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çaise. Les miracles qu'il opéroit donnoient une nouvelle force aux travaux de son zèle. C'est ce que nous apprenons de plusieurs monumens historiques dont on ne peut contester la certitude. Les évêques assemblés à Lyon pour la conférence qui se tint de son temps contre les Ariens, déclarérent que leur zèle pour la défense de la foi étoit excité par l'exemple de Remi, qui avoit détruit de toutes parts les autels des idoles par une multitude de signes et de miracles (9).

ils

Cette conférence est trop célèbre, pour que nous ne rapportions pas ce qui s'y passa. Les principaux évêques qui y assistèrent, furent Etienne de Lyon, Avit de Vienne, Apollinaire de Valence, et Eonius d'Arles; ils se rendirent tous à Savigny où étoit Gondebaud, roi des Bourguignons, qui professoit l'arianisme, et le prièrent d'ordonner aux évêques ariens d'avoir avec eux une conférence publique. Voyant ce prince peu disposé à leur accorder ce qu'ils demandoient, se jetèrent à ses pieds, et versèrent des larmes abondantes. Gondebaud, attendri par ce spectacle, leur dit avec bonté de se relever, et leur promit de leur donner incessamment une réponse. Ils retournèrent à Lyon, et le roi étant venu le lendemain dans cette ville, il leur déclara qu'il consentoit à la conférence. C'étoit la veille de saint Just. Les évêques catholiques passèrent la nuit en prières dans l'église de ce Saint; le lendemain matin, ils allèrent au palais à l'heure qui leur avoit été indiquée. Saint Avit parla pour les orthodoxes, et Boniface pour les Ariens, en présence du roi et de plusieurs sénateurs. Boniface ne répondit que par des clameurs et des injures, accusant les catholiques d'adorer trois (9) Conc. t. IV, p. 1318; Spicileg. t. V, p. 110.

dieux. Il y eut une seconde conférence quelques jours après, et elle eut la même issue que la première. Un grand nombre d'Ariens se convertirent. Gondebaud lui-même avoua qu'il croyoit que le Fils et le Saint-Esprit étoient égaux au Père, et il pria saint Avit de lui donner secrètement l'onction du saint-chrême; mais le Saint fit réponse « Notre-Seigneur déclare qu'il recon» noîtra devant son Père tous ceux qui l'auront » reconnu devant les hommes. Vous êtes roi, et >> vous n'avez point de persécution à craindre » comme les apôtres. Vous redoutez une sédition parmi le peuple; mais vous devez vous élever » au-dessus d'une telle foiblesse. Dieu n'aime point celui qui, pour un royaume terrestre, » n'ose le confesser devant le monde (10). » Le roi ne sut que répondre; mais il ne changea pas pour cela, et il n'eut jamais le courage de se déclarer ouvertement en faveur de la foi catholique (4).

>>

(10) S. Greg. Turon. Hist. l. 2, c. 34.

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(1) Ce fut ce roi des Bourguignons qui publia la loi Gombette. Il est parlé pour la première fois dans le quarante-cinquième article de cette loi, des duels auxquels on condamnoit ceux qui refusoient de terminer leurs querelles par la voie du serment. Les lois des Lombards en Italie autorisoient le même abus; mais on ne se battoit qu'avec des bâtons et un bouclier cum fustibus et clypeo. Cette pratique cruelle devint plus meurtrière quand on eut introduit des armes plus dangereuses. On y eut bientôt recours de son autorité privée. Son origine est barbare, elle a été inconnue aux peuples civilisés, et qui se sont fait le plus de réputation par leur valeur, tels que les Grecs et les Romains; elle est aussi contraire à la vraie grandeur d'ame, qu'aux lois sacrées de la nature. Cependant, par un renversement de toutes les idées, qui choque également la raison et la religion, et par une fausse application des termes, elle est devenue la pierre de touche du courage, et un point d'honneur, sur-tout depuis le cartel que François I, roi de France, envoya à l'empereur Charles-Quint. Voyez l'excellent traité du P. Gerdil sur

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Cependant saint Remi travailloit sans cesse à détruire l'idolâtrie et l'arianisme, tant dans la Bourgogne que dans la France. Ayant tenu un synode dans un âge fort avancé, il y convertit un évêque arien qui y étoit venu pour disputer contre lui (11). Il mourut le 13 Janvier 533, selon D. Rivet, dans la quatre-vingt-quatorzième année de son âge. On l'enterra dans l'église de Saint-Christophe, à Rheims. Son corps étoit sans aucune marque de corruption, en 852, lorsque Hincmar le leva de terre. Le pape Léon IX, qui tenoit un concile à Rheims en 1049, le transféra dans l'église de l'abbaye des Bénédictins, dite aujourd'hui de Saint-Remi, et la cérémonie de cette translation se fit le 1. Octobre. En 1646, on visita de nouveau le corps du saint évêque, et on le trouva encore entier dans toutes ses parties; 'seulement la peau étoit desséchée, et attachée au suaire comme du temps de Hincmar, qui en a donné la description (12).

Dans le diocèse de Rheims on fait la fête de saint Remi le 13 Janvier, et elle y est de précepte; mais dans la plupart des autres églises, on la célèbre le 1. Octobre, jour où se fit la première translation des reliques du Saint avant saint Grégoire de Tours (13).

Saint Remi supportoit avec joie les travaux les plus pénibles, lorsqu'il s'agissoit de travailler au salut des ames rachetées par le sang de JésusChrist. Sans cesse il se rappeloit ce que le Sau

les Duels; Velly, Hist. de Fr. t. I, p. 144; Pasquier, 4 de ses Recherches, c. 1, 2, 3.

(11) Conc. t. IV, p. 1572.

(12) Voyez la description de la châsse de saint Remi dans Chastelain, Not, sur le Martyr. p. 230; et le Gallia Christ. nova, t. IX , p. 13 et 220.

(13) S. Greg. Turon. l. 8, c. 21.

veur avoit souffert pour les pécheurs durant sa vie mortelle, ainsi que la tendresse avec laquelle il les invitoit à la pénitence; et ce souvenir le rendoit infatigable dans l'exercice des fonctions du ministère. A l'exemple du bon pasteur, il étoit toujours dans la disposition de donner sa vie pour les ames confiées à ses soins. Il les portoit dans son cœur : il veilloit sur elles, craignant toujours qu'il n'en pérît quelqu'une par sa négligence. Sa vigilance étoit d'autant plus grande, qu'il connoissoit la fureur du lion infernal qui rôde continuellement pour trouver l'occasion de les dévorer : mais comme tous les efforts humains sont inutiles sans le secours de la grâce, il la sollicitoit par de ferventes prières. Il consacroit à l'oraison tout le temps que lui laissoient les travaux de l'épiscopat.

S. BAVON, ANACHORÈTE, PATRON DE GAND.

ALLOWIN, surnommé BAVON, sortoit d'une famille noble, établie dans cette partie du Brabant, connue sous le nom de Hasbain, et qui est aujourd'hui renfermée dans le territoire de Liége. Il mena dans ses premières années une vie fort déréglée; mais ayant perdu sa femme, il fit de sérieuses réflexions sur la vanité du monde, et il résolut de se convertir sincèrement, après avoir entendu un sermon de saint Amand. Cet homme apostolique avoit à peine achevé son discours, que Bavon vint se jeter à ses pieds, tout baigné de larmes. Il fut quelque temps sans pouvoir parler, et il ne s'exprimoit que par ses sanglots. Lorsqu'il fut revenu à lui-même, il fit l'aveu de ses désordres, et demanda ce qu'il falloit faire pour entrer dans la voie du salut. Le saint évêque, qui voyoit la sincérité de ses larmes, ne le flatta point, de

peur de rendre sa pénitence imparfaite; il est vrai qu'il l'encouragea par la vue de la miséricorde infinie de Dieu; mais il lui remit aussi devant les yeux la nécessité d'expier ses fautes, d'appliquer les remèdes convenables aux plaies de son ame, et de détruire ses habitudes vicieuses, pour devenir une créature nouvelle. Ces instructions confirmèrent Bavon dans ses pieux sentimens; il se confessa, et se soumit à la pénitence canonique (a).

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De retour à sa maison, il distribua aux pauvres son argent et ses effets mobiliers; puis ayant mis ordre à ses affaires, il se retira dans un monastère à Gand, et y reçut la tonsure des mains de saint Amand. Il s'excitoit de plus en plus à la ferveur par les avis de son directeur. » C'est une » espèce d'apostasie, lui disoit le saint évêque » pour une ame qui a eu le bonheur de voir le » néant de ce monde, et l'abîme de ses misères » spirituelles, de ne pas s'élever tous les jours » au-dessus de sa foiblesse, et de ne pas faire des >> efforts continuels pour s'approcher de Dieu. » Bavon regardoit le renoncement à soi-même et les austérités de la pénitence comme des moyens qu'un pécheur converti doit employer pour punir le péché en lui-même, et comme une partie du remède qui doit guérir son cœur; il ne mettoit donc aucunes bornes à sa ferveur, et il s'assujettissoit avec joie aux pratiques les plus révoltantes pour la nature.

Quelque temps après sa conversion, il obtint de saint Amand la permission de mener la vie érémitique. Il se retira d'abord dans le tronc d'un grand arbre qui étoit creux; il se fit ensuite une

(a) Post pænitentia confessionem annis tribus, præter 40 dierum abstinentiam, etc. Voyez l'auteur original de sa vie:

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