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comme une des plus riches et des plus puissantes provinces de l'empire. Les Francs s'en emparè

la langue de nos premiers pères. L'opinion commune est que le gallois et le bas-breton, qui ont une même origine, sont un dialecte du celtique, qui n'est cependant point parfaitement pur, puisque l'on n'entend point dans ces contrées quelques noms celtiques de lieux qui sont connus. Tacite, Vit. Agricolæ, c. 11, assure que la langue des Celtes ne différoit presque point de celle des Bretons, qui s'est conservée dans le Gallois.

Le P. Pezron, dans son traité de l'Antiquité de la nation et de la langue des Celtes ou Gaulois, a soutenu le premier que le latin, le grec et le teutonique venoient en grande partie du celtique. Il faut ajouter que ces langues ont emprunté aussi un grand nombre de mots de l'hébreu et de l'égyptien. On ne peut douter que l'ancien étrusque ne soit le véritable celtique, puisque les anciens noms de villes et de plusieurs autres lieux de la Toscane sont celtiques. On peut assurer la même chose de toutes les langues de l'Europe, à l'exception du sarmate et du sclavon. Le celtique est plus pur dans la Basse que dans la Haute-Allemagne. Selon Mallet, l'Islande est le pays où l'on parle cette langue avec le plus de pureté ; d'autres disent que c'est dans le pays de Galles et dans la Basse-Bretagne.

L'opinion la plus probable est que le erse que l'on parle en Irlande et sur les montagnes d'Ecosse, est le meilleur celtique qui soit aujourd'hui en usage. Il a cependant dégénéré de sa pureté primitive, puisque le Leaver Lécan, c'est-à-dire, le livre de la ville de Lécan ou Sligo sur les antiquités d'Irlande, lequel fut écrit dans le douzième siècle, et se garde dans le college des Lombards à Paris, n'est entendu qu'avec peine par les Irlandais qui parlent le erse moderne. Au reste, l'altération dont il s'agit n'est pas telle que la langue ait changé au moins depuis environ deux mille ans. Certains officiers irlandois, qui suivirent le général Munick dans la TartarieCrimée, entendirent la langue des habitans d'un canton de cette contrée, et ils ne furent pas peu surpris de reconnoître le erse. On convient unanimement que les Celtes étoient originaires de cette partie de la Scythie, et que ce fut de là qu'ils se répandirent dans toute l'Europe.

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L'éditeur du dictionnaire bas-breton, par D. le Pelletier de la congrégation de Saint-Maur, se plaint de ce que ce docte religieux a trouvé si peu d'ouvrages écrits en cette langue, n'ayant pu faire usage que d'un manuscrit de 1450 contenant les prédictions d'un prétendu prophète nommé Gwinglaff, d'une vie de saint Guinolé en vers, d'un poëme sur la prise de Jérusalem, par Tite, et d'un ancien diction

rent ensuite; mais ces nouveaux maîtres, loin de chasser ou de faire périr les habitans du pays, de

naire des cérémonies ecclésiastiques qui est entre les mains des recteurs ou curés. Il a été obligé d'emprunter le reste des secours dont il avoit besoin, de la langue que l'on parle présentement dans la Basse-Bretagne. M. Barbazan, dans sa Dissertation sur la langue des Celtes, qu'il a mise à la tête de son édition du Castoiement, et de quelques autres ouvrages en langue romance, conclut de là que l'ancien celtique n'étoit pas d'un usage si étendu en Europe, et dans ses observations sur les étymologies, ibid. il tâche de montrer qu'un grand nombre de mots celtiques ont beaucoup d'affinité avec le latin; d'où il conclut que la première de ces langues vient de la seconde, ou du moins qu'elles ont l'une et l'autre une origine commune. Nous conviendrons, si l'on veut, que quelques mots celtiques sont dérivés du latin; mais nous observerons que les remarques mêmes de M.Barbazan suffisent pour démontrer que la langue des Celtes étoit d'un usage fort étendu en Europe. Nous ne craindrons pas même d'avancer contre ce savant auteur, que les langues dont on se sert dans la plupart des contrées de l'Europe, viennent primitivement du celtique.

Les Druides, dans les Gaules, n'étoient point dans l'usage d'écrire; mais ils conservoient l'histoire des guerres, etc. dans des poëmes qu'ils apprenoient dans leurs écoles. (Jules-César, de Bel. Gal. 1. 6. ) Leur crédit étant tombé dans les second et troisième siècles, les Bardes furent chargés d'apprendre ces poëmes, et ils les chantoient dans les grandes maisons; cette coutume s'est observée fort long-temps. C'est par ce moyen que plusieurs histoires ou chroniques en vers celtiqu、 s se sont conservées en Irlande. (Voyez Torfæus et Mallet.) Il s'en est aussi conservé en Irlande et sur les montagnes d'Ecosse. Jacques Macpherson a fait imprimer en 1762 une traduction des poëmes d'Ossian, fils de Fingal, roi en Ecosse. L'auteur y célèbre les victoires de son père, les siennes propres, et celles de plusieurs autres princes d'Ecosse et d'Irlande. On trouve dans ces poëmes du génie, de la sublimité, de la force et de l'énergie; la vivacité des descriptions y est jointe au naturel et à la beauté des comparaisons, et l'on croit souvent lire les plus célèbres poètes d'Athènes ou de Rome. L'auteur a d'ailleurs un mérite qui lui est propre ; il est original. Il s'en tient à la vérité historique, et n'a point recours à l'intervention des dieux. Les épithètes ne sont employées que pour donner plus de force à l'expression. Ces poëmes servent beaucoup à faire connoître l'histoire et les mœurs des Bretons qui vivoient du temps de Sévère, de Caracalla et de Carausius; ils montrent encore que ces peuples formoient une nation spirituelle et cultivée.

Tome IX.

I *

Octobre.) vinrent un même peuple avec eux, et adoptèrent même leur langue et leurs mœurs (e).

Les Celtes, qui habitoient les Gaules, s'étant mêlés d'abord avec les Romains, puis avec les Francs, renoncèrent presque tout à coup à leur langue maternelle, et adoptèrent un dialecte qui fut principalement formé du latin. Bonamy, Diss. sur l'introduction de la langue latine dans les Gaules, Mém. de l'Acad. des Inscript., t. XXIV, trouve que D. Rivet s'exprime d'une maniere trop générale en assurant que les Francs venus dans les Gaules adoptèrent tous la langue latine, que les Romains, selon leur coutume, avoient introduite parmi les anciens habitans du pays. Il s'efforce ensuite de prouver que les Francs conservèrent quelque temps à la cour et dans les principales villes, l'ancien teutonique, qui étoit leur langue, et un dialecte du celtique. Il ajoute qu'ils retinrent quelques mots teutoniques, même après que le latin usité parmi les anciens habitans eut prévalu; mais il convient que de trente mots français, il est difficile d'en trouver un qui n'ait pas une origine latine. Nous ne pensons pas que D. Rivet eût refusé d'acquiescer à ce sentiment. En effet, il n'a point nié qu'un petit nombre de mots français ne soient dérivés du teutonique, ni que les Francs n'aient conservé quelque temps entre eux leur propre langue, quoiqu'ils apprissent aussi le latin que parloient les Gaulois, parmi lesquels ils étoient établis. Or, c'est le latin qui est évidemment la base de tous les dialectes que l'on parle en France, à l'exception de celui de la Basse-Bretagne et d'une partie considérable de la Bourgogne. On remarque cependant je ne sais quoi d'étranger dans ces différens dialectes, et cet alloi se fait principalement sentir en Gascogne, en Bourgogne et en Normandie. Quant au provençal et à quelques autres langues, on ne peut se méprendre à leur origine; ce n'est guères qu'un latin corrompu.

(e) Quelques auteurs ont cherché les Francs ou Français dans chaque province de la Germanie; d'autres les ont fait venir d'auprès des Palus Méotides: mais les plus habiles critiques conviennent avec Spener Notit. Germ. antiq. t. 1, que ce peuple étoit un composé de différentes nations de Germanie, qui se réunirent ensemble pour chercher un nouvel établissement, et pour conserver leur liberté et leur indépendance. Quelques auteurs ont conclu que cet amour de la liberté leur avoit fait donner le nom de Francs, qui n'étoit point connu parmi les Germains, lorsque Tacite écrivoit. Le mot frak ou franc signifie fier ou crucl dans l'ancienne langue germanique, comme l'observe Bruzen de la Martinière dans ses additions à l'introduction à l'Histoire moderne, par Puffendorf, t. V. Les historiens romains n'ont point parlé des Francs avant le règne de l'empereur Gallien.

Clovis n'avoit que quinze ans lorsqu'il monta sur le trône. Il fut le plus célèbre conquérant de

On voit par le panégyrique d'Euménius en l'honneur de Constantin, par le premier livre de Claudien sur Stilicon, et par plusieurs passages de Sidoine Apollinaire, que les Francs sortirent d'abord du milieu des nations établies audelà de l'Elbe, c'est-à-dire, du pays qui comprend aujourd'hui le duché de Sleswick et une partie du Holstein. Cette opinion a été fort bien expliquée dans une dissertation imprimée à Paris en 1748, et dans une autre du P. Germon, que le P. Griffet a insérée dans sa nouvelle édition de l'histoire de France du P. Daniel. Le P. Germon place les Francs dans les contrées situées entre le Bas-Rhin, le Mein, l'Elbe et l'Océan, c'est-à-dire, dans le voisinage du pays d'où vinrent depuis les Anglo-Saxons. Il est probable que le vide causé par leurs migrations, fut rempli par quelques peuples plus éloignés.

On distinguoit parmi les Francs, les Bructères, les Attuariens, les Chamaves, les Chérisques, les Frisons, les Chauques, les Cattes et les Sicambres; mais les Saliens et les Ripuaires ou Ansuares étoient les plus considérables d'entre eux, les premiers par leurs richesses et leur pouvoir, les seconds par leur nombre. (Voyez l'Histoire générale des Provinces-Unies, in-4.° 1757.) Selon Leibnitz, les Saliens étoient ainsi appelés de la rivière Sala, et les lois saliques si fameuses furent originairement établies parmi eux. Le P. Daniel et M. Gundling soutiennent que ces lois sont modernes, et qu'elles ne remontent point au-delà de la conversion des Francs au christianisme. De Broispreaux et Sellius, Hist. gén. des Provinces- Unies, ne leur contestent point l'antiquité que leur donne Leibnitz; mais ils reconnoissent que la préface qui est à la tête vient d'une main chrétienne. Ils ajoutent qu'il est peut-être arrivé que Clovis y ait changé quelque chose après son baptême.

La cruauté avec laquelle Maximin traita les Germains après la victoire qu'il remporta sur eux, paroît avoir donné lieu à la confédération qui fit rassembler le reste des vaincus dans le pays des anciens Sicambres, peuple qu'Auguste avoit détruit. (Voyez D. Bouquet, Rec. des Histoires de Fr. t. I. C'est de là qu'on les appelle quelquefois Sicambriens.

Les Francs s'établirent d'abord sur la rive orientale du Rhin, qu'ils passèrent bientôt après, puisque Vopiscus les met sur les deux bords de ce fleuve. Le pays, qui s'étend depuis d'Alsace jusqu'à l'Océan germanique, est le premier qu'on ait appelé France, et on le distingua depuis par le nom de Francia Germanica ou Vetus. La France est placée à la droite ou sur le bord oriental du Rhin, dans la carte de Peu

son siècle, et c'est à juste titre qu'on l'appelle le fondateur de la monarchie française. Dans le

tinguer. C'est une ancienne description topographique de ce pays, faite à la fin du quatrieme siècle, et publiée par Peutinger d'Ausbourg.

Les Francs proclamoient leurs rois en les élevant sur un bouclier dans le camp. Leurs premiers rois furent Pharamond, Clodion, Mérouée et Childéric. La couronne devint héréditaire dans la personne de Mérouée, et c'est de lui que la première race de nos rois a été appelée Mérovingienne.

Le P. Daniel prétend que l'histoire de ces quatre rois qui ont précédé Clovis, n'appartient point à l'histoire de France, et il se fonde sur ce qu'ils ne régnèrent que dans l'ancienne France, et qu'ils ne possédoient rien dans les Gaules, où ils faisoient cependant de fréquentes excursions pour en piller les provinces. Ce sentiment éprouva de grandes contradictions; il fut fortement combattu par Dubos, D. Maur, le Gendre, etc. Nous avons, en effet, des monumens qui prouvent d'une manière incontestable que les Francs commencerent sous le règne de Pharamond à étendre leurs conquêtes dans la Gaule belgique, malgré les échecs qu'ils recurent en plusieurs occasions. M. le président Hénault observe qu'ils avoient un établissement fixe vers le Rhin, en 287; que la possession leur en fut confirmée par l'empereur Julien, en 358; qu'en 445, sous le règne de Clodion, ils se rendirent maîtres de Cambrai, et de tout le pays qui s'étendoit jusqu'à la Somme, en Picardie. Il paroît que leurs rois firent quelque temps leur résidence à Tournai; au moins découvrit-on, en 1653, le tombeau de Childéric dans cette ville. On trouva des monumens qui prouvent certainement que c'étoit le corps de ce prince, et on en a déposé quelques-uns dans la bibliothèque du roi, à Paris. Voyez la relation de cette découverte par Chifflet, et la dissertation de D. Mabillon sur les anciens tombeaux des rois de France.

Plusieurs peintres ont imaginé avec Chifflet, mais sans fondement, que les figures d'abeilles trouvées sur le tombeau de Childeric, avoient été les armes de France avant l'introduction de la cotte d'armes, qui étoit le symbole des personnes de qualité, et que l'on inventa à l'occasion des joûtes et des tournois. Un essaim d'abeilles suivant un chef, est l'emblême naturel d'une colonie qui cherche un nouvel établissement. Quelques anteurs pensent que l'on prit d'abord la fleur de lis de quelques figures d'abeilles mal faites que l'on voyoit sur les anciens ornemens royaux. Voyez l'Addition aux dissertations sur le nom patronymique de l'auguste maison de France. Il est prouvé dans cet ouvrage que la maison de nos rois n'a jamais eu de nom particulier, et que l'usage des surnoms

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