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table bénite qui leur servoit d'Autel. Les barbares, qui les observoient, craignirent qu'ils n'engageassent leur prince à renoncer au culte de ses idoles, et ils formèrent le dessein de leur ôter la vie. Ils tuèrent sur-le-champ Ewald le blanc; mais ils firent souffrir à son frère des tourmens longs et cruels, après quoi ils le mirent en pièces. Le prince du territoire, informé de ce qui venoit de se passer, entra dans une grande colère, condamna les coupables à mort, et fit mettre le feu à leur village. Les corps des martyrs qu'on avoit jetés dans le Rhin, furent miraculeusement découverts, et Tilmon, ou plutôt Tilman, fut averti, par une vision, de les retirer. C'étoit un homme d'une haute naissance, qui, après avoir servi dans les armées d'Angleterre, avoit embrassé l'état monastique, et étoit en Allemagne comme missionnaire. S'étant réuni à d'autres ouvriers évangéliques qui annonçoient, ainsi que lui, l'évangile à quelque distance de là, il enterra les corps des Saints au lieu de leur martyre. Pepin, duc des Français, les fit depuis transporter honorablement à Cologne, et on les y garde encore aujourd'hui dans l'église de Saint-Cunibert.

On met le martyre de nos deux Saints entre les deux années 690 et 700; mais l'opinion la plus probable est qu'ils souffrirent en 695. On les honora d'un culte public immédiatement après leur mort, comme on le voit par le martyrologe de Bède, qui paroît avoir été compilé l'année suivante. En 1074, saint Annon, évêque de Cologne, fit transférer leurs reliques dans l'église dont nous avons parlé. Il donna leurs chefs à Frédéric, évêque de Munster; mais ils ont disparu depuis les ravages sacriléges des Anabaptistes en 1534. Les deux saints Ewald sont honorés

dans toute la Westphalie, comme patrons du pays. Ils sont nommés dans le martyrologe romain, sous le 3 Octobre, qui paroît avoir été le jour de leur mort, ou celui de quelque translation de leurs reliques.

Voyez Bède, Hist. l. 5, c. 11 et martyrol.; le poëme d'Alcuin sur les Saints du diocèse d'Yorck, publié par Gale, v. 1045; Massini, Vite de Santi, t. 11, p. 232, 3 Oct. etc.

S. GÉRARD, Abbé de Brogne, dans le Comté DE NAMUR.

SAINT GERARD, né dans le Comté de Namur, étoit proche parent d'Haganon, duc de la BasseAustrasie. Ses parens le mirent de bonne heure dans le service, et il obtint un emploi considérable de Bérenger, comte de Namur, dont la cour étoit une des plus brillantes de la chrétienté. Une douceur charmante de caractère, et un amour décidé pour la vertu, lui gagnèrent, dès son enfance, l'estime et l'affection de tous ceux qui le connoissoient. L'éclat de sa vertu étoit encore rehaussé par sa politesse, son affabilité et son inclination à faire du bien. Il proportionnoit l'abondance de ses aumônes à l'étendue de ses revenus, et ne connoissoit point ces besoins imaginaires qui empêchent la charité d'agir. Dieu récompensa sa fidélité par les grâces, les plus pré

cieuses.

L'amour de Gérard pour la prière étoit extraordinaire. Un jour qu'il revenoit de la chasse avec son souverain, il se sépara des autres seigneurs, alla se renfermer dans la chapelle de Brogne qui appartenoit à sa famille, et y resta long-temps prosterné devant Dieu. Il trouva tant de douceur dans ce saint exercice, qu'il ne le quitta qu'avec

un extrêwe regret. « Heureux, se disoit-il à lui> même, ceux qui n'ont d'autre emploi que celui › de louer le Seigneur nuit et jour, de vivre tou>> jours en sa divine présence, et de lui consacrer » leurs cœurs sans interruption! » Pour suppléer à ce qu'il ne pouvoit faire lui-même, il fit bâtir une église à Brogne en 918, et y mit des chanoines pour la desservir.

Le comte de Namur, qui avoit en lui une entière confiance, le chargeoit des emplois qui demandoient le plus de capacité, et l'envoya à la cour de France pour y traiter une affaire de grande importance. Gérard étant à Paris, y laissa sa suite pour aller visiter l'abbaye de Saint-Denis. Il fut singulièrement édifié de la ferveur des moines de cette maison, et il les pria de le recevoir parmi eux mais il ne pouvoit exécuter la résolution qu'il avoit prise de renoncer au monde, sans le consentement de son souverain; il retourna donc à Namur pour le demander, et il l'obtint avec de grandes difficultés. Devenu maître de sa liberté, il alla voir Etienne, évêque de Tongres, son oncle, pour recevoir sa bénédiction, et le consulter sur le salut de son ame; il régla ensuite ses affaires temporelles, et reprit avec joie la route de Saint-Denis, désirant avec ardeur le moment où il pourroit consommer le sacrifice qu'il méditoit.

Pendant son noviciat, il se fit un devoir de la pratique de la mortification et du renoncement, afin de mourir entièrement à lui-même, et de détruire l'amour-propre, ce principe de tant de désordres, qui s'insinue dans les actions les plus saintes, et qui arrête les progrès de la charité. Après sa profession, il travailla à perfectionner de jour en jour les vertus qu'il avoit déjà acqui

ses, et sur-tout celles de son nouvel état. Il recommença ses études par les premiers élémens, et ses frères ne se lassoient point d'admirer sa patience et son assiduité. Cinq ans après, on l'obligea de recevoir les saints ordres, et il fallut que ses supérieurs usassent de leur autorité pour le déterminer à se laisser ordonner prêtre.

Dix ans après sa retraite à Saint-Denis, c'està-dire, en 931, son abbé l'envoya fonder une abbaye dans sa terre de Brogne, à trois lieues de Namur; mais à peine eut-il achevé cet établissement; qu'il s'enferma dans une petite cellule bâtie auprès de l'église, pour y vivre en reclus. Son but étoit de se délivrer des visites fréquentes qu'il étoit obligé de recevoir, et de se livrer à la prière avec moins de distraction. On l'arracha depuis de sa solitude, en le chargeant de mettre la réforme dans la maison des chanoines réguliers de Saint-Guislin, qui étoit environ à trois lieues de Mons. Il les soumit à la règle de saint Benoît, dont il étoit le zélé défenseur, et dont il faisoit le plus bel ornement. On lui donna ensuite une inspection générale sur toutes les abbayes de Flandre, à la prière du comte Arnold I, surnommé le Grand, qu'il avoit miraculeusement guéri de la pierre en 937, et qu'il fit entrer dans la voie de la pénitence, où il marcha jusqu'à sa mort (a). Il rétablit une exacte discipline dans un

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(a) Arnold I gouverna la Flandre avec gloire depuis l'an 918 jusqu'à l'an 964. On lit dans la vie de saint Gérard que le chirurgien, pour l'encourager à souffrir l'opération dé la taille, la fit auparavant à dix-huit personnes attaquées de la même maladie, et cela si heureusement, qu'il n'en mourut qu'une seule; ce qui prouve que la chirurgie étoit pratiquée avec succès dans le dixième siècle mais le comte ayant jeùné trois jours avec le Saint, et reçu ensuite les divins mystères, rendit naturellement sa pierre, et se trouva parfaitement guéri.

grand nombre de monastères, nommément dans ceux de Saint-Pierre de Gand, de Saint-Bavon, de Saint-Martin de Tournai, de Marchiennes, de Hanon, de Rhonai, de Saint-Vaast d'Arras, de Turhoult, de Wormhoult de Berg, de Saint-Riquier, etc., et tous l'honorent comme leur abbé et leur second patriarche. Les monastères de Champagne, de Lorraine et de Picardie le prièrent aussi d'être leur réformateur. Ceux de SaintRemi, de Mouson et de Thin-le-Moutier reconnoissent encore aujourd'hui lui avoir été redevables de l'exacte discipline qui les rendit si célèbres.

Malgré toutes les fatigues qu'entraînoient tant d'affaires importantes, le Saint ne diminuoit rien de ses austérités, et il trouvoit le moyen de rendre sa prière continuelle. Vingt-deux ans se passèrent de la sorte; Gérard fit ensuite un voyage à Rome pour obtenir du pape la confirmation des différentes réformes qu'il avoit établies (b). A son retour d'Italie, il entreprit une visite générale de tous ses monastères; et lorsqu'il l'eut achevée, il se renferma dans sa cellule pour se préparer à la mort. Dieu l'appela à lui le 3 Octobre 959. Il est nommé en ce jour dans le martyrologe romain et dans plusieurs autres. Ses reliques se gardent encore dans l'église de Brogne, qui porte son nom. Quant à l'abbaye, elle ne subsiste plus; elle a été unie à l'évêché qui fut érigé à Namur par le pape Paul IV.

Voyez la vie du Saint, écrite avec une grande exactitude ap. Mabil. Act. Ben. t. VII; Gramaye, Hist. et Antiq. Comitatus Namurcensis, p. 72, et le P. de Bye, un des continuateurs de Bollandus, t. 11, Oct: p. 220

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320.

(6) Son exemple eut plusieurs imitateurs. En 1079, deux seigneurs, l'un nommé Sicher, et l'autre Walther ou Gauthier, fondèrent l'abbaye d'Anchin près de Douai, daus l'endroit ou un saint ermite appelé Gordan avoit servi Dieu avec beaucoup d'édification.

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