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Mais Rufin étoit trop décidé en faveur d'Origène, pour sacrifier ses sentimens à l'amitié.

Lorsque Rufin se fut fixé à Jérusalein, il se réunit à plusieurs moines qui demandoient à vivre sous sa conduite, et ils allè rent tous se renfermer dans des cellules séparées sur la montagne des Oliviers. Mélanie, qui se conduisoit aussi par ses conseils, habitoit un monastère qu'elle avoit fondé dans la ville pour les personnes de son sexe. Pallade rapporte qu'elle fournit pendant vingt-sept ans aux besoins des pélerins et des pauvres.

Rufin fut ordonné prêtre par Jean, évêque de Jérusalem, peu après l'année 387. Saint Jérôme étant venu s'établir à Bethlehem passa un temps assez considérable avec Rufin sur la montagne des Oliviers, et cette amitié dura jusqu'à la dispute qui s'éleva touchant la doctrine d'Origène. Ce ne fut d'abord qu'un froid qui se termina par une rupture éclatante. Les premières semences de division vinrent d'un certain Aterbius, qui accusa d'origénisme saint Jérôme et Rufin. L'un se justifia en condamnant la doctrine d'Origène ; mais l'autre refusa de le faire. (S. Hier. Apol. l. 3.)

Peu de temps après, c'est-à-dire, en 394, saint Epiphane étant venu de Chypre à Jérusalem, logea chez l'évêque Jean mais il fut scandalisé de son attachement opiniâtre à Origène, et il ne put obtenir de lui qu'il condamnât clairement l'hérésie des Origénistes ; il commença donc à l'en accuser. Ille quitta, et alla trouver saint Jérôme à Bethlehem, pour enflammer son zèle contre les novateurs. Il ordonna prêtre Paulinien son frère, qui avoit alors 28 ans. Rufin prit le parti de l'évêque de Jérusalem. Le schisme dura environ trois ans; mais il fut éteint par les efforts de Mélanie en 397. Rufin et saint Jérôme se réconcilièrent publiquement après la messe dans l'église de la résurrection. (Anastasi et non Anastasii, comme porte la nouvelle édition. ) S. Hier. Apol. l. 3, p. 466. Le Saint se réconcilia aussi avec l'évêque Jean, qui lui confia le gouvernement de la paroisse de Bethlehem. Sulp. Sev. dial. 1, c. 4. Jean permit encore à Paulinien, qui avoit été ordonné prêtre par saint Epiphane, d'exercer les fonctions du sacerdoce dans le monastére de Bethlehem. L'évêque de Jérusalem et Rufin donnèrent des explications précises, et ne laissèrent aucun doute sur la pureté de leur foi; mais ils ne rétractèrent point d'erreurs, parce qu'ils n'en avoient soutenu aucune. Voyez Fontanini, p. 190.)

Rufin et Mélanie visitèrent de nouveau les solitaires d'Egypte en 395, et assistèrent à la mort de saint Pambon.

Publicola, fils de Mélanie, étant devenu préteur de Rome, épousa Albine. Il en eut une fille qu'on nomma Mélanie la jeune. Celle-ci fut mariée de bonne heure à Pinien, dont le père avoit été gouverneur d'Italie et d'Afrique. Peu de temps

Quoiqu'il n'ait jamais favorisé les erreurs des Origénistes, comme sa conduite le prouva, il ne

après, elle résolut, du consentement de son mari, de passer le reste de sa vie dans la continence. Mélanie l'ancienne pour venir l'aider à exécuter fidcllement cette résolution, s'embarqua à Césarée avec Rufin, et aborda à Naples en 397, après vingt jours de navigation. Elle étoit alors âgée de quarante-sept ans, et non de soixante, comme Fontanini l'a prouvé contre Fleury. Ils furent reçus l'un et l'autre avec de grandes marques d'honneur et de joie par saint Paulin de Nole.

Rufin laissa Mélanie à Rome, et se setira dans le monastère de Pinetum, situé dans la campagne de Rome, comme Fontanini le démontre contre Noris et Mabillon. Ily traduisit en latin, à la prière du moine Macaire, qui étoit un homme d'une famille distinguée, le premier livre de l'apologie d'Origène par saint Pamphile. Il mit à la tête de sa traduction une préface dont le but étoit de montrer que tous les passages erronés qu'on trouvoit dans les ouvrages d'Origène étoient des interpollations qui venoient de la main des hérétiques. Vous n'avons plus que des extraits des autres livres de l'ouvrage de saint Pamphile, lesquels nous ont été conservés par Photius.

Quelque temps après, Rufin traduisit les quatre livres des Principes par Origène. C'est la principale source où les Origénistes puisèrent leurs erreurs, quoique le traducteur dise qu'il avoit corrigé plusieurs passages. La publication de cet ouvrage fit beaucoup de bruit à Rome. On pensoit que Rufin vouloit accréditer les erreurs qui y étoient contenues, quoiqu'elles ne fussent proposées que d'une manière problématique. Rufin cependant obtint des lettres de communion du pape Sirice, et se retira à Aquilèe. Sirice étant mort le 26 Novembre 398, Anastase son successeur ordonna à Rufin de venir se justifier à Bome; mais celui-ci allégua quelques prétextes pour se dispenser de paroître, et il se contenta d'envoyer son apologie à Anastase en 400. Il s'y expliquoit d'uné manière fort orthodoxe sur la trinité, sur l'incarnation, sur l'origine des esprits, sur l'éternité de l'enfer, etc,

Saint Jérôme, à la prière des amis qu'il avoit à Rome, écrivit à Rufin et à Pammachius contre la traduction que le premier avoit donnée d'Origène. Rufin écrivit pour sa défense, et divisa son apologie en deux parties, que des modernes ont quelquefois désignées sous le nom d'Invectives. 11 emploie la première à écarter les soupçons sinistres qu'on auroit pu former sur sa foi; dans la seconde il attaque directement saint Jérôme, auquel il fait diverses objections, sur-tout relativement à ses écrits. Saint Jérôme fit aussi une apologie, qui est divisée en deux livres. Rufin répliqua par

cessoit de vanter Origène, et il avoit traduit en latin le plus suspect de ses ouvrages. Les nova

une lettre au Saint, qui n'est point parvenue jusqu'à nous. Saint Jérôme ajouta à son apologie un troisième livre, qu'on appelle communément sa seconde apologie, et qui n'est guères qu'une répétition de ce qu'il avoit dit précédemment. Il finit par ces mots : N'ayons qu'une foi et nous serons bientôt en paix. » La principale objection qu'il faisoit à son adversaire, étoit qu'il n'avoit point condamné la notion platonicienne d'Origène, par rapport à la préexistence des ames. Apol. l. 2.

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Saint Chromace d'Aquilée écrivit à saint Jérôme pour l'exhorter à la paix. Saint Augustin lui écrivit pour le même sujet, et l'on ne peut trop recommander la lecture de sa lettre aux personnes qui ont des contestations. (Ep. 73.) Saint Jérôme mit fin à la dispute dans laquelle ses amis et son zèle pour la pureté de la foi l'avoient fait entrer et qui s'entretint par la conduite indiscrète de Rufin, qui paroissoit favoriser des erreurs qui s'étoient introduites dans plusieurs monastères.

Baronius ad an. 400, le cardinal Noris, de Hær. Pelag. 1. 1, le cardinal du Perron, Rép. au roi de la Gr. Bret. c. 33, le P. Pagi, ad an. 401, §. 16, Tillemont, t. XII, p. 242, et le P. Alexandre, sect. 4, c. 6, art. 32, disent que Rufin fut excommunié par le pape Anastase; mais ils se sont trompés, comme l'ont prouvé Ceillier, Coustant et Fontanini, l. 5 c. 19, p. 420. Il est certain que Rufin fut toujours traité avec estime, et regardé comme catholique par saint Chromace d'Aquilée, par saint Vénérius de Milan par saint Pétrone de Bologne, par saint Gaudence de Bresse, par saint Paulin de Nole, par saint Augustin, etc. Il est vrai qu'il est fait mention de l'excommunication de Rufin dans quelques éditions de la lettre du pape Anastase à Jean, évêque de Jérusalem; mais il est visible que c'est une interpolation; aussi D. Coustant l'a-t-il omise dans son édition des décrétales. Elle contredit d'ailleurs le reste de la lettre dont il s'agit, où Anastase déclare qu'il laisse à Dieu à juger de l'intention du traducteur, quoiqu'il condamne l'ouvrage, et qu'il soit fort mécontent de l'auteur.

On a aussi accusé de pélagianisme Rufin d'Aquilée; mais diverses circonstances détruisent cette accusation. Il nous suffira d'observer que le Rufin qui, étant venu de la Palestine à Rome, inspira le premier à Célestius les erreurs de Pélage, étoit différent de celui dont nous parlons qui lui survécut, et qu'il étoit né en Syrie, selon Pallade et Marius Mercator. Voyez Ceillier et Fontanini.

Rufin traduisit aussi en latin plusieurs homélies d'Origène,

teurs en tiroient avantage, et soutenoient qu'il renfermoit leurs dogmes. Les principaux étoient que les peiues de l'enfer ne seroient point éternelles; que les ames avoient préexisté aux corps, et qu'après la fin du monde présent, il y en auroit une infinité d'autres qui se succéderoient pendant toute l'éternité. Ces innovations enflammèrent vivement le zèle de saint Jérôme.

Presque dans le même temps il fut informé par un certain Ctésiphon, que les erreurs de Pélage faisoient des progrès considérables dans l'Orient il en publia aussitôt une courte réfutation. et l'histoire d'Eusébe, à laquelle il fit des changemens et des additions.

Rosweide a donné dans son recueil trois livres des Vies des Pères, attribués à Rufin. Cet auteur écrivit certainement le. premier; il compila le secohd d'après la relation de saint Pétrone de Bologne; le troisième est d'un auteur postérieur quisqu'il y est parlé de la mort de saint Arsène, qui arriva trente ans après celle de Rufin.

Mais de tous les ouvrages que Rufin a donnés, il n'y en a point qui lui ait fait plus d'honneur, ni qui ait été plus utile à l'église, que l'Explication du Symbole. Il y dit que la tradition est que cet abrégé de notre foi avoit été rédigé par les apôtres mêmes. Il se donne trop de liberté dans ses traductions, et il manque d'exactitude dans ses ouvrages historiques.

Après la mort de saint Chromace, arrivée en 407, il retourna à Rome. Cette ville étant menacée par Alaric l'année suivante, il passa en Sicile avec les deux Mélanie. Il se proposoit de retourner à Jérusalem avec l'ancienne; mais étant tombé malade, il mourut vers la fin de l'année 410. Personne n'a mieux traité que le cardinal Noris, et le docteur Cave, ce qui a rapport à la vie et aux écrite de Rufin. Get homme fameux a été peint aussi d'une manière fort intéressante, par Ceillier, t. X, p. 1 et par Fontanini, Hist. lit. Aquileiensis, 1, 5. On peut voir encore une dissertation de Maximus, sur l'orthodoxie de Rufin, parmi celle de l'académie de l'histoire ecclésiastique de Bologne, an 1758; D. Gervaise, Vie et apologie de Rufin. L'abbé Goujet a corrigé l'apologie, et l'a rendu plus méthodique. Le savant BernardMarie de Rubeis, religieux dominicain, fait bien connoître aussi le caractère de Rufin dans le ch. 12 de ses Monumenta ecclesiæ Aquileiensis, Argentina, 1740, in-folio.

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Deux ans après, c'est-à-dire, en 416, il reprit cette matière dans son dialogue contre les Pélagiens.

Ses travaux contre les hérétiques ne l'occupoient pas tellement, qu'il n'eût encore du temps à donner à ses commentaires sur l'écriture. Quoique son grand âge et ses fréquentes maladies ne lui permissent plus de suivre ce travail avec son activité ordinaire, il entreprit cependant de mettre la dernière main à son commentaire sur les prophètes, pour satisfaire Eustochium qui le lui demandoit. Il relevoit d'une grande maladie lorsqu'il reprit ce travail, et il dit à ce sujet : « Sachant de qui je tiens tous les momens de ma » vie, et que ma mort n'est peut-être différée > qu'afin que je puisse achever l'ouvrage que j'avois » commencé sur les prophètes, je m'applique uniquement à ce travail: là, comme d'un lieu » élevé, je considère les tempêtes et les naufrages » de ce monde, non sans gémir et sans en res>> sentir beaucoup de douleur. Entièrement dés>> occupé des choses présentes, je ne pense qu'aux » choses futures, et sans me mettre en peine des » jugemens des hommes, je n'ai en vue que les » terribles jugemens de Dieu. O Eustochium, » vierge de Jésus-Christ, qui m'avez assisté dans >> ma maladie par vos prières! implorez encore » pour moi la miséricorde divine après ma gué»rison, afin que, conduit par le même esprit qui » a fait prédire les choses à venir par les pro» phètes, je puisse entrer dans la nuée de leurs prophéties, et percer leur obscurité. »

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Aux inquiétudes continuelles que lui causoient le danger des fidèles de l'Orient, et les pertes que cette église avoit déjà essuyées de la part du schisme et de l'hérésie, vint se joindre la nouvelle

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