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temps même où il faisoit profession du paganisme, il traitoit avec bonté les Chrétiens, et sur

s'étant introduit dans les onzième, douzième et treizième siècles, chaque branche retint celui de son apanage.

Il paroît cependant que la figure des lis qui sont dans les armes de France, fut empruntée de la tête d'une hache militaire que les Francs appeloient Francisque, et dont ils avoient coutume de se servir anciennement à la guerre; elle y ressemble en effet parfaitement, et n'a nulle ressemblance avec aucune espèce de la fleur appelée lis. On voit sur le tombeau de la reine Frédégonde à Saint-Germain-des-Prés, des fleurs de lis qui sont employées comme ornemens dans la couronne et dans les habits royaux. Elles sont encore employées ailleurs de la même manière, et on les trouve quelquefois sur les monumens des premiers rois normands d'Angleterre. Voyez de Montfaucon, Antiq. de la Monarchie Fr., t. 1, p. 31. Philippe-Auguste, ou plutôt Louis VII, les prit pour sa cotte d'armes, et Charles VII les réduisit au nombre de trois.

Selon le Gendre, Clodion commença à régner sur les Francs en 426, Mérouée en 446, Childéric en 450, et Clovis I ou le Grand, son fils, en 481. Les Romains firent quelquefois des traités avec ces princes, et les reconnurent pour leurs alliés. Le roi des Francs (on croit que c'étoit Chilpéric) se joignit, avec son armée, à Aétius qui faisoit la guerre aux Huns, et contribua beaucoup à la victoire que ce général remporta sur Attila en 481. Clovis s'empara de toutes les Gaules, à l'exception des provinces méridionales, qui avoient été précédemment conquises partie par les Bourguignons, partie par les Goths.

Odoacre, roi des Turcilinges et des Hérules, ayant mis fin à l'empire d'Occident en 466, Siagrius, fils d'Ægidius, gouverneur des Gaules, conserva toujours une armée sur pied, qui sut se soutenir quoiqu'il n'y eût plus d'empereur. Clovis, qui passa dans la paix les cinq premières années de son règne, marcha contre lui, et le défit près de Soissons en 489, et trois ans après il lui fit couper la tête. Ayant étendu peu à peu ses conquêtes, il s'empara de Tongres en 491, et de Rheims en 493, l'année même qu'il épousa Clotilde. Après la bataille de Tolbiac, qu'il gagna en 496, il se rendit maître de tout le pays jusqu'au Rhin. L'année suivante, l'armée des Romains, campée aux environs de la Loire, se soumit à lui; il vit aussi passer sous ses lois l'Armorique, qui étoit devenue indépendante, et qui avoit reçu de nouvelles colonies venues de la Bretagne. En 507, il vainquit Alaric, roi des Visigoths, près de Poitiers, et le tua de sa propre main dans un duel, à la tête des deux armées. Cette victoire fut suivie de la conquête de toutes les provinces situées entre la Loire et les Pyrénées : mais il fut défait à son tour par Théodoric

tous les évêques; il épargnoit les églises, et témoignoit de l'estime aux personnes recommandables

en 509, devant la ville d'Arles, et il fut obligé de laisser les Visigoths en possession de la Septimanie ou du Languedoc, ainsi que des provinces voisines.

L'abbé Dubos, Hist. critique de l'établissement de la Monarchie Fr. dans les Gaules, essaie de prouver que les Francs devinrent maîtres de la plus grande partie des Gaules, non à titre de conquête, mais en vertu de leurs alliances avec les Romains. A la vérité, ils gagnèrent l'amitié de la plupart des anciens habitans du pays, dont ils se disoient les défen. seurs. Leur gouvernement étoit aussi plus doux que celui des Goths et des Bourguignons prêts à envahir les Gaules. D'ail leurs, les Francs se mêloient avec les peuples vaincus; et apprenoient même leur langue. Ils ne les dépouilloient de leurs biens que dans certains cas particuliers. Les terres confisquées et données aux Francs, s'appeloient terres saliques, et elles étoient soumises à la loi salique, selon laquelle les contestations qui s'élevoient à leur sujet devoient être décidées par un combat des parties et de leurs amis. Les autres biens possédés par les Francs se nommoient bénéfices, terme qui venoit des Romains, et qui fut appliqué aux revenus ecclésiastiques. Ces bénéfices étient des gouvernemens, dignités lucratives, ou des terres données à vie.

des

Sous la seconde race de nos rois, plusieurs seigneurs puissans rendirent ces bénéfices héréditaires dans leurs familles, et ils imitèrent en cela les Lombards, desquels sont venus les fiefs et les lois féodales que les Romains ne

connurent

jamais. Les fiefs affoiblirent beaucoup les royaumes d'Italie, d'Allemagne et de France. Nos rois commencèrent dans le douzième siècle à recouvrer les droits aliénés de leur puissance, et à détruire toutes ces petites souverainetés qui s'étoient établies dans leurs états; mais ils ne recouvrèrent toute leur autorité que très-long-temps après.

Les anciens rois de France firent plusieurs additions à la loi salique, en sorte que l'on n'en peut distinguer aujourd'hui les articles primitifs. Le plus célèbre de tous est celui qui exclut les femmes de la succession à la couronne. Voyez la dissertation de l'abbé de Vertot sur l'origine de la loi salique, dans les Mém. de l'Acad. des Inscript. et BellesLeitres, t. 11.

Nous avons plusieurs éditions de la loi salique. On distingue, sur-tout celle du Fr. Pithou, avec un glossaire pour l'intelligence des termes obscurs et des mots teutoniques, Paris 9 1602, celle de Melchior Goldast, t. III, p. 15. de sa Collectio constitutionum imperialium, imprimée à Offenbach en 1610; celle d'Anvers en 1649, avec un excellent glossaire

par leurs vertus. Il honoroit principalement saint Remi. Il fit rendre les vases de l'église de Rheims qu'un soldat avoit enlevés; et comme le soldat balançoit à s'en dessaisir, il le punit en le tuant de sa propre main.

Clotilde, que Clovis épousa en 493, étoit fort zélée pour la religion chrétienne. Elle tâchoit d'adoucir la férocité de son mari, et le disposoit insensiblement à embrasser la foi. Etant devenue mère d'un fils qu'on nomma Ingomer, elle le fit baptiser. Le jeune prince mourut au bout de quelques jours, lorsqu'il portoit encore l'habit blanc qu'on donnoit dans l'église à ceux qui avoient reçu le baptême. Clovis fut vivement affligé de cette perte, et voulut en rendre Clotilde responsable. « Si l'on avoit invoqué, lui dit-il, le » nom de mes dieux sur mon fils, il vivroit en>> core; mais parce qu'il a été baptisé au nom » des vôtres, la mort me l'a enlevé. » La reine se contenta de lui répondre qu'elle s'estimoit heureuse d'avoir mis au monde un enfant qui étoit entré en possession du royaume céleste. Quelque temps après, elle accoucha d'un second fils, qui fut également baptisé, et qui reçut le nom de Clodomir. Ce prince étant tombé malade, le roi, transporté de colère, dit à Clotilde : « Voilà l'effet » de votre entêtement; mon fils mourra comme » son frère, pour avoir été baptisé au nom de » votre Christ. » C'étoit ainsi que Dieu se plaisoit à éprouver sa servante; mais il se laissa toucher

compilé par Godefroi Wendelin; celle que Jérôme Bignon a donnée à Paris avec des notes dans son édition des formules de Marculfe celle de Baluxe, avec des capitulaires de Charlemagne, qui fit réviser la loi salique ; celle d'Eccard avec la loi des Ripuariens; enfin celle de Schitter, in Thes. antiq. Teutonicarum, an. 1727.

cette fois par ses prières, et le jeune prince recouvra la santé (5).

Jusque-là Clotilde n'avoit pu engager son mari à renoncer au culte des idoles; mais Dieu par sa miséricorde ménagea une circonstance où le roi se déclara en faveur de la véritable religion, et se montra supérieur à la crainte du monde, qui l'avoit si long-temps retenu dans l'erreur. Le prétexte tiré du mécontentement que feroient éclater ses sujets ne fit plus aucune impression sur son esprit.

Les Suèves et les Allemands ayant formé dans la Germanie une armée nombreuse que commandoient plusieurs rois, passèrent le Rhin, et vinrent attaquer les Francs pour leur enlever les riches dépouilles de l'empire romain dans les Gaules. Clovis marcha contre eux, les rencontra près des frontières de son royaume, et leur livra bataille à Tolbiac (f). Il se mit à la tête de sa cavalerie, et donna à Sigebert, son parent, le commandement de son infanterie. La choc de l'ennemi fut si terrible, que Sigebert fut blessé dangereusement, et emporté du camp ainsi l'infanterie fut entièrement défaite et mise en déroute. Quoique l'ennemi se portât avec fureur sur la cavalerie, Clovis ne put être forcé : couvert de sang et de poussière, il encourageoit ses sol

(5) S. Greg. Turon. Hist. l. 2, c. 26, 27, 28, 29, 30.

(f) Quelques auteurs pensent que la situation des nations germaniques dont il est question, la rapidité avec laquelle Clovis les joignit, ainsi que la route qu'il prit, prouvent que la bataille se donna quelque part dans la Basse-Alsace. (Voyez M. d'Anville, Etats formés après la chute de l'empire romain en Occident, Paris, 1771, in-4.o) Mais la plupart des historiens modernes prennent Tolbiac pour la ville de Zulpich, qui est dans le duché de Jaliers, à quatre lieues de Cologne, entre la Meuse et le Rhin. La vérité de ce sentiment a été démontrée par M. d'Anville, loc, eit.

dats, et faisoit avec eux des prodiges de valeur; mais il eut bientôt la douleur de les voir lâcher pied, et se débander. Il voulut inutilement les rallier par ses prières et ses menaces; ils ne l'écoutèrent point, et ne suivirent que les mouvemens de frayeur qui les agitoient.

Clotilde avoit dit à Clovis en le quittant : «< Sei» gneur, vous allez à la guerre; mais si vous >> voulez remporter la victoire, invoquez le Dieu >> des Chrétiens. Il est le seul maître de l'univers, » et il s'appelle le Dieu des armées. Si vous vous » adressez à lui avec confiance, rien ne pourra » vous résister. Vous triompherez de vos enne» mis, fussent-ils cent contre un. » Le roi s'étant rappelé ces paroles dans l'extrémité où il étoit, leva les yeux au ciel, et dit avec larmes : « O » Christ, que Clotilde invoque comme le fils du » Dieu vivant! j'implore votre secours. Je me suis >> inutilement adressé à mes dieux; j'ai éprouvé » qu'ils n'ont aucun pouvoir. Je vous invoque » donc; je crois en vous. Délivrez-moi de mes >> ennemis, et je me ferai baptiser en votre nom. » A peine eut-il achevé cette prière, que sa cavalerie dispersée se rallia autour de sa personne. On recommença le combat avec une nouvelle ardeur, et les ennemis furent repoussés. Leur principal chef ayant été tué, ils mirent bas les armes, et demandèrent quartier. Clovis leur accorda la vie et la liberté, à condition que le pays possédé par les Suèves dans la Germanie, lui payeroit un tribut annuel. Il paroît qu'il soumit aussi les Boioariens ou Bavarois, et qu'il leur imposa le même joug (g). Ce fut en 496 qu'il gagna cette célèbre

victoire.

(g) Les successeurs de Clovis donnèrent aux Bavarois leurs premiers princes ou ducs. Voyez le P. Daniel.

Tome IX.

K

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