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ports de sa ferveur : « Faites, mon Dieu, que la » douce violence de votre amour me détache de >> toutes les choses sensibles, et me consume » entièrement, afin que je puisse mourir pour » votre amour infini. Je vous le demande par » vous-même, ô fils de Dieu, qui êtes mort pour » l'amour de moi! Mon Dieu et mon tout, qui » êtes-vous, et qui suis-je, sinon un ver de terre? »Je désire vous aimer, Seigneur adorable. Je >> vous ai consacré mon ame et mon corps avec » tout ce que je suis. Je me porterai avec ar» deur à faire tout ce qui contribuera le plus à » vous glorifier. Oui, mon Dieu, c'est là l'unique » objet de tous mes désirs. » Il exprimoit quel» quefois dans des cantiques ses pieux sentimens, ce qui est arrivé à d'autres Saints. « Je connois, » dit sainte Thérèse (4), une personne qui, sans » être poète, a composé quelquefois sur-le-champ » des stances d'une vraie poésie, dans lesquelles » elle peignoit avec beaucoup de vivacité les pei>>nes que lui faisoient souffrir les transports de » l'amour divin, et en même temps les douceurs » ineffables qu'elle goûtoit dans ces peines. » François, dans la sainte ivresse de son amour, ne pouvoit retenir les affections brûlantes de son cœur, et plus d'une fois il les rendit dans des termes pleins d'énergie. Tels sont les deux cantiques qu'il composa, et que nous avons encore (f). Il y exprime avec une force et une sublimité surprenantes, la tendresse et la véhémence de l'amour divin dans son cœur, ne connoissant

(4) Voyez sa vie par elle-même, c. 6.

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(f) Wadding les a publiés en italien, avec une traduction latine, dans l'édition qu'il a donnée des œuvres du Saint sous ce titre : B. P. Francisci Assisiatis opuscula; notis et commentariis asceticis illustrata, etc., Antuerpiæ, 1623, in-4.° Voyez p. 402 et seq.

Tome IX.

d'autre consolation que celle d'expirer d'amour, afin d'être uni pour toujours au grand et unique objet de son amour.

Le zèle dont il étoit dévoré pour le salut des ames n'étoit pas moins ardent. Il avoit coutumé de dire à ce sujet, que l'exemple avoit beaucoup plus de force que les paroles; que l'on doit gémir sur le sort de ces prédicateurs qui se prêchentplutôt eux-mêmes qu'ils ne prêchent Jésus-Christ, qui cherchent plutôt les applaudissemens des hommes que le salut des ames, et sur-tout sur le sort de ceux qui détruisent par leurs actions ce qu'ils édifient par leur doctrine. Il prioit et pleuroit continuellement pour la conversion des pécheurs; il recommandoit à ses religieux d'entrer dans les mêmes sentimens. Plusieurs pécheurs, disoit-il, sont convertis et sauvés par les prières et les larmes des justes; un simple laïque qui n'est point destiné au ministère de la prédication, ne doit point négliger ce moyen de fléchir la miséricorde divine en faveur des infidèles, ou de ceux qui vivent dans le désordre. Telles étoient sa compassion et sa charité pour les pécheurs, que non content de ce qu'il faisoit et souffroit pour eux en Italie, il résolut d'aller prêcher l'évangile aux Mahométans et aux autres peuples, qui étoient plongés dans les ténèbres de l'infidélité, dût-il lui en coûter le sacrifice de sa vie.

Dans la vue de suivre ce que lui inspiroit son zèle, il s'embarqua pour la Syrie; mais une violente tempête le jeta sur la côte de Dalmatie. Se voyant dans l'impossibilité d'aller plus loin, il fut forcé de revenir en Italie. En 1214, il partit pour Maroc, dans le dessein d'aller annoncer l'évangile au Miramolin et à ses sujets, qui professoient le mahométisme (g). Quoiqu'il fût extrêmement (g) Les prémiers rois mahométans d'Afrique portoient le

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foible, son zèle le faisoit marcher à grands pas et il dévançoit toujours ceux qui l'accompa gnoient: mais Dieu le retint en Espagne par une maladie, ce qui, joint à divers autres accidens et aux affaires de son ordre, l'empêcha de passer en Afrique. Il opéra plusieurs miracles en Espagne, et y fonda quelques maisons pour ses disciples; après quoi, il revint en Italie par le Lan guedoc. Nous rapporterons plus bas de quelle manière il passa en Syrie et en Egypte.

Cependant son zèle ne restoit point oisif; il travailloit sans cesse à faire glorifier Dieu parmi tous les Chrétiens, et sur-tout parmi ses frères. Il parcouroit les villes et les villages pour instruire et porter à l'amour de la vertu. « Com» mençons à servir Dieu, disoit-il souvent à ses >> frères; nous avons fait jusqu'ici bien peu de » progrès.» Effectivement, il n'y a point d'homme qui arrive à la perfection dans cette vie, et le plus parfait est celui qui tend chaque jour avec de nouveaux efforts à la perfection. Lorsque le Saint parloit de la pénitence, il répétoit souvent avec une ferveur et une onction admirables, les paroles suivantes: Mon amour est crucifié, voulant faire entendre par-là que Jésus-Christ ayant été crucifié, nous devons crucifier notre chair.

Le nouvel ordre, cependant, acquéroit chaque jour plus de célébrité. Ceux qui le composoient étoient connus sous le nom de Frères mineurs, et c'étoit leur saint fondateur qui le leur avoit donné par humilité, afin qu'ils se rappelassent sans cesse qu'ils devoient se regarder comme les derniers des hommes. Plusieurs villes voulurent avoir dans leur enceinte de ces hommes animés

nom de Miramolins. Il signifie chef des croyans ou roi de plusieurs nations. Voyez Chalippe, p. 82, édit. in.4,°

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de l'esprit de François de là, les couvens de Cortone, d'Arezzo, de Vergorète, de Pise, de Bologne, de Florence, etc. En moins de trois ans, le Saint comptoit déjà soixante maisons où l'on suivoit son institut.

Il donna l'habit à sainte Claire, en 1212, et il la dirigea dans l'institution des vierges, dites du second ordre de saint François. Ces vierges s'étant rassemblées dans le monastère de Saint-Damien, à Assise, il en prit la conduite; mais il ne voulut jamais permettre à ses religieux, tant qu'il vécut, de diriger aucun monastère de filles. Le cardinal Hugolin, cependant, qui étoit le protecteur de l'ordre, se montra moins difficile sur ce point. François ne portoit la sévérité si loin, que pour conserver plus sûrement la pureté du cœur dans ses frères. Un de ceux-ci ayant été chargé par le cardinal protecteur de visiter un monastère de filles, le Saint lui fit prendre des précautions qui annonçoient combien il craignoit la moindre souillure. Le même esprit animoit un saint prêtre de ses disciples qu'il avoit envoyé en Espagne.

Celui-ci étoit à la tête de plusieurs frères qui l'avoient accompagné dans ce royaume. Ils étoient tous tellement respectés pour leurs vertus, que la princesse Sancia, sœur d'Alphonse II, alors roi de Portugal, leur donna son palais d'Alenquer pour qu'ils y fondassent un couvent de leur ordre. Une dame d'honneur de cette princesse pria le saint prêtre de venir lui parler à l'église, voulant s'entretenir avec lui de l'état de sa conscience. Ce qu'elle demandoit lui ayant été refusé, elle fondit en larmes, et jeta des cris de désespoir. Le saint prêtre, informé de ce qui se passoit, vint la trouver, tenant d'une main une poignée de paille, et de l'autre un flambeau allumé. Lorsqu'il

fut en sa présence, il mit le feu à la paille, en lui disant : «Quoique nous ne devions nous entretenir » que de sujets de piété, si cependant un reli» gieux converse fréquemment avec les femmes >> il est à craindre que ce commerce ne produise » sur son cœur le même effet que le feu vient de >> produire sur cette paille; au moins perdra-t-il » par- -là le fruit que l'on retire en conversant » avec Dieu dans la prière. » Mais malgré la répugnance que François avoit de permettre à ses religieux de diriger les femmes, plusieurs maisons de Clarisses en obtinrent cependant; ce qui devint ensuite plus commun, sur-tout après la mort du Saint.

Dix ans après l'institution du nouvel ordre, c'est-à-dire, en 1219, François tint le fameux chapitre général dit des Nattes, parce que les religieux qui y assistèrent furent logés sous des cabanes formées avec des nattes dans la campagne, autour du couvent de la Portioncule. Nous apprenons de saint Bonaventure et de quatre compagnons du Saint, qu'il s'y trouva cinq mille religieux; il en étoit resté un certain nombre dans chaque couvent. Plusieurs de ceux qui composoient le chapitre ayant prié le saint fondateur de leur obtenir du pape la permission de prêcher partout, indépendamment de l'approbation des évêques diocésains, il leur dit avec émotion : « Quoi! mes frères, vous ne connoissez pas la » volonté de Dieu? Il veut que nous gagnions » d'abord les supérieurs par le respect et l'humi» lité; nous gagnerons ensuite les peuples à Dieu >> par nos discours et nos exemples. Quand les » évêques verront que vous vivez saintement, ils » vous prieront eux-mêmes de travailler au salut » des ames confiées à leurs soins. Que votre pri

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