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sance lui avoit donné entrée à la cour; mais quoiqu'il ne fût encore que catéchumène, il portoit déjà un rude cilice sous les riches habits dont sa condition et son état l'obligeoient de faire usage. Bientôt il renonça au monde. Après avoir distribué ses biens aux pauvres, il ne pensa plus qu'à se consacrer sans réserve au service de Dieu. Il eût bien voulu se retirer parmi les saints solitaires dont la vertu rendoit les déserts si célèbres; mais son oncle lui offrant dans sa personne un modèle accompli de la perfection chrétienne, il ne put se déterminer à s'éloigner de lui. Formé à son école, on le jugea bientôt digne du sacerdoce il ne l'auroit cependant point reçu, si on ne l'y avoit forcé. Son oncle l'ordonna au milieu des acclamations du peuple, sans avoir égard aux gémissemens et aux cris qu'il poussoit dans le dessein d'obtenir qu'on ne lui imposât point les mains. Après son ordination, il s'appliqua à secourir les pauvres, à visiter les malades, à exercer l'hospitalité, et à gagner tous les cœurs par sa douceur et par son humilité. Il se réjouissoit avec ceux qui étoient dans la joie, et pleuroit avec ceux qui étoient dans la tristesse. Il étoit le refuge des pauvres, l'espérance des misérables, la consolation des affligés. Son rire étoit si modeste, que c'étoit moins un rire qu'une simple marque de joie. Son attrait pour la prière lui faisoit souvent passer les nuits entières dans ce saint exercice; mais il n'outroit rien, et ne faisoit rien qui fût au-dessus des forces de son corps. Il évitoit en tout la singularité. Sa candeur, sa modestie, son ingénuité le rendoient cher à tous ceux qui le connoissoient. On remarquoit en lui un grand zèle pour la beauté de la maison du Seigneur. Le bel ordre qu'on admiroit dans l'église de son

oncle, étoit son ouvrage. Son union avec saint Jérôme le mit souvent dans le cas de le consulter sur ses devoirs, et ce fut pour lui en tracer un précis que le Saint lui adressa la lettre dont nous parlons. Depuis qu'il l'eut reçue, il ne cessa de la lire jusqu'à sa mort, arrivée deux ou trois ans après. En la possédant, il s'estimoit plus riche que s'il eût joui de tous les trésors du monde. Il l'avoit toujours devant les yeux, ou dans les mains, ou sur la poitrine, et comme il la lisoit souvent en se couchant, il la laissoit tomber sur son cœur en s'abandonnant au sommeil. Il mourut à la fleur de son âge, emportant avec lui dans le tombeau les regrets de son oncle et de la ville. entière. Les ardeurs de la fièvre ne purent troubler le calme de son ame, ni la sérénité de son front. Il consoloit son oncle et ses amis, qui fondoient en larmes ; il s'occupoit de ceux qui étoient absens, et saint Jérôme ne fut point oublié. Ayant pris les mains de son oncle, il lui dit : Je vous prie d'envoyer cette tunique dont je >> me servois dans les fonctions de mon minis» tère, à mon très-cher père pour l'âge, et mon » frère pour la dignité; et si vous me deviez quelque affection comme à votre neveu ac>>> cordez-la toute entière à celui que vous aimiez déjà avec moi. Il mourut en prononçant ces paroles, tenant son oncle, et pensant à moi, dit >> saint Jérôme (45). » La nouvelle de sa mort causa la douleur la plus vive au saint docteur. Il écrivit à Héliodore pour lui marquer qu'il mêloit ses larmes aux siennes, et pour lui rappeler les motifs qu'ils avoient l'un et l'autre de modérer leur douleur.

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Un prêtre nommé Ripaire, ayant informé le (45) Ep. 3, p. 25.

Tome IX.

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Saint que Vigilance, natif de Comminges (k) dans. les Gaules, mais attaché à l'église de Barcelone, déprimoit ouvertement l'état de virginité, et condamnoit comme idolâtres ceux qui honoroient les reliques des Saints, les appelant par dérision. cendriers, ou adorateurs de cendres, son zèle s'enflamma aussitôt. « Nous n'adorons point, ré»pondit-il, les reliques des martyrs... mais nous » les honorons, afin d'adorer celui à qui les mar»tyrs appartiennent. Nous honorons les servi»teurs, afin que l'honneur que nous leur rendons rejaillisse sur le maître (46). » Non content d'avoir répondu à Ripaire, il le pria de lui envoyer l'ouvrage de Vigilance, pour qu'il pût le réfuter. Il le réfuta en effet, et avec une vivacité singulière de style (47). Il prouva d'abord l'excellence du célibat chrétien, et fit voir qu'il étoit en usage parmi le clergé des trois patriarches d'Antioche, d'Alexandrie et de Rome; il vengea ensuite le culte des Saints, en montrant qu'on ne les avoit jamais adorés comme des dieux. Vigilance avoit trouvé mauvais que leurs reliques fussent couvertes d'étoffes précieuses. Le Saint luis demandoit à ce sujet si Constance étoit coupable de sacrilége pour avoir fait transporter à: Constantinople, dans des châsses fort riches, les reliques de saint André, de saint Luc et de saint Timothée, dont la seule présence avoit mis les démons en fuite, et s'il falloit aussi accuser: du même crime l'empereur Arcade, pour avoir fait transférer de la Palestine en Thrace les ossemens de Samuel, et les avoir solennellement déposés dans une église bâtie pour les recevoir. Sur ce (k) Conveuæ.

(46) Ep. 37 ad Ripar. p. 279.

(47) L. adv. Vigilant. t. IV, part. 2, p. 286.

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que Vigilance prétendoit que les Saints ne prioient point pour nous, saint Jérôme lui répondit : Mais si les apôtres et les martyrs pouvoient pen>> dant leur vie prier pour les autres hommes, à » plus forte raison le pourront-ils après leurs » victoires? Est-ce qu'ils ont moins de pouvoir à » présent qu'ils sont avec Jésus-Christ? » Vigilance attaquoit aussi les miracles opérés aux tom

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beaux des Saints, disant disant que les infidèles pouvoient également s'en attribuer la gloire. Saint Jérôme insiste beaucoup sur ce sujet, et finit par conclure que quand même ces miracles se feroient en faveur des païens, ils n'en prouveroient pas moins efficacement le pouvoir des martyrs. Pour marquer la profonde vénération qu'il avoit pour leurs saintes dépouilles, et pour les lieux où elles reposoient, il ajoute : « Lorsque la colère, les mauvaises pensées ou les illusions nocturnes m'ont » donné de l'inquiétude, je n'osé entrer dans les églises des martyrs. » Il rapporte comment les évêques de Rome offroient le saint sacrifice sur le tombeau de saint Pierre et de saint Paul qui leur servoit d'autel; puis rejetant l'hérésie qu'il combat sur Eunomius, qu'il dit en être le premier auteur, il conclut par dire que si cette nouvelle doctrine étoit vraie, il faudroit accuser d'erreur tous les évêques du monde chrétien qui soutenoient la doctrine contraire. It justifie l'institution des pratiques de la vie monastique, et dit qu'un moine cherche sa sûreté dans la retraite, en fuyant les dangers et les occasions de se perdre, et cela parce qu'il est effrayé par le sentiment de sa foiblesse, et qu'il sait combien il est dangereux de dormir auprès d'un serpent. Il revient souvent à l'intercession des Saints dans le ciel, à l'efficacité de leurs prières pour ceux qui les invoquent.

Ecrivant à Héliodore, il le conjure de se souvenir de lui lorsqu'il sera dans la gloire (48). Dans une autre occasion, il marque à sainte Paule, qui venoit de perdre Blésille, sa fille : « Elle prie main>> tenant le Seigneur pour vous, et lui demande » pour moi le pardon de mes péchés (49). »

Une grande partie de l'Orient se trouvoit alors infectée de plusieurs opinions erronées que l'on s'efforçoit d'appuyer sur l'autorité d'Origène. Jusque-là saint Jérôme avoit été un des plus grands admirateurs de ce Père (50); mais voyant qu'un grand nombre de moines et d'autres personnes avoient été entraînés dans l'erreur par le poids d'un nom si célèbre, et par la lecture de quelques-uns de ses ouvrages, il unit ses efforts avec ceux de saint Epiphane pour arrêter les suites du mal. Ce fut là une des premières causes de sa dispute avec Rufin, qu'une liaison de vingt-cinq ans sembloit devoir lui attacher pour toujours (1).

(48) Ep. 5, p. 7. (49) Ep. a4, p. 59.

(50) Voyez saint Jérôme, ep. ad Paulam scripta antè an. 392, p. 67, 1.2 in Michæam; Prof. l. de Nominib. Hebraic. etc. (4) Rufin (Tyrannius Rufinus) étant venu d'Aquilée à Rome en 370, dans le dessein de passer en Orient, trouva dans cette ville, Mélanie qui avoit le même projet. C'étoit une veuve de vingt-deux ans, d'une illustre famille, qui avoit perdu dans l'espace d'une année, son mari et deux de ses fils. Ayant laissé à Rome le fils qui lui restoit, qui ne faisoit que de naître, et qui, suivant Tillemont et Fontanini, est ce Publicola connu par sa correspondance avec saint Augustin, elle résolut de passer en Egypte. Fontanini montre qu'elle partit en 372 avec Rufin, et non point après lui, comme Rosweide et d'autres auteurs l'ont prétendu. Elle employa six mois à visiter les moines et les anachorètes de l'Egypte, et se retira ensuite à Jérusalem, où elle embrassa la vie religieuse. Rufin la quitta dans cette ville, et retourna en Egypte. Il resta six ans, et alla rejoindre Mélanie à Jérusalem. (S. Hier. ep. 21, aliàs 15 ad Marcellam. ) Saint Paulin et d'autres écrivains ecclésiastiques donnent de grands éloges aux vertus de cette illustre dame. Saint Jérôme étant dans le désert de Chalcis, félicita Rufin avec beaucoup d'affection sur son arrvée en Egypte. Ep. 1 aliàs 41 ad Rufinum.

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