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l'église du village de son nom, à une demi-lieue de Troyes; mais il n'y en reste plus qu'une portion, avec le coffre de bois qui les renfermoit. La plus grande partie de ce précieux trésor se garde présentement dans l'abbaye de Saint-Martin de Troyes; on en voit aussi une portion dans la chapelle de Sainte-Maure, près de Gournay en Picardie, laquelle est célèbre par la dévotion des fidèles qui y vont en pélerinage.

Voyez le Sermo B. Prudentii episc. Trecensis de vitâ et morte gloriosa virginis Mauræ, dont Nicolas Camuzat a donné une bonne édition avec des notes dans son Promptuarium sacrarum antiquitatum Tricassino diœcesis, Trecis, 1610, in-8.° ; les Vies de saint Prudence, évêque de Troyes, et de sainte Maure, vierge, Paris, 1723, in-12; le P. Suiskens, Act. SS. t. VI, Sept. 271.

Il est parlé dans la vie de sainte Maure, de sainte MASTIDIE, vulgairement sainte MATHIE, vierge et patronne de Troyes; mais nous n'avons aucuns actes de cette Sainte. Cămuzat a donné l'histoire de la translation de ses reliques dans la cathédrale de Troyes, que fit l'évêque Milon en 1007. Son corps fut trouvé entier, mais la peau et les chairs étoient desséchées. Camuzat le vit en cet état en 1606, lorsque l'on fit l'ouverture de la châsse où il étoit renfermé. Il n'y manquoit que la tête. Sainte Mathie est honorée le 7 Mai.

Voyez Camuzat, Hist. inventionis S. Mastidiæ virginis, cujus integrum corpus in metropoli ecclesiá Tricassina custoditur, fol. 5a et 57.

S. MAURICE, ET SES COMPAGNONS, MARTYRS. Tiré de l'histoire authentique de leur martyre, écrite cent cinquante ans après leur mort par saint Eucher, évêque de Lyon, qui cite leurs actes, et la relation d'Isaac, évêque de Genève. Isaac avoit été instruit par Théodore, évêque d'Octodurum, dans le diocèse duquel nos Saints avoient souffert. Ce Théodore assista au concile d'Aquilée en 381. Il pouvoit avoir vu des témoins oculaires de ce qu'il raconte il vivoit au moins dans le lieu où les faits s'étoient

passés. Quant à l'ouvrage de saint Eucher, on y remarque un ton de gravité, de vertu et de modestie qui ne permet pas d'en contester l'authenticité : c'est le jugement qu'en portent Ruinart, p. 290; Tillemont, Baillet, et tous les critiques catholiques. Son récit s'accorde avec les actes des saints martyrs, dont les exemplaires étoient communs dans le pays où ils avoient souffert, au cinquième et même au quatrième siècles, dit Mosheim, comme on le voit par certaines circonstances qu'en a tirées l'auteur de la vie de saint Romain, qui écrivoit avant la fin du cinquième siècle. La même chose se prouve par le titre d'un sermon de saint Avit, écrit vers l'an 490, titre qui a été conservé parmi les ouvrages du Saint, quoique le sermon n'existe plus. Oper. Sirmondi, t. II.

Malgré tant de preuves qui déposent en faveur de la vérité de l'histoire des saints martyrs, elle a été attaquée par quelques protestans. Le ministre Dubourdieu porta les premiers coups; Hottinger vint à la suite. Moyle se déclara aussi pour leur sentiment, et montra plus d'érudition et de subtilité que ses devanciers. Burnet, Prof. in Lactant. de mort. persecut. etc. répéta les mêmes objections, mais avec plus de confiance que de force. Le docteur Hickes réfuta Burnet, et la dispute devint très-vive entre ces deux savans, dont les principes politiques sur l'obéissance passive étoient fort opposés.

Hickes démontre qu'on ne peut rien conclure du silence d'Eusèbe, qui vivoit dans l'Orient, ni de celui de quelques autres écrivains. En convenant que Maximien favorisa d'abord les Chrétiens, il prouve que dans certaines circonstances, et et sur-tout à l'armée, il en fit mourir plusieurs pour leur religion. Constance ne les persécuta point; mais il ne devint César qu'en 293, et il paroît que le massacre dont il s'agit arriva peu après l'année 286 , que Maximien fut associé l'empire. Il n'est pas certain d'ailleurs que le pays où il se commit fût sous la domination de Constance; et quand cela seroit, Constance, comme César, n'avoit qu'un pouvoir subordonné à celui de l'empereur, sur-tout par rapport aux soldats, en quelque lieu qu'il les commandât.

Mosheim, Comm. de Rebus ecclesiæ ante Constantin. M. Helmstadii, 1753, p. 588, convient que les argumens de Moyle n'ont aucune force lorsqu'on les rapproche de ceux qui constatent l'authenticité de l'histoire que nous défendons; mais il forme une objection contre cette authenticité d'après certains actes grecs qui mettent le martyre de saint Maurice (qu'on suppose avoir été tourmenté l'espace de dix jours), et celui de ses compagnons, à Apamée dans la Syrie, sous le règne de Maximien. Le docte luthérien confond saint Maurice d'Agaune avec un autre Saint dont parle Théodoret, Serm. 8 de curandis Græc. affectionib., et dont les actes grecs sont modernes, et ne méritent aucune créance.

Avant la dispute, qui s'éleva entre Hickes et Burnet sur le point que nous traitons, Stillingfleet avoit réfuté les objections de Moyle. Nous ajouterons aux autorités produites par ce savant, le témoignage de Prudence, Psychom. v. 36, dont on avoit faussement prétendu faire valoir le silence contre les actes de nos saints martyrs. Voyez D. Jos. de Lisle, Ben. de la Cong. de Saint-Vannes, Défense de la vérité du martyre de la légion thébéenne, 1737, in-8.; Baldesano (Bernardin Rossignoli, Jésuite piémontais, mort en 1613), Hist. di S. Mauritio; le P. Jean Clé, l'un des continuateurs de Bollandus, t. Vl. Sept. à pag. 308 ad pag. 403, et App. ibid. à pag. 895 ad pag. 920, et l'excellent ouvrage intitulé: Eclaircissemens sur le martyre de la légion thébéenne, et sur l'époque de la persécution des Gaules sous Dioclétien et Maximien, par M. de Rivaz, Paris, 1779, in-8.o

N. B. Les actes donnés par Surius sont interpolés. Il y est parlé du roi Sigismond, et la règle d'Agaune, qui fut instituée en 515, au lieu que saint Eucher de Lyon souscrivit le premier concile d'Orange en 441; mais le P. Chifflet, Jésuite, en découvrit une copie exacte qu'il fit imprimer, et que D. Ruinart soutient être le véritable ouvrage du saint évêque de Lyon. C'est de ces actes que nous avons pris la défense contre Dubourdieu, etc. Il est fait mention du martyre de saint Maurice et de ses compagnons, dans la vie de saint Séverin d'Agaune, écrite peu après l'an 500; dans deux ouvrages plus anciens que nous avons cités plus haut ; dans les martyrologes de saint Jérôme, de Florentinius, etc.; dans le concile d'Agaune de l'an 515; dans saint Grégoire de Tours, de Glor. Martyr. l. 1, c. 75; dans Fortunat, l. 2, Carm. 15. Il résulte de toutes ces autorités, qu'on avoit une grande vénération pour nos saints martyrs dans le sixième siècle.

L'AN 286.

L'EMPEREUR Carus, qui avoit osé prendre le titre de Dieu, ayant été tué par la foudre, et Numérien son fils assassiné par Aper son oncle, Dioclétien, homme de basse extraction, fut proclamé empereur par l'armée qu'il commandoit en Orient, le 7 Septembre 284. L'année suivante, il vainquit dans la Mésie, Carin, le second fils de Carus, et lui ôta la vie. Après cette victoire, il se fit donner le nom de Jovius, tiré de celui de Jupiter, créa César Maximien, et lui confia le gouvernement et la défense de l'Occident. Les Tome 1X. B

Bagaudes, peuple principalement composé de paysans des Gaules, avoient pris les armes pour venger la mort de Carin, et ils étoient commandés par Amand et par Elien. L'empereur ordonna à Maximien de marcher contre eux, et l'associa en même temps à l'empire. Maximien se fit alors donner le surnom de Herculéus ou de Hercule. C'est dans cette expédition que les historiens les plus judicieux mettent le martyre de la légion thébéenne (a).

Il paroît que cette légion étoit ainsi appelée parce qu'elle avoit été levée dans la Thébaïde ou Haute-Egypte, où il y avoit un grand nombre de Chrétiens zélés. Elle étoit toute composée de soldats qui croyoient en Jésus-Christ; et saint Maurice, qu'on croit en avoir été le principal commandant, n'y en admettoit probablement point qui fussent d'une autre religion. Dioclétien, au commencement de son règne, n'étoit point ennemi des Chrétiens; il en avoit même plusieurs auprès de sa personne, et il leur confioit, au rapport d'Eusèbe, les places les plus importantes mais

les

gouverneurs particuliers et la populace n'en avoient pas moins la liberté de suivre les mouvemens de la haine qu'ils leur portoient. Quant à Maximien, il versoit leur sang dans certaines occasions extraordinaires.

La légion thébéenne fut du nombre de celles que Dioclétien fit passer d'Orient en Occident pour combattre les Bagaudes. Maximien, ayant passé les Alpes, accorda quelques jours de repos à son armée, afin qu'elle pût se remettre des fatigues d'une marche pénible, il fit en même temps

(a) Les Bollandistes le mettent en 303, dans la grande persécution, pensant que Maximien put alors faire marcher son armée par le pays dont il s'agit,

défiler quelques détachemens du côté de Trèves. On se trouvoit alors à Octodurum. C'étoit dans ce temps-là une ville considérable bâtie sur le Rhône, au-dessus du lac de Genève (b). Il y avoit un siége épiscopal, qui paroit avoir été transféré à Sion dans le sixième siècle.

Maximien ayant ordonné que toute l'armée feroit un sacrifice aux dieux pour obtenir le succès des armes de l'empire, la légion thébéenne s'éloigna pour aller camper près d'Agaune, à trois lieues d'Octodurum. L'empereur lui enjoignit de revenir au camp général, et de se réunir au gros de l'armée pour l'oblation du sacrifice; mais comme tous ceux dont elle étoit composée refusoient constamment de participer à cette cérémonie sacrilége, il les fit décimer, et les soldats sur lesquels tomba le sort furent mis à mort. Les autres restèrent inébranlables, et s'entr'exhortoient à persévérer fidèlement dans leur religion. Cette première décimation fut suivie d'une seconde, qui ne produisit pas plus d'effet. Tous les soldats de la légion qui vivoient encore s'écrièrent qu'ils n'obéiroient point, et qu'ils étoient résolus à tout souffrirplutôt que de trahir leur foi. Maurice, Exupère et Candide, leurs principaux officiers, ne contribuoient pas peu à les entretenir dans ces généreux sentimens. Saint Eucher donne à saint Maurice le titre de primicérius, qui étoit la première dignité dans la légion, et qui revenoit à peu près à celle de tribun ou de colonel. Exupère est appelé campiductor ou major, et Candide, sénateur des troupes.

L'empereur fit dire à la légion qu'il étoit de son plus grand intérêt de se rendre ; qu'elle comp(b) C'est aujourd'hui le village de Martignac ou Martigny dans le Valais.

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