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» et de répéter ces paroles: O vous, qui m'avez » créée, ayez pitié de moi!» Elle continua de faire cette prière, qu'elle accompagnoit de beaucoup de larmes. Elle n'osoit appeler Dieu son Père, parce qu'elle avoit mérité par ses crimes de perdre la qualité de son enfant; elle n'osoit non plus lui donner les titres de Seigneur, de Juge et de Dieu : de Seigneur, parce qu'elle avoit renoncé à lui pour devenir l'esclave du démon; de Juge, parce que la pensée de ses redoutables jugemens la glaçoit d'effroi; de Dieu, parce que son nom est infiniment adorable, et qu'il emporte avec lui l'idée de toutes les perfections. Mais quoiqu'elle l'eût renié par ses actions, elle étoit toujours l'ouvrage de ses mains; et à ce titre, elle le conjuroit d'abaisser sur elle les regards de sa miséricorde, de la tirer de l'abîme de ses misères, de la rétablir dans les droits précieux qu'elle avoit perdus, et de l'embraser de son amour. Elle trouvoit dans sa prière des motifs de s'exciter à la componction, à l'humilité, et à toutes les autres vertus.

Au bout de trois ans, saint Paphnuce alla trouver saint Antoine, pour lui demander si Thaïs n'avoit pas fait une pénitence suffisante pour être réconciliée et admise à la communion. Ils convinrent l'un et l'autre de consulter saint Paul le Simple, Dieu se plaisant à révéler ses volontés aux humbles de cœur. Ils passèrent ensemble la nuit en prières.

Le matin, saint Paul dit que Dieu avoit préparé une place dans le ciel à la pénitente. Paphnuce alla donc lui ouvrir sa cellule, et lui annoncer que sa pénitence étoit finie. Thaïs, frappée des jugemens de Dieu, et se jugeant indigne d'être associée à la compagnie des chastes épouses de Jésus-Christ, demandoit à rester enfermée dans sa cellule jus

qu'à la fin de sa vie; mais Paphnuce ne voulut point le lui permettre. Elle dit que depuis son en trée dans le monastère, elle avoit toujours eu ses péchés devant les yeux, et qu'elle n'avoit jamais cessé de les pleurer. «C'est pour cela, lui répondit >> Paphnuce, que Dieu les a effacés. » Etant sortie de sa prison, elle vécut avec les autres sœurs : mais Dieu satisfait de son sacrifice, la retira de ce monde quinze jours après. On l'honore à différens jours dans l'Occident. Sa fête est marquée au 8 Octobre dans le ménologe des Grecs.

Voyez sa vie, écrite par un ancien auteur grec, dans Rosweide, d'Andilly Bulteau, etc.

S.te PÉLAGIE, PÉNITENTE.

PÉLAGIE étoit comédienne à Antioche, quoiqu'elle se fût fait inscrire parmi les catéchumènes ; mais Dieu l'ayant touchée par des remords salutaires, elle renonça à cette profession criminelle. Voici de quelle manière sa conversion est rapportée dans les ménées dont on se servoit dans l'église grecque, et que l'empereur Basile a publiées. Le patriarche d'Antioche avoit assemblé dans cette ville un concile composé de plusieurs évêques, Saint Nonnus, un d'entre eux, fut prié d'annoncer la parole de Dieu au peuple ; il prêcha devant l'église de Saint-Julien le martyr, en présence des autres évêques. Pendant son discours, passa Pélagie, toute couverte d'or et de pierreries. Sa beauté, relevée encore par la richesse et l'élégance des parures, attira l'attention de l'assemblée. Les évêques détournèrent les yeux pour n'être pas témoins d'un spectacle si scandaleux; mais. Nonnus, regardant Pélagie, dit : « Dieu, » par sa bonté infinie, fera miséricorde, même

› à cette femme, l'ouvrage de ses mains. » Pélagie s'arrêta tout à coup, et se joignit à l'auditoire du saint évêque. Elle fut singulièrement touchée, et bientôt ses yeux se remplirent de larmes. Le dis cours fini, elle alla trouver Nonnus pour le prier de lui indiquer ce qu'elle devoit faire pour expier ses crimes, et de la, disposer à recevoir la grâce du baptême.

Nous apprenons de Libérat (1), que Nonnus avoit succédé à Ibas sur le siége d'Edesse. Celui-ci ayant été rétabli par le concile de Calcédoine, les Pères de ce même concile recommandèrent Nonnus à Maximien, patriarche d'Antioche (2), et on le fit depuis évêque d'Héliopolis en Syrie. Il est nommé sous le 2 Décembre dans le martyrologe romain.

Notre sainte pénitente distribua tous ses biens aux pauvres, changea son nom de Marguerite (a) en celui de Pélagie, et résolut de passer le reste de sa vie dans l'exercice de la prière et dans les austérités de la pénitence. Après son baptême, qu'elle reçut des mains de saint Nonnus, elle se retira à Jérusalem: puis ayant pris le voile de religieuse (b), elle alla s'enfermer dans une

(1) Breviar. c. 12.

(2) Conc. Calced. act. 10.

(a) Ce nom faisoit allusion aux perles et aux bijoux qu'on lui avoit donnés.

(9) Jacques, diacre d'Héliopolis, dit que sainte Pélagie se déguisa en homme pendant sa pénitence. Ceci paroît difficile à concevoir; le déguisement dont il s'agit ne peut être excusé que par une nécessité, telle que celle de sauver sa vie. Il est contraire à la loi naturelle. L'ancien Testament le traité de crime détestable, Deuter. 32; S. Ambroise, ep. 69 ad Irenæum; S. Augustin, l. 2, Solil. c. 16, et les autres Pères en portent le même jugement. Il est également proscrit par les conciles, Gangres, can. 13, Trullan. can. 62, etc. On peut voir aussi le canon, Si qua mulier, distinct. 30, etc. On pourroit encore excuser ceux qui ne porteroient point l'habit de leur sexe, par une ignorance qui n'auroit rien de volontaire dans son principe.

Tome IX.

S*

grotte sur le mont des Oliviers. Elle florissoit dans le cinquième siècle. Phocas, moine de Crète, dans la relation de son voyage de Palestine, qu'il fit en 1185 (3), donne la description du mont des Oliviers, ainsi que de la grotte où sainte Pélagie consomma le martyre de sa pénitence, et où l'on voyoit ses reliques renfermées dans une urne. Cette Sainte est nommée en ce jour dans le martyrologe romain, et dans les calendriers grecs et moscovites; mais elle est nommée sous le 5 Octobre dans l'ancien marbre de Naples (c).

Voyez sa vie écrite par Jacques, diacre d'Héliopolis en Syrie, lequel fut témoin oculaire de sa conversion et de sa pénitence, ap. Rosweide, Vit. Patr. p. 374. La même pièce se trouve dans un ancien Ms. in-folio, sur vélin et bien conservé, qui appartenoit anciennement à l'abbaye de Saint-Edmondsbury en Angleterre, et qui étoit entre les mains de l'auteur anglais. Ce Ms. contient une belle collection latine des Vies des Pères du désert, publiées par Rosweide, d'après les Mss. des différentes bibliothèques des Pays-Bas. Il seroit seulement à souhaiter que le savant Jésuite n'eût pas donné, ou

Quant à sainte Pélagie, on ne peut guères douter que le vêtement qu'elle portoit ne fut fait de manière qu'il convenoit à l'un et à l'autre sexe. En effet, les ménées de Basile disent formellement qu'elle se fit religieuse. Les expressions dont se servent Théophane, Chron. ad an. 25, et Nicéphore Calixte, Hist. l. 14, c. 30, présentent le même sens. Dans le ménologe de Basile, la Sainte est peinte à la droite comme une femme mondaine, écoutant Nonnus assis dans une chaire, et annonçant la parole de Dieu; et à la gauche, elle est représentée habillée en religieuse, et priant devant la grande église de Jérusalem.

(3) L. de Locis sanctis, ap. Leonem Allatium in Symmictis, p. 25, et ap. Papebroch, t. II, Maii.

Juin.

(c) On ne doit point confondre notre Sainte avec sainte Pèlagie, vierge et martyre d'Antioche, qui souffrit sous Dioclétien et sur laquelle on peut voir saint Chrysostôme, Panegyr. t.ll, p. 391, ed. Ben; Lambécius, Bibl. Vind. t. VIII, p. 228, 249, 258, 262, et les martyrologes, sous le Il ne faut pas non plus la confondre avec sainte Pélagie de Tarse, qui souffrit dans la même persécution. Voyez les martyrologes sous le 24 Octobre, et Papebroch, t. I, Maii, p. 747. Les actes de cette Sainte, donnés par Métaphrasté, sont interpolės.

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du moins qu'il eût distingué par quelque marque deux ou trois pièces supposées qui viennent des Grecs modernes. On peut voir encore sur sainte Pélagie, Théophane, dans sa chronologie sous l'an 432; Nicéphore Calixte, etc.

S. ÉVODE. ÉVÊQUE DE ROUEN; S. CALÉTRIC, Évêque de CharTRES; S. GRAT, Évêque de CHALONS-SUR-SAÔNE.

On n'est point d'accord sur le temps où il faut placer saint Évode, vulgairement appelé saint Ived; mais nous suivrons les anciennes listes qui le mettent entre Innocent et Sylvestre, c'est-àdire, dans le cinquième siècle. Selon l'auteur de ces actes, il étoit fils de Florentin et de Céline et il fut élevé dès son enfance dans l'église de Rouen, ce qui fait conjecturer qu'il avoit servi cette église sous saint Victrice. On dit qu'il mourut à Andelis, que son corps fut reporté à Rouen, et enterré dans l'église de cette ville. On le transféra depuis, avec celui de saint Victrice, à Braine, dans le diocèse de Soissons. Il y a en ce lieu une abbaye de son nom, qui appartient à l'ordre de Prémontré.

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Voyez le Gallia Christ. nova, t. I, p. 9; le Cointe, ad an. 544, n. 92; le P. Pommeraye, Hist. des Arckev. de Rouen; Trigan, Hist. eccles. de Normand. t. 1, p. 57.

SAINT CALETRIC, vulgairement saint Caltry (a), étoit encore plus recommandable par ses vertus que par la noblesse de son origine. Ayant été attaqué d'une maladie dangereuse, Mallegonde, sa sœur, envoya prier saint Lubin, évêque de Chartres, qui étoit absent de la ville, de lui envoyer de l'huile bénite. Le saint évêque l'apporta luimême, puis ayant fait sur le malade une onction, accompagnée d'une prière fervente, il lui rendit la santé. Après la mort de saint Lubin, Calétric (a) Eu latin Chaletricus ou Chalactericus.

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