Images de page
PDF
ePub

confiance, que la volonté de Dieu est toujours juste et sainte, et qu'il y a dans le ciel un être tout-puissant qui protège et récompense la vertu? Mais quelle impression la foi fait-elle sur nous ? Paroit-elle dans nos cœurs, dans nos actions, dans notre conduite? Inutilement nous flatterionsnous d'affronter les dangers, nous devons encore triompher de nos passions, ou nous ne possédons point le vrai courage.

S. AGAPET, PAPE.

AGAPET, né à Rome, fut reçu dans le clergé de cette ville, et s'attacha à l'église de Saint-Jean et de Saint-Pierre; il devint depuis archidiacre. Son éminente sainteté lui attira l'amour et la vénération de tous ceux qui le connoissoient. Il succéda au pape Jean II, mort le 26 Avril 555, et fut sacré le 4 Mai suivant. Sa douceur guérit les plaies faites à l'église par le malheureux schisme de Dioscore, qui s'étoit élevé contre Boniface II en 529, L'empereur Justinien ayant appris son élection, lui envoya sa profession de foi, qui fut reconnue pour orthodoxe; et sur la demande qu'en fit ce prince, Agapet condamna les Acémètes, moines de Constantinople, qui étoient infectés de l'hérésie des Nestoriens.

Hildéric, roi des Vandales en Afrique, ayant été déposé par Gilimer, Justinien avoit profité de cette occasion pour rompre l'alliance faite avec Gensérie par l'empereur Zénon. Cette rupture arriva la septième année de son règne, et la 533. de Jésus-Christ, Bélisaire fut le général sur lequel il jeta les yeux pour l'exécution de ses projets; il le fit donc passer en Afrique avec une flotte de cinq cents voiles. Bélisaire, qui avoit

e

toutes les qualités qui font les grands guerriers se fut bientôt emparé de tout le pays; il prit Carthage presque sans aucune résistance. Justinien envoya aux églises de Jérusalem les vases de l'ancien temple des Juifs que Tite avoit déposés à Rome, et que Genséric avoit depuis transportés à Carthage. Il partagea l'Afrique en sept provinces (a). Chacune avoit son primat, avec cette différence qu'en Numidie la dignité primatiale n'étoit attachée à aucun siége particulier; le plus ancien évêque de la province en jouissoit. L'empereur et les prélats de l'église d'Afrique écrivirent au pape pour le prier de permettre qu'on laissât en possession de leurs siéges les évéques ariens qui renonçoient à l'hérésie; mais Agapet leur répondit qu'ils devoient suivre les canons, et qu'en conséquence il falloit se contenter de recevoir les évêques ariens à la communion, sans les admettre parmi le clergé, et sans leur laisser les dignités ecclésiastiques. L'empereur ayant bâti vers le même temps, auprès du lieu de sa naissance, une ville à laquelle il donna son nom, pria le pape d'y ériger un évêché, et d'établir l'évêque de ce nouveau siége, vicaire d'Illyrie.

Théodat régnoit alors sur les Goths en Italie. Ce prince ayant appris que Justinien se préparoit à lui déclarer la guerre, obligea le pape de se rendre à Constantinople, pour écarter le danger qui le menaçoit. Vers le même temps, Agapet

(u) La Zengitane, anciennement appelée l'Afrique proconsulaire; la province de Carthage, la Bizacène, la province de Tripoli, la Numidie, la Mauritanie et la Sardaigne. Les quatre premières provinces avoient pour gouverneurs des hommes proconsulaires ; mais les trois autres n'avoient que des présidens. Tous ces magistrats étoient subordonnés au préfet du prétoire qui résidoit à Garthage.

reçut des lettres de la part des abbés catholiques de cette ville, qui l'avertissoient des désordres qui troubloient leur église. Anthime, évêque de Trébizonde, avoit succédé au patriarche Epiphane, mort en 535, et cette translation s'étoit faite par les intrigues de l'impératrice Théodore. Anthime affectoit de passer pour catholique; mais, dans le fait, il étoit aussi opposé que Théodore au concile de Calcédoine. Les Acéphales le voyant à Constantinople, reprirent courage. Sévère, faux patriarche d'Antioche, et quelques autres principaux chefs de leur secte, se retirèrent dans cette ville, et remplirent l'église de confusion. Agapet manda aux abbés catholiques qu'il arriveroit bientôt à Constantinople, et qu'il prendroit les moyens convenables pour arrêter les progrès de l'erreur. On lit dans saint Grégoire le Grand (1), qu'il guérit dans la Grèce un homme sourd et muet, en disant la messe pour lui.

Ce saint pape arriva à Constantinople le 2 Février 536, et l'empereur l'y reçut avec de grandes marques d'affection et de respect. Il fut d'abord question de l'affaire qui étoit l'objet principal du voyage d'Agapet; mais les choses étoient trop avancées pour qu'il pût obtenir ce qu'il demandoit. Il traita ensuite des matières de religion, dans l'espérance de rétablir la paix troublée par l'hérésie. Il déclara qu'il ne communiqueroit point avec Anthime, à moins qu'il ne souscrivît aux décisions du concile de Calcédoine, et que rien ne pourroit le faire consentir à sa translation au siége de Constantinople. L'impératrice travailla sans succès à le gagner sur ce point. Justinien (6)

(1) Dial,, l. 5, c. 3.

(b) Les grandes actions de Justinien firent revivre l'ancienne splendeur de l'empire romain; mais ce prince eut aussi des

ne réussit pas mieux, quoiqu'il eût employé les promesses et les menaces. Agapet resta inflexible,

vices qui ont fait détester son administration à plusieurs égards. Il régna depuis l'an 527 jusqu'à l'an 565. Il entreprit la réformation des lois qui, par leur confusion, leur multitude et leurs contradictions étoient devenues extrêmement nuisibles au peuple pour lequel elles avoient été faites. II donna le code , qui est un recueil d'un certain nombre de constitutions des empereurs précédens, et le publia en 529. Cet ouvrage reparut en 534 avec des améliorations. Les décisions des plus habiles jurisconsultes furent données sous le titre de digeste ou de pandectes en 533. L'empereur fit diviser ses institutes en quatre livres, pour servir d'introduction aux pandectes. Il donna encore un grand nombre de lois ecclésiastiques et civiles, sous le titre de novelles. Ces différens Ouvrages composent ce qu'on appelle le corps du droit romain. Les lois, les édits et les lettres qui portent le nom de Justinien, sont marqués au coin de la sagesse, et mettent ce prince au-dessus de tous les législateurs qui l'avoient précédé; mais en rendant à ce prince toute la justice qui lui est due on doit convenir qu'il étoit plus jaloux de publier de bonnes lois, que de donner de bons magistrats à ses sujets, et qu'il visoit moins à la gloire d'administrer la justice avec impar tialité, qu'à celle de passer dans la postérité pour un législateur célèbre. Il s'en falloit beaucoup que ses actions portassent l'empreinte de cette équité si fortement recommandée par ses propres lois. Voyez le père Daude, Jésuite, t. II, de son Hist. univ. romani imperii, imprimée à Wurtzbourg en 1754.

[ocr errors]

Le questeur Tribonien, païen de religion, dont l'empereur se servit pour la rédaction du droit romain, étoit à la vérité un des plus habiles jurisconsultes de son temps; mais il avoit l'ame vénale, et ne suivoit quelquefois que sa passion. Voyez Procope, l. de Bello Persico, c. 24, 25, et Suidas, Voyez Trebon.

Justinien embellit sa capitale, et d'autres villes de l'empire, d'églises magnifiques et d'édifices superbes, ce qui ajouta un nouveau lustre à son règne : mais il paroît que la vanité étoit le principal mobile de sa conduite. S'il délivra l'Afrique et l'Italie des mains des barbares, il dévora la substance de ses propres sujets; il employa les voies les plus iniques pour amasser des trésors destinés à satisfaire ses fantaisies et ses passions, ainsi que celles de l'impératrice Théodore et d'Antonine, femme de Bélisaire. Jamais prince ne se mêla plus des affaires de l'église, comme on le voit par cette multitude de lois insérées dans ses novelles, où il attribue le droit de régler presque tout ce qui concerne la discipline. Il eut la fureur de disputer sur les matières les plus abstraites de la

et Anthime retourna à Trébizonde, de peur d'être obligé de recevoir le concile de Calcédoine, Le saint pape le déclara excommunié, à moins qu'il ne prouvât sa catholicité en souscrivant ce concile. Cette fermeté anima contre lui la fureur des Eutychiens, et celle de l'impératrice; mais la

théologie, ce qui lui emportoit un temps qu'il eut bien mieux fait de donner au gouvernement de l'état. Comme il avoit peu de savoir, au rapport de Suidas, il choisissoit mal ses théologiens, et par là il contribua beaucoup à fomenter et à augmenter la division des églises d'Orient. Enfin il tomba dans l'hérésie des Incorrupticoles, et il la proposa dans un édit où il déclaroit que le corps de Jésus-Christ, dans son état de mortalité, n'étoit susceptible d'aucune altération, ou d'aucune passion naturelle, telles que la faim, la soif, la douleur; en sorte que le Sauveur, comme homme, mangeoit sans aucune nécessité de manger. Voyez Procope, de Bello Gothico, l. 3, c. 33 et 35, et Anecd., c. 18.

Procope, cité plusieurs fois dans cette note, étoit de Césarée en Palestine, et suivit Bélisaire, en qualité de secrétaire dans les expéditions de ce général en Afrique et en Italie. I composa deux livres de la guerre de Perse, deux de la guerre des Vandales, quatre de la guerre des Goths, et six édifices de Justinien. Il fait, dans ces différentes histoires, une peinture brillante des belles actions de l'empereur. Nous avons encore de lui un ouvrage intitulé, Anecdotes ou histoire secrète, qui va jusqu'à l'an 562, et dans lequel il raconte les crimes énormes auxquels se livroient en particulier Justinien, Théodore, Bélisaire et Antonine. La cour impériale y est représentée sous les couleurs les plus hideuses. On a eu raison d'omettre dans les imprimés le détail des impudicités de Théodore, lequel se trouve dans un missel de la bibliothèque du Vatican. Ceci prouve que Procope ne suivoit point la vérité pour guide. Il a imité Velleius-Paterculus qui, après avoir comblé Séjan d'éloges, l'auroit réprésenté comme un monstre digne d'exécration, s'il eût écrit après la chute de ce ministre. Son dernier ouvrage paroît lui avoir été dicté par l'ambition ou la haine, et il y a toute apparence qu'il n'est qu'un tissu de calomnies. Procope se donne pour chrétien; mais il ne l'étoit probablement que par intérêt : il marque en effet dans plusieurs endroits de son histoire secrète, de l'aversion pour la foi, et de l'attachement pour les superstitions du paganisme.) Voyez Eichelius, Præf. in Procop. anecd., n. 17 ad 22.) Au reste, nous n'avons pas besoin de cet ouvrage pour bien connoître le caractère de Justinien.

« PrécédentContinuer »