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Sans cesse il conjuroit le ciel de bénir les travaux de son zèle, et il exhortoit toutes les personnes pieuses

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et représenta fortement que plus une dignité ecclésiastique est éminente, plus il importe de mettre ceux qui en sont revêtus dans une sainte nécessité de mener une vie régulière. Il soutint avec la même force, que la résidence dans les pasteurs est de droit divin, et conséquemment indispensable. Où en sommes-nous réduits, disoit-il, si ceux auxquels Dieu a confié le soin de son église mettent en pro» blême l'obligation qu'ils ont de demeurer avec elle ! » Souffriroit-on un serviteur, qui étant chargé des enfans de son maître, disputeroit s'il est tenu d'être auprès d'eux ? » Que dirions-nous d'une mère qui abandonneroit l'enfant » qu'elle allaite, ou d'un berger qui laisseroit son troupeau » dans les champs à la merci des loups Quoi nous dou»terons que nous soyons tenus personnellement de veiller » sur ceux pour lesquels nous sommes tenus de sacrifier nos » vies quand leur salut l'exige» Nous leur devons plus nos vies » pour leurs besoins spirituels, que nous ne nous les devons » à nous-mêmes pour quelque avantage temporel que ce » soit, etc. » Il y avoit long-temps qu'il avoit fait connoître ses sentimens sur les devoirs des pasteurs. Faisant la visite de son diocèse, il vit un jour dans les champs un jeune berger qui ne quittoit point son troupeau au milieu d'un violent orage: il eût pu se mettre à l'abri dans une caverne voisine, mais il ne voulut point s'éloigner, de peur que le loup ou les autres bêtes ne profitassent de son absence. Barthélemi des martyrs fut singulièrement touché de ce qu'il voyoit. « Quelle leçon, dit-il, pour un pasteur des ames! » Avec quel soin ne doit-il pas veiller pour les garantir des > piéges du démon ! »

De Trente il fit un voyage à Rome, où il fut reçu avec de grandes marques d'estime par le pape Pie IV, et par tous les prélats de sa cour. Saint Charles Borromée le consulta, et le pria de lui indiquer la voie qu'il devoit tenir pour se conformer à la volonté de Dieu. L'archevêque de Brague retourna ensuite à Trente; et le concile qui se tenoit dans cette ville finit au mois de Décembre de l'année 1563, après la vingt-cinquième session. Il y avoit dix-huit ans qu'il étoit convoqué; mais il ne fut assemblé que cinq ans, deux sous Paul III en dix sessions, une sous Jules III en six sessions, et deux sous Pie IV en neuf sessions. Il ne se fit rien sous les pontificats de Marcel II et de Paul IV, qui siégèrent entre Jules III et Pie IV.

Barthélemi des Martyrs passa par Avignon en retournant en Portugal. Il rendit compte au vice-légat de tout ce qui s'étoit fait à Trente; il lui raconta entre autres choses ce qui étoit arrivé à deux évêques. Ces prélats étoient venus avec un atta

à demander avec lui la conversion des pécheurs. Il invitoit toutes les créatures à se joindre à lui, à

chement secret au lutheranisme, et dans le dessein de combattre les décrets du concile; mais après avoir assisté aux conférences et aux délibérations, ils sentirent l'extrême différence qu'il y avoit entre le procédé des prétendus réformateurs et celui des catholiques, les premiers soumettant les articles de foi à la décision de leur esprit particulier, de leur caprice ou de leur imagination; les seconds pesant chaque chose dans la balance du sanctuaire, et recherchant avec la plus scrupuleuse attention ce que l'église avoit cru de tout temps, pour mettre la doctrine de Jésus-Christ dans son vrai jour. Ils renoncèrent tous deux à leurs préjugés, et un d'entre eux travailla depuis avec autant de zèle que de succès à la conversion des Calvinistes et des autres sectaires. Voyez le P. Touron, t. IV, p. 645.

L'archevêque de Brague étendoit sa sollicitude pastorale à toutes les parties de son diocèse. Son courage le fit triompher de divers obstacles qu'on lui opposa. Il réforma les abus, et fit exécuter les décrets du concile de Trente. Nous ne finirions pas, si nous voulions rapporter les fruits de son zèle et de sa piété, ainsi que les exemples frappans qu'il donna de toutes les vertus.

En 1578, Sébastien I, roi de Portugal, passa en Afrique avec treize mille hommes d'infanterie, et quinze cents hommes de cavalerie, dans le dessein de rétablir Mahomet, roi de Maroc, qui avoit été détrôné par Muley-Moluc, son oncle. Mais trois rois périrent dans ce même combat. Sébastien fut tué dans l'action, après avoir fait des prodiges de valeur pendant six heures; Muley-Moluc mourut de maladie en donnant ses derniers ordres; Mahomet se noya en prenant la fuite. Le cardinal Henri, oncle de Sébastien, âgé de soixantequatre ans, monta sur le trône de Portugal; il mourut au Commencement de l'année 1580, sans avoir soutenu la réputation qu'il s'étoit acquise dans la vie privée. Philippe II, roi d'Espagne, prit possession de la couronne de Portugal, qu'il prétendoit lui appartenir.

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Peu de temps après cette révolution, D. Barthélemi des Martyrs obtint du pape Grégoire XIII, et du roi Philippe la permission de quitter son archevêché, permission qui lui avoit été refusée par Pie IV et Pie V. Ayant donné sa démission le 20 Février 1582, il se retira dans un couvent de son ordre à Viana, où il se contenta de demander une petite cellule. Il avoit tâché de consoler son peuple et son clergé en les assurant qu'il ne cesseroit jamais de les recommander à Dieu dans ses prières. Il passa huit ans dans cette retraite uniquement occupé des exercices de la vie religieuse. IÍ s'excitoit toujours aux désirs des biens invisibles, et travailTome IX.

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unir leurs cris aux siens, afin de toucher la divine miséricorde en faveur de tant d'ames qui sont sur le bord du précipice, sans penser au danger qu'elles courent. Rien ne lui paroissoit pénible dès qu'il s'agissoit de concourir à leur salut. Il trouvoit un sujet de joie dans les croix les plus pesantes, et dans les plus rigoureuses austérités. Les deux dernières années de sa vie, il fut affligé de diverses maladies; et on l'entendoit souvent répéter avec saint Augustin « Coupez, brûlez, Seigneur; ne » m'épargnez point sur la terre, pourvu que vous » me fassiez miséricorde dans l'éternité.» Il ne diminuoit rien pour cela de sa pénitence ni de ses

travaux.

En 1580, il prêcha encore l'avent à Xativa, et le carême dans la cathédrale de Valence; mais il se trouva mal dans la chaire de cette dernière ville, et on fut obligé de l'emporter chez lui. Sa maladie étant devenue dangereuse, tous ses amis fondant en larmes, s'empressoient de le visiter. Il voyoit arriver tranquillement le jour de sa mort, et il l'avoit prédit un an auparavant à quelques-uns de ses amis, entre autres à l'archevêque de Valence, et au prieur des Chartreux. L'archevêque le seroit à mourir parfaitement à lui-même, afin de ne plus vivre que par l'esprit de Jésus-Christ. Il mourut le 18 Juillet 1590, Idans la soixante-seizième année de son âge, après une maladie longue et douloureuse. Les historiens de sa vie assurent qu'il s'opéra plusiers miracles par son intercession. Louis de Ĝrenade donna une relation abrégée de ses vertus et de ses principales actions. Sa vie a été écrite par trois auteurs graves qui étoient tous contemporains. C'est d'après leur récit, joint à quelques autres mémoires, qu'a été composée la vie fran çaise du saint archevêque de Brague, qui a été imprimée in-8. et in-4.°. Quelques auteurs ont attribué cet ouvrage aux Dominicains; mais ils se sont trompés, et l'on ne doute point qu'il ne soit d'Isaac le Maître, plus connu sous le nom de Sacy. Au reste, cette vie de D. Barthélemi des. Martyrs estès-estimée, et mérite de l'être. Voyez le P. Tourou, t. IV, p. 593.

voit lui-même, et il ne le quitta point tant qu'il vécut. Enfin Dieu l'appela à lui le 9 Octobre 1580, dans la cinquante-cinquième année de son âge. Plusieurs guérisons miraculeuses attestèrent sa sainteté. Paul V le béatifia en 1608, et Clément X le canonisa en 1671.

Voyez la bulle de sa canonisation, et sa vie écrite par le P. Vincent Justinien Antist, Dominicain de Valence; elle a été imprimée à Saragosse et à Valence en 1582. Jean Lopez, évêque de Monopoli, en a donné une nouvelle édition qui est préférable aux précédentes. Voyez le P. Touron, Hom. illustres, t. IV, p. 485.

S. FRANÇOIS DE BORGIA,

TROISIÈME GÉNÉRAL de la COMPAGNIE DE JESUS. Sa vie par Ribadeneïra, qui fut neuf ans son confesseur est le meilleur ouvrage de cet auteur. Il avoit d'ailleurs toutes les qualités requises pour représenter les actions du Saint avec cet esprit qui en avoit été le principe. On préfère la vieille traduction française de cette vie par Béten court, à la version latine qu'en a donnée le P. André, Schott. Nous avons aussi une bonne vie de saint François de Borgia, par le P. Verjus, Jésuite français: elle est écrite avec beaucoup d'élégance, et l'auteur, en profitant du travail de Ribadeneïra, en a conservé toute l'onction. Il s'est également servi d'une du Saint, par le P. Eusèbe de Niéremberg, qui écrivoit en 1644, ainsi que d'une autre vie Ms. composée peu de temps après la mort du Saint, par le père Denis Vasquez, qui avoit long-temps vécu avec lui, et qui avoit été plusieurs années son confesseur. L'original, de ce Ms.. se gardoit dans la maison professe des Jésuites d'Espagne. Le P. Vasquez manque de méthode; mais il rapporte les faits avec exactitude. Le P. Verjus cite encore des mémoires Mss. qui lui ont été four nis par les descendans du Saint, de la famille duquel il y a encore plusieurs, branches en Espagne, dont la prin cipale est celle du duc de Gandi. Voyez aussi Orlatdini, Hist. Societ. l. 8, et sur-tout Sachini, ibid. t. III, avec les additions curieuses que Bartoli a faites à cette histoire, d'après les archives de la maison professe des Jésuites de Rome.

L'AN 1572.

La plupart des Chrétiens sont effrayés par la sévérité des maximes de l'évangile, et vivent de

manière à faire croire qu'ils veulent, pour ainsi dire, composer avec Dieu et le monde. Cela vient de ce qu'ils se forment une idée fausse de la vertu, et qu'ils mesurent sur leur lâcheté l'étendue de leurs devoirs. Si, fermement résolus de se revêtir de l'esprit de Jésus-Christ, ils ouvroient leurs cœurs à la grâce, ils verroient bientôt s'évanouir leurs prétendues difficultés. C'est ce qu'éprouva dans le monde, à la cour, dans l'état religieux et dans les fonctions apostoliques du ministère, le Saint dont nous allons donner la vie.

François de Borgia eut pour père Jean de borgia, troisième duc de Gandie, et grand d'Espa ne, et pour mère Jeanne d'Aragon, fille d' phonse, fils naturel de Ferdinand V, roi d'Aragon, qui, outre ses propres états, gouvernoit encore ceux de la reine Jeanne de Castille sa fille, et de Charles son petit-fils, qui fut depuis empereur. La famille de Borgia florissoit en Espagne depuis long-temps; mais elle reçut un nouveau lustre du cardinal Alphonse de Borgia, qui, en 1455, fut placé sur le saint siége, sous le nom de Calixte III. François naquit en 1510, à Gandie, ville du royaume de Valence, où étoit le principal établissement de sa maison. Sa pieuse mère avoit une grande dévotion à saint François d'Assise, et il fit vœu que, si elle mettoit heureusement un fils au monde, elle lui donneroit le nom de ce grand Saint. Sa prière fut exaucée, et elle tint la promesse qu'elle avoit faite à Dieu.

Son fils étoit à peine en état d'articuler quelques sons, qu'elle lui apprit à prononcer les noms sacrés de Jésus et de Marie. Il savoit dès l'âge de cinq ans les premiers principes de la religion, et il paroissoit déjà pénétré de la sainteté du christianisme. Il se montroit doux, modeste,

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