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Saint Théodore, archevêque de Cantorbéry, faisant la visite de son diocèse peu de temps après son installation, trouva que l'élection de saint Chad n'avoit point été canonique, et en conséquence il lui ôta le siége qu'il occupoit; mais il fut si touché de ses vertus, et sur-tout de son humilité, qu'il le fit évêque de Litchfield; il mit. en même temps Wilfrid en possession du siége d'Yorck. Tout ceci se passa dans l'année 669. Oswi, qui mourut l'année suivante, ayant perdu Alcfrid, son fils aîné, qu'il avoit fait roi de Bernicie, lui donna pour successeur Egfrid, son second fils. Saint Wilfrid consacra en présence du nouveau roi l'église qu'il avoit fait bâtir à Rippon sous l'invocation de saint Pierre; il consacra aussi

dans son histoire de Stamford.) Le pays dont il s'agit s'étant depuis rendu indépendant, au moins en partie, les Northumbres en firent de nouveau la conquête, et en furent les maîtres pendant quelques années.

L'église de Saint-Léonard près de Stamford étoit anciennement célèbre par la dévotion des fidèles. La nef qui subsiste encore, offre les restes d'un édifice magnifique; elle sert aujourd'hui de grange. En creusant les fondations de la maison du fermier, on trouva des cercueils de pierre remplis d'ossemens de morts illustres qu'on jeta dans les champs avec une indécence qu'auroient sévèrement punie les Romains, tout païens qu'ils étoient. M. Héarn s'exprime de la sorte en parlant des ruines de l'abbaye de Rewley près d'Oxford, Præf. in Text. Roffens. p. 43. « On trouve souvent en creusant une » grande quantité d'ossemens humains, que l'on traite avec indignité, sans penser que les personnes enterrées en ce lieu » étoient célèbres par toutes sortes de vertus, et sur-tout par » leur justice, leur clémence et leur charité envers les pau»vres. Mais je prévois ce que répondront les apologistes du sacrilege. Il y a de semblables plaintes dans Stevens et dans plusieurs autres écrivains protestans; et la plupart pourroient paroître trop fortes si nous les rapportions ici.!

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Chez les Romains, on punissoit rigoureusement la violation volontaire d'un tombeau, comme nous l'avons observé plus haut. C'étoit un sacrilége, un crime qui intéressoit le public, et qui approchoit de celui de trahison. Voyez Guthérins, jure manium, l. 3, c. 25. De sepulchro violato apud Grævium Antiquit. Rom. t. XII,

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depuis celle de Saint-André d'Hexam, et plusieurs autres en différens lieux du royaume.

Comme il joignoit à une vertu éminente, le don de la persuasion, il étendit de toutes parts le règne de la piété. Il fit venir du royaume de Kent le chantre Eddi Stephani, qui depuis ce temps-là fut le compagnon inséparable de ses travaux, et qui dans la suite écrivit sa vie. Aidé de son secours, il établit l'usage du plain-chant dans toutes les églises du nord de la Grande-Bretagne, et sut l'adapter avec beaucoup d'intelligence aux différentes parties de l'office divin (g). Ce chant, qui est facile à apprendre, lui paroissoit d'ailleurs plus digne de la noble simplicité de la religion (3). L'état monastique étoit un des principaux objets de la sollicitude du saint évêque; il l'établit au milieu et au nord de l'Angleterre, comme saint Augustin l'avoit precédemment établi dans le pays de Kent (4).

Dagobert, fils de Sigebert, roi d'Austrasie, avoit été chassé de France, de peur qu'il ne trouvât dans la suite les moyens de remonter sur le trône de son père. Il fut élevé en Irlande et en Angleterre, et il eut le bonheur, dès son enfance, de connoître saint Wilfrid, et de recevoir ses instructions. Le saint évêque lui rendit de grands

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(g) Gui, moine d'Arezzo en Toscane, inventa en 1009 la gamme, et les six notes ut, re, mi, fa, sol, la, syllabes qui sont tirées des trois premiers versets de l'hymne, Ut queant laxis, etc. Sans l'usage de la gamme, on ne pourroit bien apprendre le plain-chant sur-tout en peu de temps. J'espère, dit Gui dans une lettre qu'il écrivoit à ce sujet, que ceux qui viendront après nous ne nous oublieront point dans leurs prières. Nous faisons un habile maître de chant » en un ou deux ans, tandis qu'auparavant il en falloit dix » pour l'apprendre même d'une manière imparfaite. » (3) Voyez Smith, in Bed. app. n. 12, p. 720.

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(4) Voyez le savant ouvrage du P. Reyner, intitulé: Apostolatus Benedictinorum in Angliâ.

Tome IX.

services, lorsqu'il retourna en France, où il recouvra, en 674, la plus grande partie de son

royaume

Le roi Egfrid avoit épousé sainte Audri. Cette princesse voulut embrasser l'état monastique, en vertu de la liberté que l'église donnoit à cet égard aux personnes mariées, avant qu'elles eussent habité ensemble; mais Wilfrid mit tout en œuvre pour la dissuader de l'exécution de ce dessein, Les raisons qu'il alléguoit étant inutiles, et Audri persistant dans sa résolution, il consentit enfin à lui donner le voile. Cette action fit entrer le roi dans une étrange colère. Ses sentimens pour Wilfrid ne furent plus les mêmes; excité d'ailleurs par Ermenberge, la nouvelle reine, il résolut de le mortifier en toute occasion. Il voulut d'abord démembrer son évêché qu'il gouvernoit saintement depuis dix ans. Il gagna, par des raisons spécieuses, Théodore, archevêque de Cantorbéry, et métropolitain de toute l'Angleterre. Ce prélat sacra Bosa, évêque d'Yorck pour les Déires; Eata, évêque d'Hexam pour les Berniciens; Eadhed, évêque de Lindsey, ou d'une grande partie de Lincolnshire, qu'Egfrid avoit détaché de la Mercie, quatre ans auparavant (5). Tout ceci se passa en 678. Eadhed fit d'abord sa résidence à Sidnacester, près de Gainsborough; mais il se retira à Rippon, lorsque le roi Wulfère eut recouvré le Lindsey et tout le Lincolnshire.

Wilfrid s'opposa d'abord au démembrement de son diocèse. Voyant qu'on n'avoit aucun égard à ses raisons, il résolut d'en appeler au pape. La crainte cependant d'exciter un schisme, lui fit

(5) Voyez Johnson dans son Recueil des Cant. Ang, an. 679, Prof.

renfermer en lui-même ses justes plaintes; mais pour n'être pas témoin des désordres que proscrivoient les canons, il s'embarqua pour aller à Rome. Des vents contraires le jetèrent sur les côtes de la Frise, et comme les habitans de ce pays étoient plongés dans les ténèbres de l'idolâtrie, il leur prêcha la foi. Il resta avec eux l'hi ver, et le printemps suivant; il en convertit et en baptisa un grand nombre, parmi lesquels il y avoit des personnes de considération. Ce fut ainsi qu'il commença à défricher le champ que cultivèrent depuis saint Willibrord et les autres missionnaires qu'attira son exemple. Il y a toujours été honoré depuis comme l'apôtre du pays (6).

Ebroïn, soit à la sollicitation des ennemis que Wilfrid avoit en Angleterre, soit à cause de son ancienne liaison avec saint Delphin, de Lyon, ou plus vraisemblablement à cause des services qu'il avoit rendus au roi Dagobert, écrivit à Adalgise, roi des Frisons, pour lui promettre une magnifique récompense, s'il vouloit lui livrer la tête du saint évêque. Le prince lut publiquement la lettre en présence de Wilfrid, en présence des enyoyés d'Ebroïn et de ses propres officiers; il la déchira ensuite, et la jeta au feu pour marquer l'horreur qu'il avoit de la proposition qu'on avoit osé lui faire (h).

(6) Batavia sacra, p. 25.

(h) Winfrid, évêque de Mercie, ayant été chassé pour s'être opposé au démembrement de son diocèse, s'embarqua et vint aborder à Quentavic ou Estaples, en Picardie. On le prit pour Wilfride, à cause de la ressemblance des noms, et on le mit en prison après avoir massacré tous ceux qui l'accompagnoient. ( Eddi, in vitâ S. Wilfridi, c. 34, 53.) Il ne put conséquemment aller à Rome comme il se l'étoit proposé. Lorsqu'il eut recouvré sa liberté, il retourna en Angleterre, et se retira dans le monastère que les imprimés de Bède ap

L'été suivant, Wilfrid quitta la Frise, après y avoir établi des pasteurs, et vint dans l'Austrasie. Le roi Dagobert II le reçut d'une manière très-honorable, et lui offrit l'évêché de Strasbourg, qui étoit alors vacant. N'ayant pu le lui faire accepter, il lui fit des présens considérables, en reconnoissance des services qu'il avoit reçus de lui pendant son séjour en Angleterre, et il voulut qu'il fût accompagné à Rome par Adéodat, évêque de Toul. Wilfrid arriva dans cette ville en 679.

Agathon occupoit alors le saint siége; il avoit appris déjà ce qui s'étoit passé en Angleterre par les lettres de Théodore de Cantorbéry. Il résolut, pour terminer cette affaire, de convoquer un concile, qui s'assembla au mois d'Octobre de l'année 679, dans la basilique de Latran, et qui fut composé d'environ cinquante, tant évêques que prêtres (i). Les causes de la dissention des églises de la Grande-Bretagne y ayant été mûrement examinées, il fut décidé par l'autorité du saint père, qu'il n'y auroit en Angleterre qu'un archevêque honoré du pallium; que ce seroit lui qui ordonpellent Barua pour Barnæ. Ce monastère étoit dans le Lindsey, nom que l'on donne à la partie septentrionale du Lincolnshire, qui est entre la Witham et l'Humber. On pense que c'étoit celui de Barney; mais on ignore quel en fut le fondateur. L'opinion la plus probable est qu'il fut fondé par saint Chad, lorsqu'il étoit évêque de Mercie; il est au moins certain qu'il fut bâti sous le règne de Wulfère. Carte conjecture que Winfrid resta évêque de Lindsey, qui vers ce tempslà devint un siége séparé sous le nom de Sidnacester, mais il n'est point dans le catalogue des évêques de ce siége; d'ailleurs il étoit à peine arrivé à Barney, quand Egfrid s'empara de tout le Lindsey. Ce prince en fut maître pendant cinq ans, c'est-à-dire, jusqu'en 679 qu'Ethelred, roi de Mercie, le lui enleva.

(i) Les noms de ceux qui assistèrent à ce concile sont étrangement défigurés dans Spelman, Conc. Brit. t. 1, p. 158. Voyez Labbe, Conc. t. VI, p. 579.

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