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Depuis ce jour, Clovis pensa sérieusement à se disposer à la réception du baptême. En revenant de son expédition, il passa par Toul, et prit avec lui saint Vaast, qui menoit une vie retirée dans cette ville, afin qu'il l'instruisît sur la route des mystères de la foi. Il avoit un tel désir d'accomplir son vou, qu'il se fût reproché le moindre délai volontaire. Clotilde, informée de ce qui s'étoit passé, envoya chercher saint Remi, et partit avec lui pour aller en Champagne, au devant du roi. Dès que le prince l'aperçut, il lui cria : « Clovis a vaincu les Allemands, et vous avez triomphe de Clovis. Ce que vous aviez tant à >> cœur est fait; mon baptême ne peut être long» temps différé. C'est au Dieu des armées, répondit la reine, qu'est due la gloire de ces >> deux triomphes. » Elle l'exhorta à persévérer dans les pieuses résolutions où il étoit, et en même temps elle lui présenta saint Remi, l'un des plus respectables évêques de son royaume.

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Remi continua d'instruire Clovis, et le disposa à recevoir la grâce du baptême par le jeûne, la pénitence et la prière. Le roi lui dit qu'il craignoit que ses sujets ne voulussent point renoncer à leurs idoles; mais il ajouta qu'il leur parleroit de la manière qui seroit jugée convenable. Il fit assembler les principaux de la nation dans ce dessein; mais ils le prévinrent en s'écriant : « Sei»gneur, nous renonçons à des dieux mortels, et >> nous sommes résolus d'adorer le dieu immortel » que prêche Remi. » Le saint évêque et saint Vaast les instruisirent aussi pour les préparer au sacrement de la régénération. Plusieurs prélats se rendirent à Rheims pour assister à la cérémonie, qui fut fixée au jour de Noël. Le roi se distinguoit des autres catéchumènes par sa piété. Dé

pouillé de ses habits royaux, et couvert d'instrumens de pénitence, il imploroit nuit et jour la miséricorde divine.

Clotilde voulut que la cérémonie du baptême du roi se fît avec une grande pompe extérieure: elle croyoit avec raison qu'il falloit frapper les sens d'un peuple barbare, et que c'étoit là le moyen de leur inspirer du respect pour notre religion; elle fit donc orner de riches tapisseries les rues qui conduisoient du palais à la grande église; elle ordonna encore de brûler des parfums dans l'église et dans le baptistère, et d'y allumer un grand nombre de cierges. Au jour marqué, les catéchumènes partirent en procession, portant des croix, et chantant les litanies. Saint Remi conduisoit par la main le roi, qui étoit suivi de la reine et du peuple. Lorsqu'il le vit auprès des fonts-baptismaux, il lui dit : « Hu»miliez-vous, ô Sicambre! renoncez à ce que >> vous avez adoré jusqu'ici, et brûlez ce que vous » avez adoré. » Il lui parloit de la sorte pour le faire entrer dans ces sentimens de douceur et d'humilité que le chistianisme exige. Le baptême de Clovis fut suivi de celui d'Alboflède, sœur de ce prince. Trois mille Français reçurent aussi ce sacrement. Alboflède étant morte peu de temps après, le roi en fut vivement affligé. Saint Remi le consola par une lettre, où il lui représentoit qu'une telle mort étoit heureuse, et que sa sœur n'avoit quitté cette vie que pour recevoir la couronne des vierges (6). Lantilde, autre sœur du roi, qui avoit eu le malheur de tomber dans l'arianisme, se réconcilia à l'église en recevant l'onction du saint-chrême (h).

(6) In Append. Op. S. Greg. Turon. p. 1326, et ap. Marlot. hist. eccl. Rhemens.

(h) Il s'agit de la confirmation selon Fleury. D'autres pen

Clovis, ayant donné plusieurs terres à Remi, le saint évêque les distribua à diverses églises; il fit le même usage des donations que lui firent quelques seigneurs français. Il tint cette conduite pour empêcher qu'on ne s'imaginât qu'il travailloit à la conversion des ames par des vues intéressées. L'église de Notre-Dame de Laon eut une part considérable à ses libéralités. Il aimoit la ville de Laon où il avoit été élevé, et il y établit un siége épiscopal, sur lequel il éleva Génébaud. C'étoit un homme très-versé dans la connoissance des lettres divines et humaines. Il avoit épousé une nièce de notre Saint; mais depuis il se sépara d'elle pour se consacrer plus spécialement aux exercices de la piété chrétienne. Telle fut l'origine de l'évêché de Laon, qui auparavant faisoit partie du diocèse de Rheims. Remi plaça Théodoric ou Thierry sur le siége de Tournai en 487; il fit saint Vaast évêque d'Arras en 498, et de Cambrai en 510. Il envoya saint Antimond prêcher la foi aux Morins, et le chargea de la fondation de l'église de Térouane.

Clovis fonda des églises dans plusieurs endroits de son royaume, et les dota richement; il publia aussi un édit pour inviter tous ses sujets à embrasser le christianisme. Saint Avit, évêque de Vienne, lui écrivit pour le féliciter sur son baptême; il l'exhortoit en même temps à envoyer des ambas-sadeurs chez les peuples de la Germanie qui habitoient au-delà du Rhin, pour les porter à recevoir la lumière de la foi.

Lorsque le roi se préparoit à marcher contre Alaric en 506, saint Remi lui adressa une lettre, dans laquelle il lui donnoit des conseils sur la ma

sent que cette onction n'étoit qu'un rite dont on faisoit usege dans la réconciliation de certains hérétique

nière de bien gouverner son peuple, et d'attirer sur lui-même les bénédictions du ciel (7) « Choisissez, » lui dit-il, des personnes sages pour votre conseil, » et ce sera le moyen de rendre votre règne glo» rieux. Respectez le clergé. Soyez le père et le » protecteur de votre peuple. Allégez, autant qu'il vous sera possible, le fardeau des impôts que les > besoins de l'état rendent quelquefois nécessaires. » Consolez et soulagez les pauvres; nourrissez » les orphelins; défendez les veuves; ne souffrez » point d'exactions. Que la porte de votre palais » soit toujours ouverte, afin que chacun de vos sujets puisse aller réclamer votre justice. Employez vos revenus à racheter les captifs » etc. (i). »

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Le succès des armes de Clovis contre les Visigoths fut très-heureux; il les défit, et s'empara de Toulouse, leur capitale dans les Gaules (k). Il

(7) Conc. t. IV, p. 1402.

(i) Nous avons deux autres lettres de saint Remi, adressées à des évêques, ce qui fait quatre en tout, y comprises celles dont nous avons parlé ; ainsi Baillet se trompe en lui en donnant cinq. D. Rivet rejette comme apocryphe même la copie de son testament, où il ne paroît point d'interpolation; mais Mabillon, du Cange et Ceillier en soutiennent l'authenticité. Cet acte a été connu de Hincmar et de Flodoard. Les églises de Rheims, de Laon, d'Arras, etc. jouissent encore des terres qui leur furent léguées par ce testament. Le Saint donna à l'église de Rheims un calice d'argent orné de plusieurs figures, et sur lequel il fit graver ces trois vers, qui expriment la doctrine catholique sur l'eucharistie.

Hauriat hinc populus vitam de sanguine sacro,
Injecto æternus quem fudit vulnere Christus.
Remigius reddit Domino sua vota sacerdos.

Hincmar. in Vit. Remig.

Ce calice fut vendu du temps de Hincmar, pour racheter les prisonniers faits par les Normands.

(k) Clovis vainquit et tua Alaric le Goth, près de Poitiers, en 507. Cette victoire est placée à la quinzième année de son règne, dans la plupart des manuscrits et des imprimés de

écrivit ensuite une lettre circulaire à tous les évêques de ses états, pour les autoriser à donner la liberté aux prisonniers qu'il avoit faits; mais il leur marquoit qu'il désiroit qu'ils n'usassent de ce privilége qu'en faveur de ceux qui seroient de leur connoissance (8).

Anastase, empereur d'Occident, instruit des victoires que Clovis avoit remportées sur les Visigoths, rechercha son alliance contre les Goths qui avoient principalement contribué à la chute de l'empire d'Occident; il le déclara patrice, consul et auguste, et lui envoya les ornemens de ces différentes dignités. Depuis ce temps-là, Clovis porta la pourpre, et prit le titre d'Auguste. Il entra dans la Bourgogne pour forcer le roi Gondebaud à lui remettre la dot de sainte Clotilde, et pour venger la mort du père et de l'oncle de cette princesse ; mais le roi des Bourguignons conjura l'orage en promettant de payer un tribut annuel. Gondebaud ayant massacré depuis son troisième frère, Clovis l'attaqua de nouveau, et le vainquit. Il se laissa cependant fléchir par les prières de Clotilde; il permit à Gondebaud de régner, pourvu qu'il fût fidèle au payement du tribut convenu entre eux; et Sigismond, son fils, monta sur le trône après

sa mort.

Saint Remi, soutenu de la protection de Clovis, étendit de tous côtés le royaume de Jésus-Christ, et convertit une grande partie de la nation franGrégoire de Tours, sans en excepter même l'édition de D. Ruinart; mais il est démontré par les monumens historiques, qu'on doit la rapporter à la vingt-cinquième année du règne de ce prince; et D. Bouquet a corrigé le passage de Grégoire de Tours, d'après un ancien manuscrit qui est à Cambrai. Collect. Script, Franc. t. I. Pr. p. 5.

(8) Conc. t. IV, p. 1402; Duchesne, Hist. Francor. Script. t. 1, p. 836 ; et Append. Op. S. Greg. Turon. p. 1327.

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