardé comme une espèce de prodige. Il sanctifioit l'étude par la prière. Saint Athanase et d'autres grands hommes avoient une si haute idée de son savoir et de sa piété, qu'on lui confia le soin de l'école d'Alexandrie. Il étoit né vers l'an 308, et vécut 85 ans. 11 composa des commentaires sur l'écriture et sur plusieurs autres ouvrages. Nous avons encore une traduction latine de son livre du Saint-Esprit, contre les Macédoniens, par saint Jérôme. Son traité contre les Manichéens est aussi parvenu jusqu'à nous. Il a été publié en grec et en latin par Combefis, in Auctar. en latin seulement dans la Bibliothèque des Pères, t. IV, et dans Canisius. On trouve encore dans la Bibliothèque des Pères, les Enarrations de Didyme sur les épîtres canoniques. Voyez Fabricius, Bib. Græc. t. VIII. De tous les savans aveugles aucun n'a été comparable à Didyme.

Quand on lit dans Homère ces images vives et brillantes sous lesquelles il représente les objets de la nature et de l'art, on ne peut s'imaginer qu'il ait été privé de la vue dès son enfance. Nous avons des poëmes de Thomas Blaklock, Ecossais, qui nàquit à Annan en 1721, et qui perdit les yeux par la petite vérole à l'âge de six mois. On a le plaisir de juger par ses ouvrages, des idées qu'un homme aveugle peut se former des objets visibles. On cite encore parmi les aveugles célèbres, Saunderson, né en 1682, et mort à Carabridge en 1739. Il n'avoit qu'un an, lorsqu'un abcès qui se forma à la suite de la petite vérole, lui fit perdre les deux yeux. Il sucéda a M. Cotes, professeur d'astronomie et de mathématiques à Cambridge; et son traité d'algèbre ainsi que ses autres ouvrages, seront des monumens éternels de son savoir: mais il n'excelloit que dans les sciences abstraites, et ne connoissoit que par le tact les objets corporels. Le docteur Richard Lucas étoit aussi aveugle lorsqu'il publia ses Recherches sur le bonheur mais il étoit au milieu de sa Tome IX.

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Sainte Paule, qui l'y avoit suivi, lui fit bâtir un monastère; elle mit en même temps sous sa conduite celui dans lequel elle avoit rassemblé les religieuses qu'elle gouvernoit. Le monastère qu'habitoit saint Jérôme ne lui suffisant point pour contenir tous ceux qui vouloient être ses disciples, il fut obligé d'en augmenter les bâtimens, et il envoya Paulinien, son frère, en Dalmatie, pour vendre une terre qu'il avoit encore dans cette province. Il en destinoit le prix à cette bonne œuvre. Quelques théologiens (34) ont inféré de là que les moines des premiers siècles conservoient la propriété de leurs biens, même après la profession religieuse, quoiqu'ils renonçassent par leurs vœux à l'administration de ces mêmes biens, à moins que l'abbé ne leur en confiât le soin. Vers le même temps, saint Jérôme fit bâtir un hospice pour les pélerins. La dévotion que l'on avoit alors pour les lieux où le Sauveur avoit opéré notre salut, étoit si grande, qu'on voyoit journellement arriver à Bethlehem et à Jérusalem tout ce qu'il y avoit de plus saint dans les différentes parties du monde chrétien.

Le saint docteur nous a laissé un tableau fort intéressant de la vie toute céleste que menoient les moines de Bethlehem, et de la piété qui régnoit dans la campagne des environs. Après avoir parlé du fracas des grandes villes, il s'écrie dans un transport de joie : « La bourgade de Jésus-Christ >> est toute champêtre, et les oreilles n'y sont course quand il fut privé de la vue. Il dit, en parlant des yeux étrangers dont il étoit obligé de se servir, qu'ils étoient à son égard ce que sont des jambes et des mains de bois par rapport à un homme qui n'a point ces membres. On pourroit citer encore d'autres exemples du même genre, tels que celui du fameux P. le Jeune, surnommé le Père aveugle, ctc.

(34) Voyez Sanchez et Suarez.

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