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» souffrir quelque chose pour pratiquer la patience et pour expier leurs péchés. » Il disoit un jour à celle de ses sœurs qui étoit Clarisse à Gandie: « C'est un devoir dans l'état religieux » de mourir à soi-même vingt-quatre fois par > jour, afin que l'on puisse dire avec l'apôtre, » je meurs tous les jours, et que l'on soit du >> nombre de ceux dont le même apôtre dit, › vous êtes morts (2). » Dans la maladie, il prenoit sans répugnance, et même avec joie, les remèdes les plus dégoûtans, et il disoit à ceux qui en marquoient de l'étonnement, qu'il devoit expier par-là son ancienne délicatesse, et se souvenir d'ailleurs que Jésus-Christ avoit été abreuvé de fiel sur la croix.

Que n'aurions-nous pas à dire de ses autres vertus, et sur-tout de cet esprit de prière qu'il possédoit dans un si haut degré! Mort au monde et à lui-même, intimement pénétré de la bassesse de son néant et de la grandeur de la bonté divine, il soupiroit vers Dieu avec une ferveur continuelle. Au milieu des affaires les plus dissipantes, il ne perdoit point de vue la présence du Seigneur. Il regardoit comme un instant les cinq ou six heures qu'il donnoit le matin à la prière; et quand il sortoit de cet exercice, on remarquoit sur son visage je ne sais quoi d'extraordinaire. Sa préparation à la messe étoit fort longue; et pendant son action de grâce, il étoit quelquefois tellement abîmé en Dieu, qu'on se trouvoit obligé d'aller le chercher à l'église; son recueillement et sa modestie inspiroient la ferveur à tous ceux qui le voyoient, ou qui conversoient avec lui. Pour acquérir une pureté plus parfaite, il se confessoit deux fois par jour; pra(2) Col. III, 3.

tique toutefois qui ne peut être généralement conseillée, à cause du danger qu'il en résulteroit, si l'on n'y apportoit pas les mêmes dispositions que le serviteur de Dieu. Enivré en quelque sorte des douceurs ineffables qu'il goûtoit dans les communications de son ame avec Dieu, il déploroit amèrement l'aveuglement des mondains, qui ne connoissent point le bonheur de la vie spirituelle, et qui ne soupirent qu'après les plaisirs des sens. Ayant appris dans les rues de Valladolid la nouvelle de la mort subite de la comtesse de Lerma, celle de ses filles qu'il aimoit le plus tendrement, et qui étoit encore plus recommandable par sa piété que par ses belles qualités, il s'arrêta, pria quelques instans pour elle, et continua son chemin. Il alloit pour lors à la cour; lorsqu'il y fut arrivé, il s'entretint avec la princesse comme à son ordinaire, et en la quittant il recommanda à ses prières l'ame de la comtesse. « Eh quoi! dit la princesse, a-t-on jamais » vu quelqu'un aussi peu touché de la mort de » sa fille ! Madame, répondit le Saint, elle ne » m'avoit été que prêtée. Le maître l'a appelée à » lui. Ne dois-je pas le remercier de me l'avoir » laissée si long-temps, et de l'avoir ensuite fait » entrer dans la gloire, comme je l'espère de sa

miséricorde ! » Il dit encore dans une occasion » seemblable : « Depuis que le Seigneur m'a faitla » grâce de m'appeler à son service, et qu'il a » exigé de moi que je lui donnasse mon cœur, j'ai tâché de me résigner si parfaitement à sa >> volonté, qu'aucune créature morte ou vivante » ne pût jamais me jeter dans le trouble. »

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Le père Laynez, second général des Jésuites étant mort en 1565, François fut élu pour lui succéder le 2 Juillet de la même année. On avoit

su déconcerter les précautions qu'il avoit prises pour empêcher son élection. Il fit de tendres exhortations à tous les Pères qui composoient l'assemblée générale de la société, et voulut leur baiser les pieds avant qu'ils se séparassent. Son premier soin fut de fonder à Rome une maison pour le noviciat. Il soutint avec tant de succès les intérêts de la société dans toutes les parties du monde, qu'on peut à juste titre l'en regarder comme le second fondateur. Il montra tant de zèle à étendre les missions, et à former des ouvriers évangéliques, qu'il eut devant Dieu beaucoup de part au mérite des prédicateurs qui annoncèrent la foi dans les pays les plus éloignés. Il n'en avoit pas moins pour former ceux des Pères qui étoient destinés à rester en Europe, et pour les bien pénétrer de l'esprit de leur institut, qui a pour objet la réformation des mœurs des Chrétiens. La prédication étant le principal moyen dont Dieu se sert pour la conversion des ames, il recommandoit fortement de s'appliquer à ce genre de ministère, et il traça lui-même les règles qu'il falloit suivre pour y réussir (3).

Durant la peste qui causa de grands ravages à Rome, en 1566, il vola avec ardeur au secours de ceux qui étoient attaqués de ce fléau; il obtint des magistrats, et du pape, des aumônes abondantes pour les pauvres. Il envoya les Pères de la société dans les différens quartiers de la ville, et ceux-ci secondèrent son zèle aux dépens de leur propre vie.

En 1570, l'année qui précéda la journée de Lépante, il accompagna le cardinal Alexandrin, neveu de Pie V, en France, en Espagne et en Portugal. Le but de cette légation étoit de solli(3) Dans son livre de ratione concionandi.

citer le secours des princes chrétiens contre les Mahometans. Le Saint étoit malade depuis quelque temps, et il eût renoncé au généralat, si on le lui eût permis. Sa santé se dérangea de plus en plus durant la légation du cardinal Alexandrin. En revenant à Rome, il se trouva fort mal à Ferrare, et il eut besoin d'une litière pour continuer sa route. Tant que dura sa maladie, il ne reçut point de visites, et ne voulut voir que les médecins. Les Pères de la société le prièrent de nommer son successeur, et de leur permettre de le faire peindre; mais il ne consentit ni à l'un, ni à l'autre. Un peintre étant entré pendant son agonie, il s'en aperçut, témoigna son mécontentement, et tourna le visage d'un autre côté, en sorte qu'on ne put le tirer. Il termina sa sainte vie la nuit du 30 Septembre au 1. Octobre 1572, dans la soixante-deuxième année de son âge. On l'enterra dans l'ancienne église de la maison professe; mais en 1617, le cardinal duc de Lerma, son petit-fils, premier ministre de Philippe III, roi d'Espagne, fit transporter son corps dans l'église de la maison professe des Jésuites de Madrid. François de Borgia fut béatifié par Urbain VIII, en 1524, et canonisé par Clément IX, en 1671. Innocent XI fixa sa fête au 10 Octobre, en 1683.

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Un ministre de l'Evangile doit allier la vie contemplative à la vie active; ce sont comme deux sœurs qui doivent toujours aller ensemble, et s'aider mutuellement. Quelle que soit l'exactititude d'un pasteur dans l'accomplissement des fonctions extérieures de sa charge, il manque dans un point essentiel, s'il cesse un instant de recommander au ciel les besoins de son peuple, puisqu'il est établi médiateur entre Dieu et les

hommes. Le recueillement, la prière et la méditation sont l'ame de l'état ecclésiastique. Qu'un ministre de Jésus-Christ passe sa vie dans une dissipation habituelle, non-seulement il ne remplit par ses devoirs, mais il se rend encore incapable de remplir dignement ses fonctions. Sans l'esprit de prière, un pasteur n'est plus qu'une ombre de pasteur; c'est un corps privé de l'ame qui doit l'animer; il ne mérite plus le nom d'ecclésiastique, ou celui de religieux, s'il a embrassé cette sainte profession.

S. CLAIR, PREMIER ÉVÊQUE DE Nantes.

SELON l'opinion la plus probable, ce Saint vint dans les Gaules vers l'an 280, sous le règne de Probus. Il fut envoyé non de Tours par saint Gatien, mais de Rome par le pape, avec le diacre Adéodat. On croit qu'il est le même que saint Clair d'Aquitaine, qui de cette province pénétra dans la Bretagne. On a toujours cru dans le diocèse de Vannes qu'il y étoit mort, et qu'il y avoit été enterré; mais en 878, ses reliques furent portées à l'abbaye de Saint-Aubin d'Angers, et elles s'y gardent encore. Sa fête est marquée au au 10 et au 15 Octobre.

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Voyez les leçons du bréviaire de Tréguier; Lobineau, Vies des Saints de Bretagne, p. 6, et de Morice, Hist. de Bretagne.

S. PAULIN, ÉVÊQUE D'YORCK.

SAINT PAULIN est nommé dans le martyrologe romain, et dans ceux de la Grande - Bretagne, avec le titre d'apôtre des sept royaumes des Anglo-Saxons. Il passa en Angleterre en 601, avec saint Mellit, saint Juste, et plusieurs autres missionnaires. Saint Grégoire le Grand les y envoya

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