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ÉVÊQUE DE RHEIMS, APÔTRE DES FRANÇAIS.

Tiré de l'abrégé de son ancienne vie, par Fortunat, et d'une autre vie qu'a donnée Hincmar, archevêque de Rheims, avec l'histoire de la translation du Saint. Voyez saint Grégoire de Tours, l. 2; Fleury, 29, n. 44, etc. Ceillier, t. XVI; Rivet, Hist. litt. de la Fr. t. III, p. 155, et le P. Dorigny, Jésuite, Hist. de la vie de saint Remi, archevêque de Rheims, etc. Paris, 1714, in-12; Suyskens, Act. SS. t. I, Octob. p. 59, 187.

L'AN 533.

SAINT REMI, l'apôtre de la nation française, illustra l'église des Gaules par son savoir, son éloquence, sa sainteté et ses miracles. Un épiscopat de soixante-dix ans, et une suite non interrompue de grandes actions, ont rendu son nom célèbre dans les annales de la religion. Sa naissance tint du prodige, et sa vie fut un miracle continuel de la grâce. Emilius, son père, et Cilinie, sa mère, qui sortoient l'un et l'autre de familles distinguées parmi les Gaulois, possédoient de grandes richesses, et vivoient au château de Laon avec une splendeur conforme à leur rang; mais ce qui les rendoit sur-tout recommandables, c'étoit leur zèle pour la pratique des vertus chrétiennes.

L'opinion la plus probable est que saint Remi vint au monde en 439 (a). Il eut deux frères

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(a) Les circonstances suivantes servent à fixer la chronologie de la vie de saint Remi. 1. Les historiens s'accordent à dire qu'il fut fait évêque à l'âge de 22 ans. 2.o Le Saint, dans une lettre qu'il écrivit en 512, dit qu'il étoit alors évêque depuis 53 ans. 3. Il le fut, selon saint Grégoire de Tours, plus de 70 ans. Il mourut conséquemment en 533, dans la 94. année de son âge; il naquit en 439, et il avoit soixante-quinze ans

en 512.

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plus âgés que lui, dont l'un se nommoit Principe. Celui-ci fut évêque de Soissons, et est honoré dans l'église d'un culte public. On dit qu'un Saint ermite, nommé Montan, prédit la naissance de Remi. Ses parens le regardoient comme un enfant sur lequel Dieu avoit de grands desseins; aussi furent-ils très - attentifs au choix de ceux qu'ils chargèrent du soin de son éducation.

Remi eut pour nourrice Balsamie, que l'on compte parmi les Saints, et que l'on honore à Rheims dans l'église collégiale dédiée sous son invocation. Cette sainte femme avoit un fils appelé Celsin, qui fut depuis disciple de Remi, et qui est connu à Laon sous le nom de saint Soussin.

Le jeune Remi, qui avoit un esprit d'une excellente trempe, fit de rapides progrès dans les sciences, et y effaça par son éloquence les orateurs de son temps, selon saint Sidoine Apollinaire (1), qui connoissoit parfaitement les premières années de sa vie; mais il se rendit sur-tout recommandable dès sa jeunesse par son amour pour la religion et par la pureté de ses mœurs. On voyoit encore, dans le neuvième siècle, un appartement secret où il avoit coutume de se renfermer à Laon pour vaquer plus librement à la prière ; et on alloit le visiter avec dévotion dans le temps que Hincmar écrivoit. Remi, qui cherchoit les moyens de tendre à la plus sublime perfection, quitta la maison de son père, et se retira dans un lieu écarté, où il n'avoit que Dieu pour témoin des pratiques et des austérités que sa ferveur lui inspiroit.

Le siége épiscopal de Rheims étant devenu va

(1) L. 9. ep. 7.

cant par la mort de Bennagius (6), Remi, qui n'avoit encore que vingt-deux ans, fut élu malgré lui pour le remplir. Son mérite extraordinaire parut aux évêques de la province une raison suffisante pour lui accorder la dispense de l'âge requis par les canons. Le nouvel évêque se livra avec une ardeur incroyable à toutes les fonctions de son ministère. Il prioit et méditoit les écritures; il instruisoit le peuple confié à ses soins; il travailloit sans cesse à la conversion des pécheurs, des hérétiques et des infidèles. Il annonçoit les divins oracles avec tant de force et d'onction, que plusieurs l'appeloient un second saint Paul.

Saint Sidoine Apollinaire (2) ne pouvoit trouver de termes assez énergiques pour exprimer l'admiration que lui causoient l'ardente charité et la pureté de cœur avec lesquelles notre saint évêque offroit les divins mystères. Le zèle avec lequel il annonçoit la parole de Dieu n'étoit pas moins admirable. L'onction qui accompagnoit ses paroles touchoit les cœurs les plus endurcis, et portoit les pécheurs les plus invétérés à réparer

(6) L'origine du siége épiscopal de Rheims est fort obscure. On peut voir sur saint Sixte et saint Sinice, apôtres de cette province, Marlot, t. I, Hist. Metrop. Rhem. . 1, c. 12; le Gallia Christ. nova; une bonne histoire de Rheims, publiée en 1755, 3 vol. in-12, et le P. Wastelain, Jésuite, Descript. de la Gaule belgique. Lille, 1761.

Plusieurs disciples des saints Sixte et Sinice souffrirent le martyre vers l'an 287, sous le cruel Rictius Varus. On compte parmi eux Timothée, Apollinaire, Maur, prêtre, Macro, vierge, etc. On découvrit leurs corps à Rheims près de l'église de Saint-Nicaise, dans les années 1640 et 1650. Leurs têtes et leurs bras étoient percés de gros clous comme ceux de saint Quentin et de saint Piat. Saint Nicaise fut le onzième, et saint Remi le quinzième évêque de Rheims.

Rheims étoit la capitale de la seconde Belgique dans le moyen âge, et le siége de cette ville avoit onze suffragans. (2) L, 8, ep. 14.

Octobre.) leurs désordres par la pénitence. Son éloquence et sa piété, dit le même auteur, le rendoient une des plus brillantes lumières de l'église. Je me suis procuré, ajoute-t-il (3), des copies de ses sermons, que je regarde comme un trésor inestimable. J'y admire la noblesse des pensées, le choix judicieux des épithètes, la beauté et le naturel des figures, la justesse, la solidité et la force du raisonnement que l'on peut comparer à l'impétuosité du tonnerre. Les mots coulent de source, et ne sentent point la gêne. Toutes les parties de son discours sont si bien liées, son style a tant de douceur et de facilité, qu'il résulte de l'ensemble une force à laquelle il n'est pas possible de résister. Le mérite des discours de saint Remi étoit encore relevé par la sublimité des maximes qu'ils contenoient, et par l'esprit de piété avec lequel ils étoient débités; mais ils tiroient principalement leur efficace de la sainteté du prédicateur, qui pratiquoit le premier les vérités qu'il annonçoit aux autres. Dieu confirmoit aussi par le don des miracles la doctrine que prêchoit son serviteur. Ce fut ainsi que le ciel prépara saint Remi à devenir l'apôtre d'une grande

nation.

Les Gaulois, devenus redoutables par le succès de leurs armes, avoient envoyé jusqu'en Asie de nombreuses colonies. S'étant emparés d'une grande partie de l'Italie, ils mirent Rome à deux doigts de sa perte (c). Jules-César les vainquit, et les

.

(3) Sid. Apol. 7. 9, ep. 7.

(c) Voyez D. Brézillac, religieux de la congrégation de Saint-M aur, Hist. des Gaules et des conquêtes des Gaulois, imprimée en 1752, 2 vol. in-4.°; les commentaires de JulesCésar,qui savoit aussi bien manier la plume que l'epée ; les Observations sur la religion des Gaulois et sur celle des Romains, par M. Fréret, dans les Mémoires de l'Academie

Octobre.) 207 soumit à la domination des Romains cinquante ans avant l'ère des Chrétiens. Saint Augustin remarque (4) que ces fiers conquérans étoient dans l'usage de faire recevoir leur langue même par les nations qu'ils avoient vaincues (d).

Les Gaules furent environ cinq cents ans sous la puissance des Romains, qui les regardoient

des Inscrip. an. 1751, et l'excellente Histoire des Celtes, par Pelloutier.

(4) De Civ., 1. 19, c. 7.

(d) Les Gaulois se distinguèrent tellement par leur savoir et leur éloquence, que plusieurs d'entre eux ne le cédoient point aux plus célèbres Romains. La Gaule cisalpine produisit Virgile, Tite-Live, Cornélius-Népos, les deux Pline, etc., et la Gaule Transalpine, Varron, Trogue-Pompée, etc. Lorsque la lumière de la foi eut éclairé les Gaules, on y vit également fleurir l'étude de l'éloquence et celle des lettres sacrées, comme on pourroit le prouver par l'exemple de saint Martin, de Sulpice-Sévère, des deux saints Hilaire, de saint Paulin, de Salvien de Marseille, de saint Remi, de saint Sidoine Apollinaire, etc.

D. Rivet montre, Hist. litt. t. 1, que la langue des Romains prit presque par-tout la place de la langue celtique. Il y a long-temps qu'il ne reste plus rien de celle-ci en France, à l'exception de queiques traces que l'on remarque dans certains noms propres et dans un petit nombre de mots. Bochart, que Ménage appeloit le père des conjectures, dit dans son Phaleg, qu'elle vient du Phénicien. Borel, Præf. sur les Recherches gauloises, et Marcel, Hist. de l'origine de la Monarchic Fr. t. I, p. 11, la font venir de l'hébreu. Le dernier de ces auteurs tâche de prouver par une certaine analogie qui est entre les différentes langues, qu'elles dérivent toutes d'une langue qui étoit primitivement la même, et cette affinité est encore plus sensible dans les principales langues de l'Occident. Saint Jérôme, qui avoit démeuré en Occident et en Orient, assure, in Galat. Præf. 2, p. 255, que celles que l'on parloit à Trèves et dans la Galatie au quatrième siècle différoient très-peu entre elles.

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Valère-André, Topog. Belgic. p. 1, prétend que l'ancien celtique se retrouve dans le flamand moderne. Cette dernière langue est certainement un dialecte bâtard du teutonique, qui dérive du celtique : mais on ne peut dire que cette langue soit celle qu'Adam parloit dans le paradis terrestre, comme Goropius Bécan l'a avancé; on a prouvé que l'hébreu étoit

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