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toit en vain sur le nombre de ceux qui la composoient, et qu'ils périroient tous s'ils persistoient dans leur désobéissance. Tous, animés par leurs officiers, envoyèrent à Maximien la réponse que nous allons rapporter en substance. Nous som>> mes vos soldats, mais nous sommes aussi les » serviteurs du vrai Dieu. Nous vous devons le > service militaire et l'obéissance, mais nous ne > pouvons renier celui qui est notre créateur et >> notre maître, comme il est aussi le vôtre dans » le temps même que vous le rejetez. Vous nous » trouverez dociles à vos ordres dans toutes les >> choses qui ne sont point contraires à sa loi, et >> notre conduite passée doit vous en répondre. >> Nous sommes prêts à nous opposer à vos enne» mis en quelque lieu qu'ils soient; mais nous ne » pouvons tremper nos mains dans le sang inno>> cent. Nous avons fait serment à Dieu avant » de vous le faire; vous fieriez-vous au second » serment, si nous allions violer le premier? » Vous voulez que nous punissions les Chrétiens. > et nous le sommes tous. Nous confessons Dieu » le père, auteur de toutes choses, et Jésus-Christ » son fils. Nous avons vu massacrer nos compa» gnons sans les plaindre, et nous nous sommes » même réjouis du bonheur qu'ils avoient eu de » mourir pour leur religion. L'extrémité à laquelle » on nous réduit n'est point capable de nous inspirer des sentimens de révolte. Nous avons les >> armes à la main; mais nous ne savons ce que » c'est que de résister , parce que nous aimons >> mieux mourir innocens que de vivre coupables.>>

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La légion thébéenne étoit composée de plus de dix mille hommes bien armés, qui pouvoient du moins vendre leur vie bien cher; mais ils savoient qu'en rendant à Dieu ce qui est à Dieu, il faut

aussi rendre à César ce qui est à César, et ils montroient plus leur courage en mourant pour leur foi, qu'ils n'auroient fait dans les entreprises les plus périlleuses. Maximien, désespérant d'ébranler leur constance, les fit investir par son armée, qui les massacra. Loin de faire la moindre résistance, tous mirent bas les armes, et se laissèrent tranquillement ôter la vie. Ils s'exhortoient mutuellement à la mort, et il n'y en eut pas un seul qui se démentît. La terre étoit couverte de corps morts, et des ruisseaux de sang couloient de toutes parts. Pendant que l'armée pilloit ceux qu'on venoit de massacrer, arriva un soldat vétéran, nommé Victor, qui n'étoit pas du même corps. Frappé d'indignation, il se retira sans vouloir prendre part à la joie publique. Les soldats étonnés lui demandèrent s'il étoit aussi chrétien. Sur la réponse qu'il leur fit qu'il l'étoit, et qu'il espéroit l'être toujours, ils se jetèrent sur lui, et le massacrèrent. Ursus et Victor, qui étoient de la légion thébéenne, mais qui s'étoient écartés du corps, furent martyrisés à Solodora ou Soleure, et l'on y garde encore leurs reliques. Octave, Adventitius et Solutor souffrirent à Turin vers le même temps. Ils ont été célébrés dans les sermons de saint Maxime, et dans les poëmes d'Ennode de Pavie, Fortunat appelle ces saints martyrs l'heureuse légion. Leur fête est marquée en ce jour dans les martyrologes de saint Jérôme, de Bède, etc. Saint Eucher dit, en parlant de leurs reliques, qui étoient de son temps à Agaune: « On vient de différentes provinces » honorer les précieux restes de ces Saints, et » leur offrir des présens d'or, d'argent, etc. Je > leur offre avec humilité ce monument de » ma plume; je les prie de m'obtenir par leur

>> intercession le pardon de mes péchés, et de » me continuer le secours de leur protection (1). D Entre autres miracles opérés par la vertu de leurs reliques, qu'il rapporte, il fait mention d'une femme qui avoit été guérie d'une paralysie, et qu'il dit porter son propre miracle avec elle. (2)

Les corps de saint Maurice et de ses compagnons furent découverts à Agaune plusieurs années après leur martyre, par Théodore, évêque d'Octorum. C'est ce qu'on dit à la fin des actes de ces Saints, par saint Eucher, et dans d'autres auteurs. Ce Théodore est le Saint de ce nom qui assista avec saint Ambroise au concile d'Aquilée en 381, et qui se déclara contre Pallade, infecté de l'hérésie d'Arius. Il y a eu un autre Théodore, évêque d'Octodurum. Il étoit contemporain d'Ambroise, qui fut abbé d'Agaune en 516, et qui aida au roi Sigismond à bâtir ce monastère. Il peut aussi avoir découvert une partie des reliques des saints martyrs. Les légendes des anciens bréviaires de Sion, de Genève et de Lausane ont confondu les deux Théodore dont nous parlons, et quelques autres évêques (c). Lorsque le roi Sigismond fit réparer le monastère d'Agaune, en 515, les corps de saint Maurice, de saint Exupère, de saint Candide et de saint Victor furent déposés dans l'église d'Agaune, bâtie par les libéralités de ce prince (d). Il est probable que les fidèles (1) P. 275. (2) P. 278.

(c) Briguet, chanoine de Sion, a fait les mêmes fautes dans sa Valesia sacra, imprimée en 1744.

(d) Voyez les actes du concile qui se tint alors à Agaune, les anciennes vies des saints abbés Romain, Lupicin et Eugende; les actes des saints Hymnemode, Ambroise et Achide, qui furent les trois premiers abbés d'Agaune. Les Pères Chifflet et Hardouin montrent que les vies des premiers abbés du Mont-Jura et d'Agaune furent écrites par Pragmatius, frère de saint Achide, premier abbé d'Agaune.

avoient enterré à part les principaux officiers de la légion. Saint Evolde, évêque de Vienne, qui mourut en 715, fit élever une église sous l'invocation des saints martyrs, et y mit une portion considérable de leurs reliques, comme nous l'apprenons de la chronique et du martyrologe d'Adon, qui étoit de la même ville. Il paroit que saint Théodore établit une communauté de prêtres pour desservir l'église d'Agaune, lorsqu'on fit la première découverte des saintes reliques. On lit dans les actes de la fondation du monastère par le roi Sigismond, que les laïques vivoient mêlés avec les prêtres, et que l'abbaye fut bâtie pour parer à cet inconvénient (e). Le monastère d'Agaune (aujourd'hui de Saint-Maurice) est encore très-riche en reliques des saints martyrs malgré les distributions qui en ont été faites. Il y a dans la cathédrale de Sion une magnifique chapelle dédiée en l'honneur de saint Maurice, qui est le principal patron de tout le Valais.

On trouva en 1489, au village de Schoz, qui est environ à deux lieues de Lucerne, deux cents corps des compagnons de saint Maurice. On y avoit fondé long-temps auparavant une chapelle connue par ses priviléges et par de grandes indulgences (3). Le P. Chardon, Jésuite, a donné l'histoire des miracles qui s'y étoient opérés par l'intercession de saint Maurice et de ses compagnons.

Ces Saints sont honorés dans un grand nombre

(e) Les Bollandistes ont donné une bonne édition de la charte de fondation dont il s'agit, d'après une copie exacte de cette pièce que leur avoit procurée D. de l'Isle, abbé de Saint-Léopold à Nancy, lequel avoit vécu quelque temps à Agaune. Voyez Gloria Postuma SS. Mauritii et Soc. §. 2, p. 252, t. Vl. Sept.

(3) V. Murer, Helvet. Sac. p. 30.

d'églises de France, d'Allemagne, d'Italie, d'Espagne et de Portugal. Saint Maurice est depuis plusieurs siècles le principal patron de la maison royale de Savoie.

Amédée, duc de Savoie, ayant quitté la souveraineté, alla mener la vie érémitique à Ripaille lieu situé sur le bord du lac de Genève, et environné de bois et de rochers. Il fut suivi par six gentilshommes, tous veufs, et âgés chacun de plus de soixante ans. Il les enrôla soldats de saint Maurice, et s'appela leur doyen. Tous portoient des croix d'or sur la poitrine. Leur habit étoit simple, et à peu près semblable à celui des pélerins ou des ermites. Amédée leur donna des règles, et fonda deux maisons, l'une pour eux, et l'autre pour des chanoines réguliers qui étoient gouvernés par un abbé, et chargés de faire l'office divin (4). Telle fut l'origine de l'ordre militaire de Saint-Maurice, dont le roi de Sardaigne est grandmaître. Les chevaliers ne peuvent se marier qu'une fois sans dispense. L'ordre, dans l'état où il est présentement, fut institué par Emmanuel Philibert, duc de Savoie, et le pape Grégoire XIII l'approuva et le confirma en 1572.

Agaune, nommé aussi Saint-Maurice, passa des rois de Bourgogne à la maison de Savoie dans le onzième siècle; mais cette ville fut enlevée à Charles, père d'Emmanuel Philibert, par François I, roi de France, conjointement avec les Suisses et les Genevois. La république du Valais, alliée de celle de Genève et des Cantons suisses,

(4) V. Augustinus - Patricius, Hist. Concil. Basil. ap. Labbe, Conc. t. XIII, col. 1488. Joan. Gobelinus, seu Pontius Eneas Sylvius post Pius II ( qui sub Amanuensis sui nomine latere voluit) Comment. vitæ suæ. Petrus Monodus S. J. in Arædæo pacifico (quem librum latinè edidit initio seculi XVII), p. 53.

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