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La faveur étonnante que reçut saint François, fut sans doute la récompense de son ardent amour pour la croix de Jésus-Christ. Depuis sa conversion, la divine charité avoit toujours tellement enflammé son cœur, que les souffrances du Sauveur avoient été l'objet continuel de ses pensées; et toutes les fois qu'il les méditoit, il ne lui étoit plus possible de retenir ses soupirs et ses larmes. Pour devenir plus conforme à son divin modèle, il faisoit de son corps une victime de pénitence, et trois fois il chercha l'occasion de donner sa vie pour Jésus-Christ. Cet objet adorable étoit toute sa science, toute sa gloire, toute sa joie et toute sa consolation en ce monde. Ses frères le voyant souffrir de grandes douleurs dans une maladie Saint lorsqu'il vivoit encore. Saint Bonaventure et plusieurs autres religieux entendirent cette déclaration authentique. Alexandre assura la même chose dans une bulle de l'année 1255, laquelle est adressée à toute l'église. Constit. 4.

Saint Bonaventure, qui écrivit la vie du Saint en 1261, et qui a long-temps vécu avec ses plus intimes disciples, rapporte que du vivant même de saint François, plusieurs de ses frères et divers cardinaux virent les clous imprimés sur ses pieds et ses mains, et que quelques-uns trouvèrent le moyen de voir et de toucher la plaie de son côté.

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Après la mort du Saint, cinquante frères, sainte Claire et toutes ses sœurs et une multitude innombrable de laïques virent et baisèrent les mêmes plaies ; quelques-uns même les touchèrent, pour s'assurer davantage de la réalité du fait.

Saint Bonaventure rapporte encore que la vérité de cet événement fut confirmée par plusieurs miracles et par une apparition de saint François au pape Grégoire IX.

En 1304, le pape Benoît X1 se proposant d'exciter dans les cœurs un plus ardent amour pour Jésus-Christ crucifié, institua une fête, avec un office propre, en l'honneur des stigmates de saint François. Cette fête fut étendue à toute l'église par Sixte IV en 1475, par Sixte V et par Paul V en 1615, et on la fixa au 17 Septembre.

L'ancienne église de saint François qui est sur le MontAlverne, ainsi que la nouvelle, à laquelle est joint un couvent considérable, sont célèbres par la dévotion des fidèles » et ont obtenu de grands priviléges de plusieurs papes et de différens empereurs. Voyez Chalippe.

violente dont il étoit attaqué, lui demandèrent s'il vouloit qu'on lui fît quelque lecture. « Rien, » leur répondit-il, ne me cause plus de joie que » de penser à la vie et à la passion de Notre-Sei». gneur; j'y emploie continuellement mon esprit, » et quand je vivrois jusqu'à la fin du monde, je » n'aurois besoin d'aucun autre livre. » Ce fut à l'école de Jésus crucifié qu'il apprit à aimer singulièrement la pauvreté. Ayant un jour rencontré un pauvre qui étoit presqu'entièrement nu, il dit à son compagnon en soupirant: «Voilà un pauvre » dont l'état est un reproche pour nous nous » avons choisi la pauvreté pour notre partage;

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mais cet homme est plus pauvre que nous. » Il appeloit la pauvreté, sa dame, sa reine, sa mère, son épouse, et il la demandoit instamment à Dieu comme son partage et son privilége. « O Jésus, » disoit-il, vous qui vous êtes plu à vivre dans » une extrême pauvreté, faites-moi la grâce de » m'accorder le privilége de la pauvreté ! Mon plus ardent désir est d'être enrichi de ce trésor; » je vous le demande pour moi et pour les miens, > afin que, pour la gloire de votre saint nom, » nous ne possédions jamais rien sous le ciel, que >> nous recevions notre subsistance même de la » charité des autres, et qu'en cela même nous » soyons très-modérés et très-sobres. » Il étendoit la règle de la pauvreté à tout, sans en excepier ce qui est intérieur et spirituel. It craignoit que ses frères ne regardassent leur science comme une chose qui leur appartient en propriété; disposition qui nourrit l'amour-propre, qui produit la complaisance en soi-même, ainsi que des attaches secrètes, et qui est contraire à cet esprit de désappropriation qui ouvre le cœur à la grâce. A la vérité, il exhortoit à l'étude ceux de ses reli

gieux qui étoient nés pour les sciences; mais c'étoit à condition qu'ils donneroient à la prière la plus grande partie de leur temps, et qu'ils s'appliqueroient moins à se perfectionner dans l'art de parler aux autres, que dans la pratique des vertus. Il détestoit les études, qui sont plus propres à nourrir l'orgueil que la piété, et qui, après avoir desséché le cœur, éteignent la dévotion et la charité. Il disoit des humiliations, des injures et des souffrances, qu'elles étoient un vrai gain, qu'elles faisoient la joie d'un religieux, et sur-tout d'un frère mineur, qui devoit être tel, non pas simplement de nom, mais dans la réalité.

Saint François descendit du Mont-Alverne, plus enflammé que jamais du feu de la divine charité; et les deux années qu'il vécut encore furent en quelque sorte un martyre d'amour; mais il les passa dans les infirmités et les douleurs. Dans cet état, on l'entendoit souvent répéter que les coups' les plus sensibles de la Providence étoient les plus tendres effets de la miséricorde divine à notre égard. Sa maladie devenant dangereuse, en 1225, le cardinal Hugolin, et Elie, vicaire général de l'ordre, le prièrent de se mettre entre les mains des plus habiles chirurgiens et médecins de Riéti. Il se rendit avec beaucoup de simplicité à ce qu'on exigeoit de lui. Quelque vives que fussent ses douleurs, il n'interrompoit point sa prière; il ne vouloit point non plus arrêter le cours de ses larmes, quoique les médecins le jugeassent nécessaire pour la conservation de ses yeux; aussi lui arriva-t-il de perdre la vue quelque temps avant de mourir. Comme on l'exhortoit de demander à Dieu l'adoucissement de ses peines, il se levoit, malgré son extrême foiblesse, puis se

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prosternant à terre, il faisoit la prière suivante : «Je vous rends grâces, Seigneur, des douleurs » que je souffre; puissé-je souffrir mile fois da>> vantage, si c'est votre volonté ! Je me réjouirai » de vous voir affliger ce misérable corps sans l'épargner car quelle plus douce consolation » puis-je avoir, que l'avantage de savoir que votre » sainte volonté s'accomplit? » Il demandoit instamment qu'on le traitât après sa mort comme le dernier des hommes, et il vouloit qu'on l'enterrât à l'endroit où l'on portoit les cadavres des malfaiteurs, ou bien sur une montagne qui étoit · hors des murs d'Assise, et que l'on appeloit Colle d'Inferno (r).

Quelque temps avant sa mort, il dicta son testament, dans lequel il recommandoit à ses frères d'honorer toujours les pasteurs et les prêtres, d'observer fidèlement leur règle, et de travailler des mains, non pour le gain, mais pour le bon exemple, et pour éviter l'oisiveté. « Si nous ne » recevons rien pour notre travail, leur disoit-il, » ayons recours à la table du Seigneur, et deman» dons l'aumône de porte en porte. » Le pape Nicolas III déclara depuis que ce précepte du travail des mains ne regardoit point ceux qui étoient dans les ordres sacrés, ou qui s'occupoient de la prédication et des autres fonctions du ministère. La chose d'ailleurs est claire par elle-même, comme on pourroit le prouver par la règle et l'exemple du Saint, ainsi que parl'apologie qu'écrivit saint Bonaventure. Saint François ayant achevé son testament, fit chanter un cantique qu'il avoit composé pour rendre grâces à Dieu, au

(r) On bâtit un grand monastère de Franciscains en cet endroit, et quatre ans après la mort du Saint, on y transporta son corps. Le nom de Colle d'inferno a été changé en celui de Colle del Paradiso, par l'ordre du pape Grégoire IX.

nom de toutes les créatures; après quoi il voulut qu'on' le couchât sur la terre, où son corps fut couvert d'un habit pauvre qu'on lui avoit donné. Dans cet état, il exhorta ses frères à l'amour de Dieu, à la pratique de la pauvreté et de la pénitence; il donna ensuite sa bénédiction à tous ses disciples, tant à ceux qui étoient absens qu'à ceux qui étoient présens. « Adieu, mes enfans, >> leur dit-il, restez toujours dans la crainte du » Seigneur. Le temps de l'épreuve et de la tribu»lation approche; heureux ceux qui persévére>> ront dans le bien qu'ils ont commencé ! Pour » moi, je vais à Dieu avec un grand empressement, » et je vous recommande tous à sa grâce. » Lorsqu'il eut entendu l'histoire de la passion qu'il s'étoit fait lire dans l'évangile selon saint Jean, il se mit à réciter le psaume cent quarante-unième :: J'ai élevé ma voix vers le Seigneur. Ayant fini le dernier verset, délivrez mon ame de sa prison, afin que je puisse bénir votre saint nom; les justes sont dans l'attente de la récompense que vous me donnerez, il expira tranquillement le 4 Octobre 1226, la quarante-cinquième année de son âge, la vingtième de sa conversion, la dix-huitième de l'institution de son ordre.

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Le lendemain de sa mort, qui étoit un dimanche, son corps fut porté solennellement de la Portioncule à Assise. Le convoi s'arrêta à l'église de Saint-Damien, où Claire étoit avec ses filles, et on leur accorda la consolation de voir et de baiser les stigmates, Claire s'efforça de tirer le clou d'une de ses mains: elle croyoit pouvoir le faire, parce que la tête s'élevoit dans la paume de la main au-dessus du reste de la chair; mais il ne lui fut pas possible de réussir; elle trempa seulement un linge dans le sang qui en sortit. Le conTome IX.

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