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S. DENYS L'ARÉOPAGITE, ÉVÊQue d'Athènes, MARTYR.

Voyez les Actes des Apôtres, c. 17; Tillemont, t. 11; Čave, t. I; Sirmond, et de Launoy, de duobus Dionysiis,

L'APÔTRE des Gentils, qui se croyoit également redevable aux savans et aux ignorans, vint prêcher la foi à Athènes vers l'an 51 de Jésus-Christ. Cette ville étoit depuis plusieurs siècles le siége de la philosophie, de l'éloquence et de la belle littérature. Il y avoit été décidé par une ancienne loi, que toutes les matières qui appartenoient à la religion seroient jugées par le tribunal des aréopagites, et cette loi s'étoit toujours fidèlement observée. Quoique les Athéniens eussent passé sous la domination romaine dans le temps dont nous parlons, ils conservoient encore plusieurs de leurs anciens priviléges, qu'on leur laissoit à cause de leur amour pour les sciences, et de l'ancienne dignité de leur république, et s'ils n'avoient plus leur liberté, ils en retenoient au moins. le

nom.

Lorsque saint Paul eut annoncé l'évangile, on lui ordonna d'aller rendre compte de sa doctrine à l'aréopage (a). L'apôtre ne balança point de

pa

(a) L'aréopage étoit ainsi appelé de deux mots grecs, qui signifient colline de Mars. Ce tribunal étoit aussi ancien que la ville d'Athènes; mais Solon lui avoit donné une nouvelle forme et plus de dignité. Les aréopagites n'étoient primitivement qu'au nombre de sept; ils furent quelquefois jusqu'à deux ou trois cents. On n'admit parmi eux, pendant quelque temps, que ceux qui avoient été archontes. On donnoit ce nom aux magistrats annuels qui gouvernoient souverainement la république, et par le nom desquels on comptoit les années à Athènes, comme on les comptoit à Rome par celui des consuls. 11 falloit pour être reçu dans l'aréopage, avoir des mœurs irréprochables. L'assemblée de ce tribunal se tenoit toujours la nuit, et la sévérité de ses jugemens les rendoit

roitre devant cette assemblée, dont Platon redoutoit tellement l'examen, qu'il dissimula ses sentimens sur l'unité de Dieu et sur plusieurs autres vérités importantes, quoiqu'il en fût intimement convaincu, sur-tout depuis ses voyages en Egypte (1). Saint Paul expliqua avec une généreuse liberté les maximes du christianisme concernant la pénitence, la pureté des mœurs, l'unité de Dieu, sa toute-puissance, ses jugemens et la résurrection des morts. Il parla avec une force et une onction qui étonnèrent les juges, et dont ils n'avoient point vu d'exemples dans leurs philosophes et leurs orateurs. Le dogme de la résurrection des morts leur parut incroyable. Platon et quelques-uns de leurs plus célèbres philosophes avoient à la vérité débité des maximes fort sublimes sur l'immortalité de l'ame, ainsi que sur les récompenses et les châtimens d'une vie à venir : mais une doctrine qui enseignoit que cette chair, qui est réduite en poussière, qui disparoît entiè rement, et sur laquelle les sens n'ont plus de prise, sera un jour ressuscitée par la puissance de Dieu, et redeviendra ce qu'elle étoit au moment de notre mort, leur paroissoit un rêve, et contredisoit les idées reçues parmi eux. Quelques-uns cependant furent touchés singulièrement de la sainteté et de la sublimité de la nouvelle doctrine : ils ne furent pas moins frappés des preuves que le prédicateur donnoit de la di

très-redoutables. L'idée que l'on avoit des aréopagites leur attiroit une vénération universelle, et leurs décisions étoient regardées comme des oracles. Voyez Rollin. Hist. anc. t. IV, p. 420; Potter, Antiq. de la Grèce; les PP. Catrou et Rouillé, Hist. Rom., t. XIV, p. 61, Joan. Henrici Mai, Dissert. de Gestis Pauli in urbe Atheniensi, edit. an. 1727. et Meursii Areopagus, ap Gronovium Ant. Græcar. t. V, à pag. 207 ad pag. 213.

(1) Saint Justin, Cohortat. ad Græcos.

vinité de sa mission, ils lui dirent qu'ils l'entendroient un autre jour sur le même sujet. Ceux qui cherchoient sincèrement la vérité, et qui n'avoient point endurci leurs cœurs contre l'impression de la grâce, s'adressèrent à lui pour qu'il achevât de les instruire, et crurent véritablement en Jésus-Christ. De ce nombre furent une femme nommée Damaris, et le Saint dont nous donnons la vie, lequel étoit un des principaux membres de l'aréopage (b).

(6) Le reproche que les païens faisoient ordinairement au christianisme dans les trois premiers siècles de l'église, étoit de n'être professé que par des personnes de néant. (Voyez Celse, ap. Orig. 1. 3, n. 4; Cécilius, ap. Minut. Felic. Lucien, Dial. de Morte Peregrini, n. 12, etc.) Les apologistes des Chrétiens répondoient qu'à la vérité ils comptoient bien des pauvres parmi eux, mais ils ajoutoient en même temps que plusieurs d'entre eux étoient distingués par leur savoir, leur naissance et leurs dignités. (Voyez Origène, l. 3, adv. Celsum, n. 49, ed Ben.; Tertullien, Apol. c. 37, ad Scap., e. 4, etc.) Joseph d'Arimathie, Nicodème, Gamaliel, l'eunuque de la reine Candace, saint Barnabé, jouissoient d'une haute considération parmi les juifs, à cause de leur naissance et de leurs richesses. On pourroit également citer des personnes de marque parmi les Gentils qui embrassèrent la foi tels sont le roi Abgar, le proconsul Sergius Paulus, sainte Thècle, ceux de la maison de Néron que salue saint Paul, Flavius Clémens, Flavie Domitille, Glabrion, qui avoit été collègue de Trajan dans les dignités de l'empire, saint Nazaire, martyrisé sous Néron, le sénateur Apollonias, sainte Félicité et ses sept fils, etc.

:

Saint Paul, à la vérité, nous apprend, 2 Cor. c. I, v. 16, que quand on commença à prêcher l'évangile, il y eut peu de personnes riches et puissantes qui crurent en Jésus-Christ mais Lactance en assigne la raison. « Il y a eu, dit-il, moins » de riches que de pauvres qui ont cru à la parole de Dieu, » parce que les premiers ont plus d'obstacles à surmonter » pour se convertir; ils sont esclaves de la cupidité et des autres passions; leur ame est toute plongée dans les sens » et ils peuvent à peine lever les yeux au ciel. » Inst. l. 7, p. 517. D'ailleurs les païens qui traitoient les Chrétiens de pauvres, ne savoient pas que plusieurs ne l'étoient que par choix. Nec de ultimâ plebe consistimus, disoit Minutius Félix, in Octav. p. 311, si honores vestros et purpuras

C. 1,

recusam us.

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Nous apprenons de saint Denys de Corinthe (2), que saint Denys l'Aréopagite devint depuis évêque d'Athènes; et l'auteur des constitutions apostoliques (3) dit qu'il fut placé sur le siége de cette ville par saint Paul lui-même. Aristide, cité par Usuard, et les anciens martyrologistes, attestent la même chose. Aristide et saint Sophrone de Jérusalem donnent au saint évêque le titre de martyr. Il fut brûlé vif à Athènes, selon les ménologes des Grecs (c). Son nom est marqué au

Les premiers prédicateurs de l'évangile ne faisoient point usage de la littérature profane, et c'est ce qui prouve que l'établissement du christianisme ne peut être attribué à des moyens humains. (Voyez Jean Lami, de Erudit. Apost. ad an. 1738.) On vit cependant dans le second siècle plusieurs savans du premier ordre se déclarer les apologistes de la religion de Jésus-Christ: tels furent Quadrat, Aristide, saint Justin, martyr, Méliton, Athénagore, Pantène, etc, et dans le troisième, Clément d'Alexandrie, Tertullien, Origène, Héraclas, Minutius Félix, etc.

(2) Ap. Euseb. Hist. l. 3, c. 4, l. 4, c. 23.

(3) Const. Apost. l. 7, c. 46, et le Quien, Or. Chr. t. II, p. 169.

(c) Hilduin, abbé de Saint-Denis, qui écrivit ses Areopagitica en 814, prétendit prouver, par l'autorité de quelques Ouvrages apocryphes, que saint Denis, premier évêque de Paris, étoit le même que l'Areopagite. On trouve aussi quelques traces de cette erreur dans d'autres écrits. L'opinion dont il s'agit ici contredit les monumens historiques. Elle étoit inconnue avant le neuvième siècle, et le moine qui donna la vie de saint Denis de Paris en 570, n'a rien dit qui puisse y avoir rapport. Dans la plupart des anciens martyrologes, la fête des deux Saints est marquée à des jours différens et l'on y distingue aussi le lieu et les circonstances de leur martyre. Les bréviaires, les missels, les calendriers et les litanies de la plus haute antiquité, mettent l'apôtre de la France après les Saints qui souffrirent sous Marc-Aurèle, et nous apprenons de saint Grégoire de Tours, ainsi que de divers autres monumens historiques, que la persécution de cet empereur ne fit sentir qu'en 250 ses ravages dans les Gaules. L'auteur de la vie de saint Fuscien, Fulbert de Chartres et Lethaldus, distinguent aussi saint Denis de Paris, de l'Areopagite. L'opinion dont Hilduin est l'auteur a été solidement réfutée par le père Sirmond et par de Launoy; Diss. de duobus Dionysiis; par Morin, l. de Ordinat. part. a,

3 Octobre dans les anciens calendriers. La cathédrale de Soissons se glorifie de posséder son chef,

c. 2; par Dubois, Hist. Eccl. Paris, l. 1, c. 3; par D. Denis de Sainte-Marthe, Gal. Christ. nova, t. VII, p. 6; par Tillemont, t. IV, etc. Elle est supposée fausse dans les nouveaux bréviaires de Paris, de Sens, etc. En un mot, elle est rejetée par les plus habiles critiques de France, d'Italie et des autres pays.

Les ouvrages qui portent le nom de saint Denys l'Aréopagite, au moins depuis le sixième siècle, sont les livres de la Hierarchie céleste et de la Hiérarchie ecclésiastique; les traités des Noms divins et de la Théologie mystique; dix lettres, dont les quatre premières sont adressées au moine Caïus, la cinquième à Dorothée, la sixième à Sosipater la septième à l'évêque Polycarpe, la huitième au moine Démophile, la neuvième à l'évêque Tite, et la dixième à saint Jean. D. Claude David, religieux de la congrégation de SaintMaur, qui écrivoit en 1702; D. Bernard de Sept-Fonds, déguisé sous le nom d'Adrien, qui écrivoit en 1708; le P. Honoré de Sainte-Marie, religieux Carme, qui écrivoit en 1720, etc. ont entrepris de prouver dans des dissertations expressément composées sur ce sujet, que saint Denys l'Aréopagite étoit le véritable auteur des ouvrages qu'on lui attribue; mais les savans conviennent unanimement aujourd'hui qu'ils sont apocryphes, et qu'ils ont été compilés dans le cinquième siècle. On y remarque un style enflé, pompeux et chargé de figures; la diction en est recherchée, et les périodes en sont artistement compassées; il y a aussi beaucoup d'affectation dans l'ordre et la suite des raisonnemens. La doctrine que renferment ces ouvrages est orthdoxe, et ils peuvent être fort utiles, quoiqu'on reproche à l'auteur d'être en quelques endroits trop subtil et trop abstrait.

Le premier écrit authentique où il en soit fait mention est la conférence qui se tint entre les Catholiques et les Sévériens, en 532, dans le palais de l'empereur Justinien. Ces hérétiques, qui étoient une secte d'Eutychiens, le citėrent dans la dispute. Saint Maxime et plusieurs écrivains des siècles suivans en ont souvent fait usage.

L'auteur des lettres se trahit lui-même, en voulant se faire passer pour saint Denys l'Areopagite. Il dit dans la septième, qu'il observa à Héliopolis l'éclipse miraculeuse qui arriva à la mort de Jésus-Christ.

On lit dans la huitième que le moine Démophile traita durement et chassa du sanctuaire un prêtre avec un laïque pénitent qui s'y confessoit à lui. L'auteur de la lettre reprend sévèrement le moine, 1.o parce que le prêtre étoit son supérieur; 2. parce qu'il ne devoit point montrer une telle inbumanité envers un pécheur pénitent. Il raconte à cette

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