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» cause de moi que les ennemis sont venus, je suis prêt à leur donner satisfaction. Envoyons » quelqu'un de nos frères savoir ce qu'ils de>> mandent. »

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L'armée ennemie étoit commandée par Vaimer, duc de Champagne. Vaimer avoit avec lui Didon, précédemment évêque de Châlons-sur-Saône, qui avoit été déposé pour ses crimes. Celui-ci répondit pondit aux envoyés d'Autun qu'on alloit ruiner la ville, si on ne leur livroit Léger. Tous promirent d'obéir à Clovis, sur l'assurance qu'on leur donna que Thierri étoit mort. Pour Léger, il déclara publiquement qu'il souffriroit tout plutôt que de manquer de fidélité à son prince. Comme les assiégeans poussoient toujours vivement l'attaque, il prit congé de son peuple, reçut la communion, sortit de la ville, et alla se présenter aux ennemis, qui, après s'être saisis de sa personne, lui crevèrent les yeux. Il chanta des psaumes tout le temps que dura, son supplice; il ne voulut point qu'on lui liât les mains, et il ne poussa pas le moindre soupir. Les habitans de la ville se soumirent pour ne pas perdre leur liberté. Vaimer conduisit le saint évêque en Champagne.

Cependant l'armée victorieuse marcha du côté de Lyon, dans le dessein de s'emparer de cette ville, et de s'assurer de saint Genès qui en étoit évêque; mais les habitans firent une si belle défense, que les ennemis furent obligés de se retirer. Saint Genès mourut en paix le 1.er Novembre 677, et eut pour successeur saint Lambert, qu'on avoit chargé du gouvernement de l'abbaye de Fontenelle, après saint Vandrille.

Ebroïn, qui avoit marché dans la Neustrie, envoya un ordre pour conduire Léger dans un

bois, où on le laisseroit mourir de faim on devoit ensuite publier qu'il étoit noyé; mais Vaimer eut pitié de lui, et le fit porter dans sa propre maison. Il fut si touché de ses discours, qu'il lui rendit l'argent qu'il avoit enlevé de l'église d'Autun. Léger le renvoya dans cette ville pour être distribué aux pauvres. Ebroïn, jaloux du pouvoir de Vaimer, chercha les moyens de s'en défaire, et lui ôta la vie par un supplice cruel et honteux. Didon subit un semblable traitement ; il fut banni et mis à mort quelque temps après...

On traîna le Saint par des chemins rudes et difficiles; en sorte qu'il eut les pieds tout déchirés par les pierres. On lui coupa les lèvres et une partie de la langue, puis on le mit entre les mains du comte Vaneng, qui fut chargé de le garder. Ce seigneur, qui aimoit la religion, le traita comme un martyr de Jésus-Christ, et le plaça dans le monastère de Fécamp, au pays de Caux, dont il étoit fondateur. Le saint évêque y passa trois ans. Ses plaies se guérirent, et il recouvra l'usage de la parole, ce qui fut regardé comme un miracle. Il instruisoit les religieuses du monastère, offroit tous les jours le saint sacrifice, et prioit continuellement.

Ebroïn, qui s'étoit fait donner par Thierri la dignité de maire du palais, et qui étoit maître absolu de la Neustrie et de la Bourgogne, feignit de vouloir venger la mort de Childéric à laquelle il accusoit faussement saint Léger d'avoir concouru avec Guérin, son frère; il fit paroître les prétendus coupables devant le roi et les seigneurs du royaume, et les accabla de reproches. Le saint évêque se contenta de lui répondre qu'il seroit bientôt dépouillé de, la dignité qu'il avoit usurpée. On sépara cependant les deux frères. Guérin

fut attaché à un poteau, etassommé à coups de pierres. On l'entendoit durant l'exécution répéter ces paroles & Seigneur Jésus, qui êtes venu » appeler non seulement les justes, mais encore » les pécheurs, recevez l'ame de votre serviteur, » auquel vous faites la grâce de terminer sa vie » par une mort semblable à celle des martyrs. »

Quant à saint Léger, on différa de le condamner jusqu'à ce qu'il eût été déposé dans un synode. Il profita de cet intervalle pour écrire à Sigrade sa mère, qui étoit pour lors religieuse dans l'abbaye de Notre-Dame de Soissons. Il la félicite sur sa retraite, et la console sur la mort de son fils Guérin, en disant qu'ils ne doivent s'attrister ni l'un ni l'autre de ce qui fait la joie et le triomphe des anges. Il l'entretient de la disposition où il est de souffrir avec courage; et pour empêcher qu'elle ne se laissât aller à quelques sentimens de haine ou de vengeance contre ceux qui le persécutoient, il s'étend sur la nécessité où nous sommes de pardonner à nos ennemis. Jésus-Christ, dit-il, nous ayant donné l'exemple en priant pour ceux qui l'attachoient à la croix, il doit nous être facile d'aimer nos ennemis et nos persécuteurs. Cette lettre, que nous avons encore, est l'effusion d'un cœur brûlant de charité, et orné de toutes les vertus; le style en est vraiment digne d'un martyr prêt à consommer son sacrifice. Quoiqu'il n'y ait d'autre art que celui qu'une tendre charité produit naturellement, elle est pourtant écrite avec esprit, et elle nous fait regretter la perte des discours que le saint évêque prêcha pendant les dix années qu'il gouverna son église en paix.

Enfin, Ebroïn fit conduire Léger dans le palais où s'étoient assemblés quelques évêques qu'il

avoit gagnés. Son dessein étoit de le faire déposer par une sentence, quoique l'assemblée ne pût être regardée comme un synode, n'ayant point été convoquée par le métropolitain ou le primat, ainsi que l'ordonnoient les canons. On voulut inutilement lui faire avouer qu'il avoit été com+ plice de la mort de Childéric; il ne cessa d'appe ler Dieu à témoin de son innocence du crime que ses ennemis lui imputoient. Les assistans lui déchirèrent sa tunique du haut en bas, ce qu'ils étoient convenus de regarder comme une marque de déposition; on le livra ensuite entre les mains de Chrodobert, comte du palais, qui avoit ordre de le mettre à mort.

Craignant qu'on ne l'honorât comme un mar→ tyr, Ebroïn le fit mener dans un bois pour y être exécuté et enterré secrètement; on devoit encore couvrir le lieu de sa sépulture, de manière qu'il fût impossible de le découvrir. Chrodobert fut si touché des discours et de la conduite du saint .pasteur, qu'il ne put se résoudre à le voir mettre à mort; il chargea quatre soldats de l'exécution de la sentence. La femme du comte pleurant amèrement, Léger la consola, et la pria de le faire enterrer, en lui promettant que Dieu la récompenseroit de sa charité. Les quatre soldats le menèrent dans une forêt; s'étant arrêtés au lieu qu'ils destinoient à son supplice, trois d'entre eux se jetèrent à ses pieds, et le conjurèrent de leur pardonner. Le Saint pria pour eux, puis ayant dit qu'il étoit prêt à mourir, le quatrième soldat lui coupa la tête. Son martyr arriva en 678, dans la forêt d'Iveline, dite aujourd'hui de Saint-Léger, au diocèse d'Arras, sur les confins de celui de Cambrai. Son corps fut enterré à Sarein, en Artois, par les soins de la femme du comte

Chrodobert. Les évêques d'Arras, d'Autun et de Poitiers se disputant ses reliques, on mit trois billets sur un autel que l'on couvrit d'un voile, et l'on convint qu'elles seroient pour celui dont le nom viendroit le premier. Elles échurent à l'évêque de Poitiers, qui les fit transférer dans le monastère de Saint-Maixent. Il s'est opéré plusieurs miracles par l'intercession de saint Léger, et l'on a bâti de toutes parts des églises sous son invocation. Il y a peu de Saints dont le culte soit aussi célèbre en France (d).

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Voyez sa vie, par le moine anonyme de Saint-Symphorien d'Autun, qui avoit été témoin de la plupart des actions du Saint, et qui écrivoit peu de temps après la translation de ses reliques, qui se fit en 681; une autre vie par Ursin, moine de Poitiers, dont le style est plus élégant, et qui fut composée d'après une relation de témoins oculaires. Ces deux pièces, où l'on trouve le récit de plusieurs miracles opérés lors de la translation des reliques du Saint, ont été publiées par du Chesne, Hist. Francorum_coetanei, t. IV, p. 600, 625; par Mabillon, Act. Ben. t. II, et par D. Bouquet, Hist. Fr. t. II, p. 611 et 627. Nous avons une troisième vie de saint Léger, par un moine de Morlach en Austrasie, lequel florissoit dans les huitième et neuvieme siècles. On n'y trouve guères que ce qui est dans les deux premières, à l'exception de l'histoire des miracles qui est continuée jusqu'au huitième siècle. On peut consulter aussi Bulteau, Hist. de saint Ben. t. 1, l. 3, c. 32, et les Bollandistes, p. 355 - 491.

(d) Dagobert II s'étant emparé de l'Austrasie vers l'an 676, ruina entièrement le parti du prétendu Clovis, qu'Ebroïn avoit mis sur les rangs pour lui disputer la couronne. Deux ans après, Dagobert fut assassiné; par sa mort, Thierri devint maître de l'Austrasie et de toute la monarchie française. Ceux d'Austrasie craignant la tyrannie d'Ebroïn, firent Pepin et Martin ducs de leurs pays, et furent quelque temps sans roi, quoique Thierri en prît le titre. ( Mémoire de l'Acad. des Inscript. t. VI.) Ebroïn fut assassiné lui-même en 688. Les quatre maires du palais de Neustrie et de Bourgogne, qui vinrent après lui, ne vécurent pas long-temps. Thierri III attaqua le duc Pepin de Héristal ou de Herstal, grand-père de Pepin le Bref, roi de France; mais il fut défait et réduit à la nécessité d'établir Pepin maire du palais pour toute la France en 690, peu de temps avant sa mort. Ce prince fut enterré à l'abbaye de Saint-Vaast d'Arras, qu'il avoit dotée avec une libéralité vraiment royale.

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