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en prit possession. Par un des articles du traité de paix, qui fut alors signé, le duc de Savoie consentit à céder la souveraineté de SaintMaurice et de quelques autres places, à condition qu'on transporteroit à Turin les reliques des martyrs de la légion thébéenne. L'évêque de Sion, protecteur et gouverneur de la république, envoya dire aux habitans de Saint-Maurice de se conformer à l'article du traité qui avoit été ratifié par le serment des puissances intéressées. L'évêque d'Aoste, accompagné d'une suite nombreuse, se présenta au nom du duc de Savoie, et demanda les reliques des saints martyrs. La consternation se répandit dans toute la ville. Les habitans offrirent en échange des troupes et de l'argent, et tâchèrent de mettre le ciel dans leurs intérêts, en indiquant un jeûne général et des prières publiques; ils jurèrent même au pied de l'autel de sacrifier leurs vies, plutôt que de se laisser enlever le précieux trésor qu'ils possédoient. L'évêque d'Aoste les menaça inutilement des sévères châtimens. Enfin il se réduisit à leur demander la moitié des saintes reliques, ce qui lui fut accordé. Ayant reçu les sacrés ossemens des martyrs, il les porta solennellement à Turin. Les évêques de Verceil et d'Yvrée, suivis de leur clergé, des gouverneurs des villes, et d'un grand nombre de soldats et de musiciens qui chantoient les louanges du Seigneur, assistèrent aussi à la cérémonie. Quand on fut à un mille de Turin, tous les ordres de la ville vinrent au-devant des saintes reliques, qu'on déposa dans la cathédrale. La duchesse de Savoie, avec ses enfans, prit part à la fête, qui dura trois jours. On renferma les reliques dans deux magnifiques châsses d'argent, le 16 Janvier 1581. Le duc Charles

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Emmanuel, dans un édit du 23 Août 1603, où il rapportoit toutes les faveurs qu'il avoit obtenues par l'intercession de saint Maurice, ordonna de célébrer sa fête le 22 Septembre, et défendit, sous les peines les plus sévères, de travailler ce jour-là. Vincent, duc de Mantoue, fit la même chose, en reconnoissance de ce que, par l'intercession du Saint, il n'étoit pas mort de six balles de mousquet dont il avoit été blessé en combattant contre les Turcs en Hongrie (f).

Nous apprenons de l'exemple des martyrs à nous former une juste idée du courage. Le devoir et la vertu en sont le fondement. Celui qu'il anime entreprend de grandes choses, et supporte les plus rudes épreuves, uniquement par le motif du devoir. Lorsqu'il s'agit de conserver son innocence, il n'y a point de sacrifice qui lui coûte, et il envisage les plus affreux tourmens avec intrépidité. Cette disposition de l'ame, qui inspire des sentimens si héroïques, et qui ne se dément dans aucune circonstance, ne peut avoir sa source que dans la religion chrétienne d'elle dérivent plusieurs vertus, sur-tout la patience, la douceur et l'humilité. Un héros chrétien aime ses ennemis, fait du bien à ceux qui le persécutent, supporte les affronts avec joie, et est prêt à céder sa tunique à celui qui veut lui enlever

son manteau.

:

(f) Le P. Bernardin Rossignoli, savant Jésuite, qui s'est déguisé sous le nom de Guillaume Baldesano, chanoine de Turin, donna, sur la fin du seizième siècle, une histoire de saint Maurice en italien, qu'il fit réimprimer au commencement du siècle suivant, avec des augmentations. Ily rapporte en détail les translations dont nous venons de parler, ainsi que plusieurs miracles opérés par l'intercession de saint Maurice. C'est d'après son ouvrage que les Bollandistes ont principalement travaillé.

S. EMMERAN,

ÉVÊQUE EN FRANCE, MARTYR ET PATRON DE RATISBONNE.

SAINT EMMERAN, issu d'une illustre famille du Poitou, renonça, dès sa jeunesse, à tous les avantages qu'il pouvoit espérer dans le monde, pour se consacrer au ministère des autels. Son savoir et sa sainteté le firent élever à l'épiscopat dans le septième siècle (a). Il prêcha l'évangile, avec un zèle infatigable, dans tous les lieux de son diocèse, instruisant en public et en particulier; il alloit chercher jusque dans leurs maisons les pécheurs endurcis; et par une éloquence aussi touchante que persuasive, il les retiroit de leurs désordres, et en faisoit de véritables pénitens. Sa charité pour les pauvres étoit aussi sans

bornes.

Après avoir travaillé de la sorte pendant plusieurs années, il résolut d'aller instruire un grand nombre d'infidèles et d'idolâtres qui étoient dans la Bavière. Il n'y avoit qu'environ trente ans que les Bavarois avoient embrassé le christianisme :

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(a) Les auteurs de sa vie, qui ont écrit long-temps après sa mort, le font évêque de Poitiers, en quoi ils ont été suivis par Baillet et par les auteurs du Gallia Christ. Vetus. ; mais son nom ne se trouve point dans le catalogue des évêques de cette ville, et il ne pourroit y trouver place dans le temps où il a vécu. Le Cointe, ad an. 649; Pagi, crit. Annal. Baron. ad an. 653; le P. Longueval, Hist. de l'église gallicane infèrent de là qu'il ne fut point évêque de Poitiers, et_soutiennent que le siége qu'il occupa n'est point connu. Suyskens est du même sentiment. Selon Wandelbert, saint Emmeran fut évêque dans la Bretagne. En supposant qu'il n'ait été que Corévêque de Poitiers, on conçoit comment il n'est point nommé parmi les évêques de ce siége. Plusieurs corévêques recevoient la consécration épiscopale, et gouver noient une partie d'un diocèse, sous l'ordinaire. Voyez Bingham, etc.

mais plusieurs d'entre eux étoient encore livrés aux superstitions de l'idolâtrie; d'autres étoient infectés d'erreurs capitales contre la foi. Le duc Théodon I, qui commandoit dans le pays sous l'autorité du roi Sigebert III, retint long-temps le saint missionnaire à Ratisbonne, et fit tous ses efforts pour l'y fixer; mais Emmeran refusa toutes les offres du duc, en disant qu'il ne devoit prêcher que Jésus crucifié. On a cru qu'il avoit été évêque de Ratisbonne, ou du moins associé au gouvernement de ce diocèse. Ses travaux apostoliques furent suivis de conversions innombrables. Trois ans s'étant écoulés de la sorte, il partit pour Rome dans le dessein de vénérer les reliques des apôtres et des martyrs, et de consulter le souverain pontife sur certaines difficultés.

Mais une femme corrompue avoit juré sa perte. Une troupe de scélérats qu'elle avoit subornés allèrent l'attendre près d'Aschaim, à l'entrée du diocèse de Frisingen, et le massacrèrent de la manière la plus barbare; ils lui coupèrent les membres les uns après les autres, et laissèrent son tronc nageant dans le sang. Son martyre arriva le 22 Septembre 652 (b). Lambert, fils du duc Théodon, qui avoit été le principal auteur du crime, fut banni et n'eut jamais la principauté du pays. Le corps du Saint fut enterré à Aschaim, qui est un peu au-dessous de Munich sur l'Iser. Le duc Théodon le fit depuis porter solennellement à Ratisbonne, et déposer dans l'église de

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(b) On lit dans le discours sur le martyre de saint Emmeran, publié par Martène, que le saint missionnaire avoit entendu la confession de deux personnes coupables d'adultère et qu'il aima mieux s'exposer aux ressentimens du prince, que de manquer à un secret qu'il ne peut jamais être permis de violer.

Saint-George, aujourd'hui de Saint-Emmeran. On fonda dans la même ville, avant la fin du septième siècle, un célèbre monastère qui porte aussi le nom du Saint, et dont quelques auteurs attribuent la fondation au duc Théodon lui-même.

Voyez la vie de saint Emmeran par Aribon, surnommé Cirinus, évêque de Frisingen, qui mourut en 782; Raderus Bavar. Sanct. t. I, p. 42; le Cointe, ad an. 652; un discours sur le martyre du Saint, publié par D. Martène, Vet. Script. ampliss. collect. t. IV, part. 2, col. 24; Mabillon, Annal. Ben. t. II, ad an. 730, n. 50; Krauss, abbé de SaintEmmeran, Ratisbona monastica; Suyskens, t. VI, Sept. p. 454.

S.te SALABERGE, ABBESSE a Laon.

SAINTE SALABERGE sortoit d'une illustre famille établie dans le territoire de Toul. Etant devenue aveugle dans son enfance, elle recouvra miraculeusement la vue par les prières et la bénédiction de saint Eustase, abbé de Luxeul. On croit que ce prodige s'opéra à Gondrecourt sur Meuse, petite ville ainsi appelée de Gondoin son père. On la maria à un jeune seigneur, qui la laissa veuve peu de temps après. Elle ne pensoit plus qu'à vivre pour Dieu; mais ses parens l'obligèrent à se remarier. Elle épousa Blandin, qui a mérité par ses vertus d'être mis au nombre des Saints, et qui est honoré le 7 Mai. Elle eut cinq enfans qu'elle prit soin d'élever dans la crainte du Seigneur. Dégoûtée enfin du monde, elle prit le voile du consentement de son mari, et fonda un monastère qu'on croit être celui de SaintPierre de Poulangey, au diocèse de Langres. Elle y apprit à un grand nombre de vierges à marcher dans les voies étroites de la perfection. Vers l'an 650, elle fit bâtir à Laon le monastère de saint Jean-Baptiste, où elle se retira avec la

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