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» vilége singulier soit de n'avoir aucun privilége » particulier qui puisse vous enfler d'orgueil, et >> faire naître des contestations. »

Il avoit envoyé quelques-uns de ses religieux en Allemagne, dans l'année 1216; mais ils y avoient eu peu de succès. Après le chapitre dont nous venons de parler, il en envoya dans la Grèce, en Afrique, en France, en Espagne et en Angleterre, et ils furent reçus par-tout comme de vrais serviteurs de Dieu; mais avant de se séparer d'eux, il leur donna diverses instructions sur la manière dont ils devoient se conduire. Il réserva pour lui la mission de Syrie et d'Egypte, dans l'espérance d'y trouver la couronne du martyre. Les affaires de son ordre l'obligèrent cependant de différer son départ.

Les ordres de saint François et de saint Dominique avoient été approuvés verbalement par le pape Innocent III, qui mourut en 1216, après avoir siégé dix-huit ans (h); mais Honorius III successeur d'Innocent, approuva celui de saint Dominique par deux bulles, en date du 22 Décembre de la même année. Ce pape ayant autorisé les missions du Saint, il s'embarqua à Ancône, avec onze de ses religieux, en 1219. La naviga

(h) Innocent III s'est rendu célèbre par de grandes actions, par des lettres savantes et par des traités de piété. Quelques auteurs lui attrbuent la prose, Veni, Sancte Spiritus. Ce fut par son autorité que s'assembla le quatrième concile de Latran en 1215. On y fit 70 canons de discipline qui sont très-fameux dans le droit. Il est ordonné par le vingt-unième de se confesser une fois l'an, et de communier à Pâques. Le vingt-deuxième enjoint aux médecins, sous peine d'être privés de l'entrée de l'église, d'avertir les malades de faire venir leur confesseur avant de leur prescrire des remèdes. Le trentième défend d'établir de nouveaux ordres religieux; défense qui n'ôtoit pas au pape la liberté d'en approuver quelques-uns de ceux-ci, lorsqu'il jugeroit avoir de fortes raisons pour le faire.

tion fut heureuse, et l'on vint mouiller à l'île de Chypre. On remit à la voile au bout de quelques jours, et on alla débarquer au port de Ptolémaïde ou d'Acre, dans la Palestine. Les Chrétiens qui formoient la sixième croisade, assiégeoient alors la ville de Damiète, en Egypte. Le soudan de Damas et de Syrie, soutenu d'une armée nom breuse que lui avoit amenée Méledin, soudan d'Egypte ou de Babylone (i), tenoit à son tour les Chrétiens assiégés dans leurs retranchemens. Ce fut sur ces entrefaites que François, accompagné du frère Illuminé, arriva au camp des croisés. Il fit tous ses efforts pour les dissuader d'en venir aux mains avec les infidèles, parce qu'il prévoyoit la défaite des premiers, ainsi que nous l'apprenons de trois de ses compagnons, et de plusieurs auteurs (5); mais on ne voulut point écouter ses conseils. Les Chrétiens s'en repentirent bientôt; étant sortis de leurs retranchemens pour combattre, ils furent repoussés avec perte de six mille hommes. Ils continuèrent cependant toujours le siége de la ville, et s'en rendirent enfin les maîtres.

Pendant que les deux armées étoient en présence, François, emporté par l'ardeur de son zèle, passa dans le camp des Sarrasins, sans craindre les dangers auxquels il s'exposoit. Les coureurs des infidèles l'ayant arrêté, il leur cria : « Je suis chrétien, menez-moi à votre maître. » Il fut effectivement mené devant le soudan, qui lui demanda ce qui l'avoit fait passer dans son

(i) On le nommoit soudan de Babylone, à cause de la ville de ce nom. Elle étoit vis-à-vis de Memphis, près du Nil, et c'est de ses ruines que s'est formé le grand Caire.

(3) Voyez S. Bonav. Vit. S. Fr. e. 9: Jacques de Vitri Hist. Occid. c. 37, et ep. ad Lothar. et Marin Sanut. Seeret. Vid. Cruc. l. 3, part. 1, c. 7, 8.

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camp. « Je suis envoyé, lui dit François avec intrépidité, non par les hommes, mais par le Dieu » très-haut, pour vous montrer à vous et à votro >> peuple la voie du salut, en vous annonçant les » vérités de l'évangile. » Cette fermeté étonna le soudan; il prit des sentimens plus humains, et invita François à rester auprès de lui; mais l'homme de Dieu lui fit cette réponse : « Si vous » voulez, vous et votre peuple, écouter la parole » de Dieu, je consens volontiers à rester avec >> vous; mais si vous balancez entre Jésus-Christ » et Mahomet, faites allumer un grand feu, dans » lequel j'entrerai avec vos prêtres, afin que vous » voyiez quelle est la vraie religion. » Le soudan répondit qu'il ne croyoit pas qu'il y eût aucun prêtre de sa loi qui voulût accepter ce défi, ni s'e s'exposer aux tourmens pour sa religion; qu'il craignoit d'ailleurs qu'il ne s'élevât quelque sédition. Il offrit au Saint plusieurs présens, qui furent tous refusés. Quelques jours après, il le fit conduire sous bonne escorte au camp des croisés devant Damiète, de peur que ses discours ne fissent impression sur les Mahométans, et ne les convertissent au christianisme. Il lui dit en le quitttant: « Priez pour moi, afin que Dieu me » fasse connoître la vraie religion, et me donne le courage de l'embrasser. » Depuis ce temps-là le soudan se montra plus favorable aux Chrétiens, et il s'est même trouvé des auteurs qui ont prétendu qu'il avoit reçu le baptême quelque temps

avant sa mort.

François revint en Italie par la Palestine il apprit à son retour que les cinq missionnaires qu'il avoit envoyés prêcher l'évangile aux Maures, avoient reçu la couronne du martyre dans le royaume de Maroc (6); mais la joie que lui causa

(6) Voyez ce que nous avons dit d'eux sous le 16 Janvier.

cette nouvelle fut troublée à la vue des abus qui s'étoient introduits dans son ordre. Ils avoient pour auteur Elie, que le Saint avoit établi vicaire général, et auquel il avoit remis son autorité en partant pour l'Orient. Ce religieux infidèle avoit oublié la sainteté de son état; de là plusieurs nouveautés et diverses mitigations auxquelles il ne s'étoit point opposé, et qu'il avoit même confirmées par son exemple. Le Saint le déposa, et le priva de son office. S'étant démis du généralat en 1220, il fit élire ministre général Pierre de Cortone, qui étoit un religieux distingué par sa régularité. Elie fut rétabli après la mort de celui-ci, qui arriva en 1221 (k); mais Pierre de Cortone et Elie son successeur, par respect pour le Saint, ne prirent, tant qu'il vécut, que le titre de vicaires généraux. D'ailleurs, son autorité avoit tant d'influence, que c'étoit toujours lui qui, à pro

(k) Elie de Cortone avoit de la science et de la capacité; mais il étoit ambitieux, et se conduisoit par les vues de la prudence du siècle. Il en avoit imposé à saint François par son hypocrisie, et il trouva le moyen d'être continué vicaire général jusqu'à sa mort. Il fut ensuite élu ministre général, et sollicita en cette qualité la canonisation du bienheureux François mais il fit bâtir, contre l'esprit de sa règle, une église magnifique à Assise, dans laquelle fut déposé le corps du saint fondateur. Il introduisit dans son ordre l'usage de l'argent, les distinctions, la pompe et le faste. La science et les avantages estimés dans le monde attirèrent toute son attention, et il ne marqua bientôt plus que du mépris pour les pratiques de l'humilité et de la pauvreté. Ces abus rendirent en peu de temps son ordre méconnoissable. Saint Antoine de Padoue et Adam de Marisco lui en firent inutilement des reproches. Les choses en vinrent à un point que le pape Grégoire IX crut devoir le déposer en 1230. Il fut réélu général six ans après; mais il ne changea point de conduite, et le même pape le déposa de nouveau, et l'excommunia. Il remplit son ordre de troubles avant et après cette déposition. Il rentra cependant en lui-même, et mourut dans de vifs sentimens de pénitence en 1253. On ne vit revivre parfaitement l'esprit de l'ordre, que quand saint Bonaventure en eut été élu général. Voyez Hélyot, t. VII; Chalippe, Fleury, etc.

prement parler, gouvernoit tout l'ordre. En 1223, le Saint obtint du pape Honorius III la confirmation de la célèbre indulgence accordée peu de temps auparavant à l'église de la Portioncule (1).

Nous avons observé que son ordre n'avoit été approuvé que verbalement par le pape Innocent III en 1210. Cinq ans après, il avoit reçu une

(4) Cette église, éloignée du tumulte, étoit le lieu où saint François alloit prier par préférence, et il en célébra la dédicace avec beaucoup de solennité. Un jour qu'il y prioit avec une grande ferveur, il eut une vision dans laquelle JésusChrist lui dit de s'adresser au pape, qui accorderoit une indulgence plénière à tous les vrais pénitens qui visiteroient cette église. Après cette vision, arrivée en 1221, il alla trouver le pape Honorius III, qui étoit alors à Pérouse, et qui accorda verbalement l'indulgence. En 1223, sur les instances réitérées de François, Honorius nomma sept évêques pour aller la publier à la Portioncule. Plusieurs certificats authentiques, tant de ces évèques que de quelques compagnons du Saint, attestent l'existence de cette indulgence, ainsi que la déclaration faite par le Saint, de la vision dont nous venons de parler. Il est rapporté de plus que François apprit, par révélation, que Jésus-Christ avoit ratifié lui-même la concession de l'indulgence. On peut voir sur ce sujet la dissertation_ que le P. Chalippe a jointe à la vie de saint François, et le P. Suyskens, Analecta de gloriâ postumâ S. Francisci, §. 11, p. 915.

L'indulgence, obtenue primitivement par le Saint, est attachée au 2 Août, et à la seule chapelle de la Portioncule qui est présentement au milieu de la grande église, à laquelle elle a donné son nom. En 1695, le pape Innocent XII accorda une indulgence plénière à tous ceux qui visiteroient un jour de l'année, avec les dispositions requises, l'église bâtie autour de cette chapelle. L'indulgence du jour de la dédicace de la chapelle de la Portioncule, qui est le 2 Août, a été étendue à toutes les églises et à toutes les chapelles de l'ordre par les papes Alexandre IV, Martin IV, Clément V, Paul III et Urbain VIII. Voyez Amort, Hist. Indulg. Grouwels, definitor recollectorum Germaniæ inferioris, Hist. critica Indulgentiæ Portionculæ, an. 1721; Marentinus, Dissert. de Indulgentia Portiuncula vindicanda, Venetiis, 1760; Benoît XIV, l. 13, de Syn. diœces. c. 18, et lib. de Canoniz. SS.; le P. Benoît Picart, Capucin, Apologie de l'histoire de l'indulgence de la Portioncule, Toul., 1714, in-12.

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