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1101, qui étoit un dimanche. Les Chartreux della Torre annoncèrent sa mort dans une lettre encyclique adressée aux églises et aux monastères du voisinage. On en usoit ainsi pour recommander l'ame des personnes décédées aux prières de fidèles et des moines (15). Nous avons un grand nombre de réponses à cette lettre, lesquelles contiennent le plus magnifique éloge de la vertu, de la sagesse et du savoir de saint Bruno (16). Lanuin, disciple du Saint dans la Calabre, lui succéda dans le gouvernement du monastère della Torre, et fut singulièrement estimé du pape Paschal II. On l'a confondu mal à propos avec Landuin de Luques (h), que saint Bruno laissa prieur de la grande chartreuse. Celui-ci eut pour successeur, Pierre, né à Béthune dans la Flandre, lequel avoit été disciple de notre Saint à Saisse-Fontaine, avec Lambert qui fut prieur della Torre, après la mort de Lanuin.

Saint Bruno fut enterré dans le cimetière de l'église de Notre-Dame della Torre. Quelques auteurs étoient persuadés que ses reliques avoient été depuis transférées à Saint-Etienne; mais on découvrit son corps entier à la Torre, en 1515. Léon X avoit permis, l'année d'auparavant, que l'on récitât un office propre en son honneur; ce qui fut regardé comme une vraie béatification, son éminente sainteté et les miracles qui l'attestèrent, ayant fait juger que les formalités usitées en pareil cas n'étoient pas nécessaires. En 1623, Grégoire XV donna un nouveau degré d'authenticité à son culte, en étendant à toute l'église

(15). V. Epist. Encycl. de morte Brunonis.

(16) Voyez l'Appendice à la vie de saint Bruno, imprimée en 1516, in-folio.

(h) Fleury est tombé dans cette faute. Voyez Longueval, et l'Hist. litt, de la Fr. p. 241.

l'office dont nous venons de parler. On conserve quelque portion de ses reliques à la grande chartreuse, ainsi que dans celles de Cologne et de Fribourg (i).

Saint Bruno avoit pour devise ces paroles du Psalmiste (17): Mes yeux devançoient les veilles et les sentinelles de la nuit ; j'étois plein de trouble, et je ne pouvois parler... J'avois les années éternelles dans l'esprit. Je me suis éloigné par la fuite, et j'ai demeuré dans la solitude (18). Cette méditation constante de l'éternité interrompoit son repos dans la nuit, et éloignoit le sommeil de ses yeux. Elle excitoit de plus en plus sa ferveur, et donnoit toujours un nouveau degré de vivacité à sa componction. Tantôt il réfléchissoit sur les motifs propres à nourrir la divine charité, tantôt il s'occupoit de la pensée du bonheur du ciel, et il y trouvoit une douceur ineffable qui lui donnoit un avant-goût de cette félicité. D'autres fois il méditoit les supplices destinés aux pécheurs impénitens, et de ces supplices, la privation de Dieu lui paroissoit à juste titre le plus affreux. Vivement frappé de cette effrayante vérité, il fait parler un damné de la manière suivante : « Que l'on ajoute de nouveaux » tourmens à ceux que j'endure, qu'on me fasse » déchirer pendant toute l'éternité million

par un

(i) Les œuvres de saint Bruno furent imprimées à Paris en 1509 , in.4. Josse Badius, surnommé Ascensius, les fit réimprimer dans la même ville en 1523. Cette édition est plus complète que la première, et on trouve à la tête la vie du Saint par Dupuy. On en a donné deux autres à Cologne, l'une en 1613, et l'autre en 1640, 3 tomes in-fol. qui peuvent se relier en un volume. La plus grande partie des sermons qui s'y trouvent sont de saint Brunon de Ségni, et ils ont été imprimés parmi les œuvres de ce dernier. Les autres paroissent être véritablement du saint fondateur des Chartreux. (18) Ps. LIV, 8.

(17) Ps. LXXVI, 6.

.

› de nouveaux bourreaux, pourvu que je ne sois » pas entièrement privé de mon Dieu. Les flammes » les plus dévorantes me sembleront des roses » la rage des démons d'agréables embrassemens, » les cris horribles de ces cachots, une harmonie » charmante, ces épouvantables prisons des palais » délicieux, si je puis être délivré de ce que me » fait souffrir la perte de Dieu (19).

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S.te FOI, ET SES COMPAGNONS, MARTYRS. SAINTE FOI, d'une famille très-illustre, naquit à Agen, la principale ville de la seconde Aquitaine, après Bordeaux. Elle eut le bonheur de connoitre Jésus-Christ dès son enfance, et de le servir avec fidélité. Elle s'accoutuma à partager tous ses momens entre la prière et les bonnes œuvres. Quoique d'une rare beauté, elle fut insensible aux charmes du monde. L'empire avoit alors pour maîtres Dioclétien et Maximien. Dacien étoit gouverneur des Gaules. Ce cruel ennemi des Chrétiens alluma contre eux le flambeau de la persécution. Lorsqu'il fut arrivé dans la ville d'Agen, il ordonna que l'on fit paroître sainte Foi devant lui. La jeune épouse de Jésus-Christ suivit courageusement ceux qui la conduisoient, après avoir formé le signe de la croix sur les différentes parties de son corps. Elle fit aussi cette prière «Seigneur Jésus, qui assistez toujours >> vos serviteurs, secourez-moi, fortifiez-moi, et daignez m'accorder la grâce de répondre d'une » manière digne de vous. »

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Dacien la voyant en sa présence, prit un ton plein de douceur, et lui dit : « Quel est votre nom? Foi. Je me nomme Foi, et je tâche (19) S. Bruno, Op. p. 511.

› d'être dans la réalité ce que signifie ce nom. » DACIEN. Quelle est votre religion? For. Dès » mon enfance, je sers le Seigneur Jésus-Christ, Den lui consacrant toute mon ame? DACIEN. » Croyez-moi, ma fille, ayez égard à votre jeu» nesse et à votre beauté. Abandonnez la religion » que vous professez, et sacrifiez à Diane, qui » est une divinité convenable à votre sexe, et qui » vous comblera des plus précieuses faveurs. » For. Les dieux des nations sont des démons; > comment pouvez-vous me conseiller de leur >> offrir des sacrifices? DACIEN irrité : Et vous »osez appeler nos dieux des démons? Il faut >> vous déterminer ou à leur offrir des sacrifices, » ou à périr dans les tourmens » La Sainte se rappelant le courage des martyrs, et la couronne glorieuse promise à ceux qui persévèrent jusqu'à la fin, ne fut point effrayée de ces menaces; elle se sentit même enflammée d'un nouveau désir de donner sa vie pour Jésus-Christ. « Non- seule»ment, s'écria -t-elle; je suis prête à souffrir » toutes sortes de tourmens pour mon Dieu, » mais je brûle de mourir pour lui. » Dacien, plus irrité que jamais, fit apporter un lit d'airain, sur lequel on lia le corps de la Sainte avec des chaînes de fer; ensuite on alluma dessous un grand feu, dont on augmentoit encore l'ardeur en y jetant de l'huile et d'autres matières grasses. Les spectateurs furent saisis de compassion et d'horreur. « Comment, disoient quelques-uns » d'entre eux, peut-on traiter de la sorte une » jeune vierge qui est innocente, et dont le seul » crime est d'adorer Dieu ? » Dacien en fit arrêter plusieurs; et comme ils refusèrent de sacrifier dans le temple où ils avoient été conduits, ils furent décapités avec sainte Foi.

Voyez les actes sincères de la Sainte, qui sont fort courts. Surius et Labbe ont donné d'autres actes qui sont plus longs, mais dans lesquels il se trouve diverses interpolations, comme des histoires de miracles qui ne sont point appuyés sur de sûrs garans. On doit consulter sur-tout les commentaires du P. Ghesquière, un des continuateurs de Bollandus, 6 Oct. t. III, p. 263 (a).

Saint Dulcidius, évêque d'Agen, qu'on donne pour successeur à saint Phébabe, qui mourut à la fin du quatrième siècle (1), transféra les reliques de sainte Foi dans la nouvelle église qu'il avoit fait bâtir dans l'enceinte de la ville. Quant à celles de saint Caprais et des compagnons de son martyre, il les transféra dans une autre église qui étoit aussi dans l'enceinte d'Agen. L'histoire de cette translation, qui paroît être d'un témoin oculaire, se trouve dans les actes de sainte Foi, que Surius et Labbe ont publiés. On vénère encore le lieu où la crainte des persécuteurs avoit

(a) Quelques martyrologes mettent saint Caprais au nombre des compagnons de sainte Foi ; mais ce Saint ne souffrit que le 20 Octobre, suivant les meilleurs Mss. du martyrologe dit de saint Jérôme, et suivant Adon, Usuard, Wandelbert, et le martyrologe romain moderne.

Les actes de la Sainte, publiés par Surius, lui donnent aussi pour compagnons saint Prime et saint Félicien : mais ces actes sincères ne font aucune mention ni de ces deux martyrs, ni de saint Caprais. On honore le 9 Juin un saint Prime et un saint Félicien qui souffrirent à Rome, et dont les reliques furent découvertes en 648 sur la voie Nomentane, comme le rapporte Anastase dans la vie du pape Théodore. On met à Agen deux autres martyrs du même nom, et l'on garde dans cette ville une partie de leurs reliques avec celles de sainte Foi. Les actes de cette Sainte, qu'on trouve dans Surius, sont du cinquième ou du_sixième siècle ( Hist. litt. de la Fr.) ; et le corps de saint Prime, avec la principale partie des reliques de saint Félicien de Rome, gardoient dans cette ville en 846. (Ghesquière, loc. cit. p. 270.) Il n'est donc point hors de vraisemblance que saint Prime et saint Félicien d'Agen aient souffert avec sainte Foi ou peu de temps après.

se

(1) Voyez le bréviaire d'Agen, et les auteurs du Gallia

Christ. vetus et nova.

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