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affable envers tous ceux qui vivoient avec lui. Les sentimens de gratitude et de générosité dont il donnoit des marques, firent juger dès lors qu'il avoit l'ame naturellement grande. En effet, la gratitude a sa source dans la bonté du cœur, la générosité, si elle est réglée par la prudence et par la charité, est la plus belle vertu d'un prince. qui n'est placé au-dessus des autres que pour leur faire du bien. Lorsqu'il eut atteint sa septième année, on lui donna pour précepteur le docteur Ferdinand, qui réunissoit à la piété le savoir et la prudence. On lui choisit en même temps un excellent gouverneur pour le former aux exercices convenables à sa naissance, et proportionnés à son âge. Ses parens ne se décidèrent dans le choix des personnes qu'ils mirent auprès de lui, que par les vues les plus pures de la religion, persuadés que les premiers principes influent puissamment sur toute la suite de la vie.

Le jeune François fit de rapides progrès dans les lettres et dans la vertu : l'amour de l'étude ne prenoit rien sur ses exercices de piété ; il aimoit à entendre la parole de Dieu; il avoit sur-tout une tendre dévotion pour les souffrances de JésusChrist, qu'il honoroit chaque jour par certaines pratiques. Sa pieuse mère étant tombée dangereusement malade, il alloit souvent se renfermer dans sa chambre. quoiqu'il n'eût que dix ans ; et là, il prioit pour elle avec beaucoup de larmes, après quoi il prenoit une rude discipline. Il ne quitta plus dans la suite cette pratique de mortification. Dieu permit cependant que la duchesse de Gandie ne relevât point de sa maladie; elle mourut en 1520. Cette perte fut extrêmement sensible à François ; mais la foi surmontant la

nature, il modéra sa douleur, et se soumit avec résignation à la volonté divine. Il se rappeloit sans cesse les sages conseils que sa mère lui avoit donnés, et il forma la résolution d'en faire toujours la règle de sa conduite.

L'Espagne étoit alors en proie aux troubles qu'avoient excités les mécontentemens occasionnés par la régence (a). Les rebelles, profitant de l'ab

(a) Ferdinand V succéda en 1474 à Henri, roi de Gastille, du chef de sa femme Isabelle, sœur de ce prince, et en 1479, il hérita du royaume d'Aragon par la mort du roi Jean 11 son père. Le 2 de Janvier de l'année 1492, il s'empara de Grenade, et mit fin à la domination des Maures d'Espagne, qui subsistoit depuis plus de 700 ans. Au mois de Mars suivant, il bannit de l'Espagne les Juifs, qui étoient au nombre de huit cent mille. En 1496, le pape lui donna le titre de roi catholique. Jeanne, sa fille aînée, épousa Philippe, archiduc d'Autriche, fils de l'empereur Maximilien; de ce mariage sortirent Charles et Ferdinand, qui furent successivement empereurs d'Allemagne. Isabelle étant morte en 1504, Ferdinand, qui avoit régné de son chef sur la Castille, fut obligé de céder ce royaume à Jeanne sa fille. Par ce moyen, Philippe I, qui avoit épousé cette princesse , gouverna la Castille jusqu'à sa mort, arrivée en 1506. Ferdinand redevint régent de ce royaume, qui lui fut soumis jusqu'en 1516. Etant mort en cette année, Charles son fils vint de Flandre, ct fut reconnu roi de toute l'Espagne.

Ce prince, connu sous le nom de Charles-Quint, fut élu empereur en 1519, après la mort de Maximilien son grandpère. L'année suivante, il passa en Allemagne, et céda l'Autriche à Ferdinand son frère. En 1525, il vainquit François à Pavie, et le fit prisonnier. Il rétablit dans ses états Mulcassis, dey de Tunis, qui avoit imploré son secours contre Barberousse, fameux pirate turc, qui s'étoit rendu tres-formidable, et qui s'étoit fait dey d'Alger. Il obligea aussi Soliman a lever le siége de Vienne. En 1555, il résigna ses royaumes à Philippe son fils; et l'année suivante, il se fit remplacer dans l'empire par Ferdinand son frère. Il mourut trois ans après. Il avoit épouse Isabelle, fille d'Emmanuel, roi de Portugal; ses filles, Marie, Jeanne et Marguerite, furent mariées, l'une à l'empereur Maximilien II, fils de Ferdinand, l'autre à Jean, prince de Portugal et la troisième à Alexandre de Médicis, duc de Florence, puis à Octave Farnèse, prince de Parme.

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sence du jeune roi (Charles-Quint), qui venoit d'être élu empereur, et qui étoit alors en Allemagne, pillèrent les maisons des seigneurs du royaume de Valence, et se rendirent maîtres de la ville de Gandie. Le duc s'enfuit avec toute sa famille. Lorsqu'il fut à Saragosse, il remit François son fils, âgé de douze ans, entre les mains de l'archevêque Jean d'Aragon son beaufrère. Le prélat se chargea de l'éducation de son neveu, et lui donna d'excellens maîtres pour lui apprendre les sciences, et le former aux exercices convenables à sa naissance. Le jeune François s'appliqua sur-tout à faire des progrès dans la vertu. Ayant entendu deux sermons, l'un sur le jugement dernier, et l'autre sur la passion

D. Juan d'Autriche, fils naturel de Charles-Quint, se rendit célèbre par la victoire qu'il remporta sur les Turcs à Lépante en 1571, et par une expédition contre Tunis, où il commanda trois ans après. Il mourut gouverneur des Pays-Bas.

Charles-Quint a été un des plus puissans princes de l'Europe depuis Charlemagne. Outre l'empire d'Allemagne, et les royaumes d'Espagne, de Hongrie et de Bohême, il、 possédoit encore le duché de Milan avec plusieurs autres territoires en Italie, le duché de Bourgogne et les Pays-Bas. Les historiens ne s'accordent pas sur le jugement qu'on doit porter de ce prince; les Français ne lui rendent point assez de justice: mais les Allemands et les Espagnols lui donnent des louanges outrées. Il eut de grands défauts et de grandes qualités. Il paroît qu'il expia par la pénitence les crimes qu'on lui reproche.

Philippe II, roi d'Espagne, qui régna quarante - deux ans, et qui mourut à l'Escurial en 1598, épousa successive- ' ment Marie, fille de Jean IV, roi de Portugal; Marie d'Angleterre; Elisabeth, fille de Henri II, roi de France. 11 eut de sa première femme, D. Carlos, qu'il fit mettre à mort; et de sa troisième, Isabelle, qui fut mariée à l'archiduc Albert, fils de l'empereur Maximilien II. Albert avoit été fait cardinal dans sa jeunesse ; mais après la mort de son frère l'archiduc Ernest, gouverneur de Flandre ? arrivée en 1596, il quitta l'état ecclésiastique, et épousa l'infante d'Espagne. On leur donna pour apanage les PaysBas., avec le titre de princes de Flandre.

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de Notre-Seigneur, il en fut si vivement touché, qu'il conserva le reste de sa vie une grande crainte de la justice divine, et un grand désir de mourir pour celui qui l'avoit racheté au prix de son sang. Quelque temps après, il fit un voyage à Baëza pour aller voir son aïeule c'étoit Dona Marie de Lnna, femme de D. Henriquez, oncle du roi Ferdinand, et grand général de Léon. François tomba malade à Baeza; il y souffrit de grandes douleurs pendant six mois; mais il les sanctifia par sa patience et son humilité. Sa santé étant rétablie, ses parens l'envoyèrent à Tordésillas, et l'attachèrent à l'infante Catherine, sœur de Charles-Quint, laquelle fut mariée, en 1525, à Jean III, roi de Portugal. Le duc de Gandie, qui avoit de plus grandes vues, par rapport à son fils, le rappela lorsque la princesse partit pour le Portugal, et pria l'archevêque de Saragosse de reprendre le soin de son éducation.

François avoit alors quinze ans. Sa rhétorique achevée, il fit son cours de philosophie sous un maître habile. Il ne prit de cette science que ce qu'elle a d'utile, et sut se précautionner contre certains abus de la méthode scolastique, plus communs alors qu'ils ne le sont aujourd'hui. Ses maîtres ne se contentèrent point de lui former le goût et le jugement, ils étendirent encore ses connoissances, en mettant de la variété dans l'objet de ses études. Enfin ils lui inspirèrent l'amour du travail, et lui apprirent le moyen de le rapporter à la pratique de la vertu.

A l'âge de dix-huit ans, il se sentit une forte inclination pour l'état religieux, et il l'auroit suivie, s'il eût été maître de disposer de sa liberté. Vers le même temps, il fut tourmenté par de violentes tentations d'impureté ; mais il en triom

pha par l'usage fréquent de la confession, par des prières ferventes, par des lectures pieuses par la pratique de la mortification et de l'humilité, par la défiance de soi-même, et par une ferme confiance en Dieu, qui peut seul accordér le trésor inestimable de la chasteté. Son père et son oncle, qui vouloient le distraire du dessein où il étoit de se faire religieux, l'envoyèrent à la cour de Charles-Quint en 1528 ils espéroient que le nouveau genre de vie qu'il alloit mener lui donneroit d'autres pensées.

François fit paroître à la cour une prudence qu'on remarquoit à peine dans les personnes les plus âgées. Son assiduité à ses devoirs, relevée par l'éclat de sa vertu, l'eurent bientôt distingué. Il avoit le cœur noble, généreux et reconnoissant. Il honoroit Dieu dans le prince, et c'étoit au Seigneur qu'il rapportoit ses actions, et les marques de faveur qui étoient la récompense de ses services. Il faisoit observer le plus bel ordre dans son domestique. Chaque jour il entendoit la messe, et il avoit ses heures réglées pour la lecture et la prière. Il assistoit aux sermons autant qu'il lui étoit possible; il aimoit à converser avec les personnes pieuses, et s'approchoit du sacrement de pénitence presque tous les dimanches et les principales fêtes. Il vouloit aussi que ces jours fussent célébrés dignement par tous ceux qui lui étoient attachés; mais quoiqu'il ne goûtât de vrai plaisir que dans la compagnie des personnes pieuses, il étoit affable envers tout le monde, et s'empressoit d'obliger tous ceux auxquels il pouvoit rendre service. La médisance lui étoit en horreur, et il ne permettoit jamais que l'on blessât la réputation du prochain en sa présence. Son ame ne fut jamais souillée d'aucune de ces passions qui sont si comTome IX.

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