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envers la mère de Dieu, la victoire que le prince Eugène remporta sur les Turcs à Belgrade en 1716; et ce fut pour cela qu'il fit suspendre dans l'église du Rosaire, appartenante aux Dominicains de Rome, un des cinq étendards qu'on avoit enlevés aux ennemis, et que l'empereur lui avoit envoyés. Les infidèles, au nombre de deux cent mille hommes, tenoient les Chrétiens, pour ainsi dire, assiégés près de Belgrade, et ils avoient une forte garnison dans cette place, qui étoit alors le boulevard de leur empire. L'île de Corfou étoit aussi assiégée par une armée de quarante mille de ces mêmes infidèles. Les Chré– tiens furent vainqueurs ; ils prirent Belgrade, firent lever le siége de Corfou, et préservèrent l'Allemagne et l'Italie des malheurs dont elles étoient menacées.

Le rosaire est une pratique de dévotion qui consiste à réciter quinze fois l'oraison dominicale, et cent cinquante fois la salutation angélique. Son institution a pour objet d'honorer les quinze principaux mystères de la vie de Notre-Seigneur et de sa sainte mère. C'est donc un abrégé de l'évangile, une histoire de la vie, des souffrances, des triomphes de Jésus-Christ, et une explication de ce qu'il a fait dans cette chair dont il s'est revêtu pour l'amour de nous. Chaque chrétien ne doit jamais perdre de vue ces mystères; il doit, au contraire, s'en occuper sans cesse, afin de se pénétrer des plus vifs sentimens de reconnoissance et d'amour, de s'appliquer les fruits de la médiation divine, et de régler ses affections et tous les mouvemens de son ame sur le modèle qui est présent à son esprit. Or, de tous les moyens propres à bien remplir ce devoir, le rosaire est le plus facile en lui-même, le plus adapté à toutes Tome IX.

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Octobre.) sortes d'esprits, le plus capable de nous porter à la pratique de toutes les vertus.

Tous les actes que nous devons produire sont renfermés dans la prière que Notre-Seigneur a daigné lui-même nous enseigner. Quiconque saura bien entendre chacune des demandes dont elle est composée, ne se lassera jamais de la répéter; il se sentira même animé d'une nouvelle ferveur à chaque fois qu'il la récitera. Peut-il y avoir une prière qui soit plus agréable à Dieu, et qui ait plus d'efficacité que celle que le Verbe éternel nous a prescrite? Toutes les autres ne sont que des explications de celle-ci ; mais elle est sur-tout méritoire et utile pour nous, lorsqu'en la récitant nous nous proposons d'honorer les mystères de notre salut, de payer au Rédempteur un tribut de louanges et d'amour, et d'implorer la miséricorde divine par les mérites de celui qui nous a

sauvés.

Quelques fidèles, pour honorer explicitement chaque mystère, ajoutent au nom de Jésus qui est dans la salutation angélique, qui est né, qui a été crucifié, etc., pour nous mais il vaut mieux représenter à Dieu, en esprit, les mystères renfermés dans ces paroles; ainsi, en répétant Notre Père, nous nous rappelons le fils éternel du Père, fait homme dans le temps, né dans une étable, couvert d'une sueur de sang dans son agonie, etc. En disant, Que votre nom soit sanctifié, nous ajoutons dans la pensée, qu'il l'est principalement par la naissance, le crucifiement, etc., de son fils.

On répète souvent la salutation angélique dans le rosaire, parce que, comme elle contient une forme de prière pour l'incarnation, elle convient très-bien à une pratique instituée pour honorer

les principales parties de ce grand mystère. Quoiqu'elle s'adresse à la mère dont on implore l'intercession, elle a cependant pour premier objet de louer le fils, et de le remercier de son infinie miséricorde qui a éclaté d'une manière si spéciale dans l'incarnation. Le Saint-Esprit est le principal auteur de cette prière. Le commencement est composé des paroles de l'archange Gabriel, qui fut l'ambassadeur de l'adorable Trinité dans l'accomplissement du plus auguste de tous les mystères; viennent ensuite les paroles que sainte Elisabeth, inspirée par le ciel, adressa à la sainte Vierge; la fin est une addition faite par l'église. Cette dernière partie est une invocation de la sainte Vierge; elle y est appelée mère de Dieu d'après le concile général d'Ephèse, qui proscrivit les blasphêmes de Nestorius.

Nous ajoutons à la salutation angélique le nom de celle qui en est l'objet, ce nom étant très-propre à nous inspirer des sentimens de respect et de confiance. Saint Jérôme en donne différentes étymologies d'après les langues hébraïque et chaldaïque. Il signifie sur-tout dame, étoile de la mer. Or, ces deux noms conviennent merveilleusement à celle qui est la reine du ciel, notre protectrice et notre étoile sur la mer orageuse de ce monde. D'autres femmes furent appelées Marie dans l'ancien Testament; mais ce ne fut pas dans le même sens, ni avec la même signification. Il est essentiel de faire attention à ces paroles de l'évangéliste : Et le nom de la Vierge étoit Marie (1). Če nom, comme nous venons de l'observer, est mystérieux. « Il est, dit saint Bernard (2), d'une telle vertu » et d'une telle excellence, que les cieux tres»saillent, que la terre se réjouit, que les anges ne (1) Luc 1. (2) Homil. 2, super Missus est.

>>

>> peuvent retenir leurs transports quand il est » prononcé. » Le même Père observe (3) que la sainte Vierge est véritablement l'étoile sortie de Jacob, et placée au-dessus de cette mer redoutable, pour nous éclairer par les mérites et par l'exemple de sa vie. « O vous, dit-il, qui êtes » battus par les tempêtes de ce monde! levez » les yeux vers cet astre brillant, si vous ne vou» lez point être submergés par les flots. Si les vents » des tentations s'élèvent, si vous tombez parmi » les rochers des tribulations, regardez l'étoile, » invoquez Marie. Si vous êtes tourmentés par » les vagues de l'orgueil, de l'ambition, de la » médisance, de la jalousie, jetez les yeux sur » l'étoile, invoquez Marie. Faites la même chose » quand le vaisseau de votre ame est battu par la » colère, l'avarice ou la volupté. Si vous com» mencez à tomber dans le gouffre de la mélan» colie ou du désespoir, pensez à Marie. Ayez >> recours à elle dans les dangers, dans les détres>>ses, dans les perplexités; qu'elle ne sorte ni de >> votre bouche, ni de votre cœur; et pour vous >> assurer les heureux effets de sa protection, pro» posez-vous de marcher sur ses traces autant que >> vous le pourrez. En la suivant, vous ne vous » égarez point; en l'invoquant, vous ne tombez >> point dans le désespoir; en pensant à elle, vous » ne vous écartez point de la véritable voie; en >> vous abandonnant à sa protection, >> marchez d'un pas assuré; avec elle, vous n'avez >> rien à craindre; lorsqu'elle vous sert de guide, >> vous ne vous lassez jamais. » Tels sont les sentimens que le nom de Marie doit sans cesse nous inspirer.

Vous

Il étoit autrefois en si grande vénération, qu'en certains pays il étoit défendu aux femmes de le (3) Ibid.

porter. Lorsqu'Alphonse IV, roi de Castille, étoit sur le point d'épouser une jeune Maure, il déclara qu'il ne l'épouseroit qu'à condition qu'elle ne prendroit point au baptême le nom de Marie. Parmi les articles du mariage stipulé entre Marie de Nevers, et Uladislas, roi de Pologne, il y en avoit un qui portoit que la princesse changeroit son nom en celui d'Aloyse. Casimir I, roi de Pologne, qui épousa Marie, fille du duc de Russie, exigea la même chose de celle qu'il prenoit pour femme. Selon la coutume qui s'établit dans ce royaume, aucune femme ne pouvoit s'appeler Marie (4). Cet usage ne subsiste plus; mais si l'on porte le nom de Marie, c'est par dévotion pour la mère de Dieu, et pour se mettre sous sa protection d'une manière plus spéciale.

Ces mots, je vous salue, annoncent de notre part des sentimens de joie et de congratulation. L'archange les adressa à la sainte Vierge, pour lui témoigner le respect dont il étoit pénétré. On regardoit anciennement comme une chose extraordinaire qu'un ange apparût àquelqu'un des patriarches ou des prophètes. On le recevoit avec de grandes marques d'honneur et de vénération, à cause de l'excellence de sa nature et des dons de la grâce que Dieu lui avoit communiqués : mais quand l'archange Gabriel visita Marie, il fut frappé de sa dignité; il s'approcha d'elle avec admiration, et la salua avec respect. Quoiqu'accoutumé à la gloire des esprits bienheureux, il fut étonné de celle de Marie, qui étoit destinée a devenir la mère de Dieu, et que toute la cour céleste ne pouvoit considérer qu'avec ravisse

(4) Voyez Théophile Raynaud, in Dypsis Marianis, Op. t. VII, punct. 2, n. 12, et Benoît XIV, 1. de festis, sec. de festo nominis Maria, Op. t. X, p. 519.

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