Images de page
PDF
ePub

neroit canoniquement les évêques des autres. siéges; qu'aucun de ces évêques n'attenteroit aux droits de ses confrères, mais que tous s'appliqueroient à la conversion et à l'instruction du peuple. Après ce décret, on fit entrer saint Wilfrid au concile (k), et il présenta sa requête en personne. On donna des éloges à cette modération qui l'avoit porté à ne point aigrir les esprits par une résistance opiniâtre, et à se contenter de la voie de la protestation et de l'appel, en promettant de se soumettre à la décision de ses juges. Les pères du concile, frappés de la solidité de ses raisons, prononcèrent qu'il devoit être rétabli sur son siége. Wilfrid resta quatre mois à Rome et assista à ce celèbre concile de Latran, qui condamna l'hérésie des Monothélites.

[ocr errors]

Lorsqu'il fut de retour en Angleterre, il alla trouver le roi, et lui remit les lettres du pape. Le prince les fit lire aux évêques de son parti qui étoient alors avec lui; mais comme ce qu'elles contenoient détruisoit ces prétentions, il s'écria qu'on en avoit imposé au souverain pontife. II ordonna qu'on se saisît de Wilfrid, et qu'on le conduisît en prison. On lui enleva tout ce qu'il avoit, et on dispersa de différens côtés tous ceux qui lui étoient attachés. La reine s'empara d'une boîte de reliques qui lui appartenoit. Les gardes du saint évêque furent fort édifiés en l'entendant chanter des psaumes dans sa prison, et les marques visibles de la puissance divine qu'ils y aperçurent les glacèrent d'effroi. Le principal officier de ceux qui gardoient Wilfrid, voyant qu'il avoit

(k) Suivant Johnson, le Saint n'assista qu'à un second coneile qui se tint peu de temps après celui dont il s'agit, et dans le même lieu. Il pense qu'il n'étoit point encore à Rome lorsque le premier s'assembla; que ce fut par lettres qu'il instruisit le pape de son affaire.

guéri miraculeusement sa femme, refusa de prêter plus long-temps son ministère à l'injustice. Le roi fit conduire le Saint dans une autre prison. La reine cependant tomba dangereusement malade dans un monastère, dont Ebbe, tante du roi, étoit abbesse. Touchée des représentations qui lui furent faites sur l'injustice dont elle s'étoit rendue coupable, elle parut rentrer sérieusement en elle-même; elle voulut que Wilfrid fût mis en liberté, et ses reliques lui furent rendues. On permit aussi à ceux de ses amis qu'on avoit dispersés de venir le rejoindre.

Wilfrid, brûlant de zèle pour la conversion des infidèles et pour le salut des ames, se retira dans le pays des Saxons méridionaux, que la lumière de la foi n'avoit point encore éclairés. Edilwalch, roi de ces peuples, qui, depuis peu avoit été baptisé dans la Mercie, le vit arriver dans ses états avec beaucoup de plaisir. Le Saint, dont la mission fut autorisée par divers miracles, convertit toute la nation. II bâtit les monastères de Bosenham et de Selsey. Le second devint un siége épiscopal, qui fut depuis transféré à Chichester. Wilfrid procura la conversion de l'île de Wight, en y envoyant un prêtre zêlé pour la gloire de Dieu. Cadwalla, roi des West-Saxons, auquel cette île obéissoit, l'envoya chercher pour lui demander des conseils. Le saint évêque faisoit sa résidence ordinaire dans la péninsule de Selsey; mais le roi Egfrid étant mort cinq ans après, on le rappela dans le Northumberland. Ce prince perdit la vie dans une bataille contre les Pictes, en 685. Comme il ne laissoit point d'enfans, on lui donna pour successeur Alcfrid, son frère naturel, qui, depuis plusieurs années, menoit une vie sainte en Irlande.

Gependant Théodore de Cantorbéry se voyant accablé d'années et d'infirmités, fit prier Wilfrid

de venir le voir à Londres, chez Erchambald, évêque de cette ville. Notre Saint lui accorda ce qu'il demandoit. Quand il fut arrivé, Théodore fit en sa présence et en celle d'Erchambald l'aveu des fautes de toute sa vie; puis, adressant la parole à Wilfrid : « Ce qui me donne, dit-il, le plus de remords, c'est de m'être réuni au roi » pour vous dépouiller de vos possessions, sans » que vous eussiez mérité un pareil traitement. » Je confesse mon crime à Dieu et à saint Pierre, » et je les prends à témoins que je ferai tout ce

[ocr errors]

qui sera en moi pour le réparer, et pour vous » réconcilier avec les princes et les seigneurs qui » sont mes amis. Dieu m'a fait connoître que je » ne vivrai plus à la fin de cette année. Je vous » prie de consentir que l'on vous établisse, des ⚫ mon vivant, archevêque de Cantorbéry. Puis> sent Dieu et saint Pierre, répondit Wilfrid, » vous pardonner toutes nos divisions! je ne ces» serai de prier pour vous, comme pour mon » ami. Employez-vous pour que l'on me rende » une partie de mes possessions, conformément » au décret du saint-siége. Quant à votre succes»seur, c'est une affaire que l'on examinera en-. >> suite dans une assemblée particulière. »

En conséquence de cet engagement, Théodore écrivit aux rois Alcfrid et Ethelred, à Elflède, qui avoit succédé à saint Hilde dans le gouvernement de l'abbaye de Streaneshalch, etc. Alcfrid rappela le saint évêque sur la fin de l'année 686, et lui rendit successivement tout son diocèse. Wilfrid réduisit Hexam et Rippon à l'état de simples monastères, comme ils avoient été primitivement. Saint Cuthbert, qui ne s'étoit laissé sacrer évêque que par obéissance, ayant vu notre Saint de retour, se retira à Farne, où il mourut

en 687. A sa mort, Wilfrid fut obligé de prendre le gouvernement du diocèse de Lindisfarne, jusqu'à ce qu'on lui eût donné un nouveau pasteur.

La sainteté, la vigilance et le zèle infatigable du saint évêque, devoient naturellement fermer la bouche à ses ennemis; mais ses vertus mêmes excitèrent contre lui de nouveaux orages. Alcfrid voulut ériger un évêché à Rippon; mais Wilfrid ne voulut point consentir à l'exécution de son projet cette opposition irrita le prince, et le Saint fut obligé de s'enfuir cinq ans après son rétablissement. Il se retira chez Ethelred, roi des Merciens, qui le reçut avec bonté, et le pressa d'accepter le siége de Litchfield alors vacant. Ses discours sur la vanité du monde et sur l'importance du salut firent une impression si vive sur Ethelred, qu'il renonça depuis au trône pour embrasser l'état monastique. Il fonda dans la Mercie un grand nombre d'églises et de mo

nastères.

Les ennemis qu'il avoit dans le Northumberland ne restèrent point tranquilles; ils firent entrer dans leurs intérêts Brithwald, archevêque de Cantorbéry, et sollicitèrent une sentence de déposition contre celui qu'ils vouloient perdre. Wilfrid appela une seconde fois à Rome, et s'y rendit en 703. Ses accusateurs y allèrent aussi; mais leurs mauvais desseins tournèrent à leur confusion. Le pape Jean VI le reçut honorablement, et le loua d'avoir en tout suivi ce que prescrivent les canons. Sa vie étoit d'ailleurs irréprochable, et ses ennemis en convenoicnt. Il n'auroit pu être déposé que pour quelque faute grave, et cette faute auroit dû être prouvée dans un concile. Quant à la division de son évêché, son consentement étoit nécessaire, et il y avoit de l'in

:

justice à le dépouiller de son siége. On avoit encore besoin de l'autorité d'un concile provin cial, et même de celle du pape, comme il se pratiquoit en pareil cas dans l'église d'Occident: mais Wilfrid étoit la victime de l'envie et de la vengeance; ces deux passions en firent agir d'autres, quoiqu'on puisse cependant excuser quelques-uns de ses persécuteurs sur leur simplicité et leur ignorance. De tous les évêques de la Grande-Bretagne, il étoit le plus instruit et le plus versé dans la connoissance des canons de l'église, comme Théodore lui-même le reconnut avant de mourir de là ce zèle pour la discipline que les courtisans désapprouvoient. On ne peut douter de la pureté de ses vues, quand on se rappelle sa charité envers ses persécuteurs, la douceur qu'il montra dans la défense des droits de son siége, cette humilité et ce désintéressement qui lui firent refuser l'évêché des Merciens, et qui l'empêchèrent de se rendre aux désirs de saint Théodore, qui vouloit le placer sur le siége de Cantorbéry (4). Jamais il ne se servit de ses revenus que pour fonder des églises et pour assister les pauvres. Malgré toutes les traverses qu'on lui suscita, il ne perdit rien de son activité à saisir toutes les occasions de procurer la gloire de Dieu. Tous ceux qui jugèrent de lui avec impartialité, reconnurent qu'il étoit tel que nous

(4) Un trait de modestie bien remarquable en saint Wilfrid, c'est qu'il ne sollicita jamais la juridiction de métropolitan le que pape saint Grégoire avoit accordée au siége d'Yorck et dont saint Paulin avoit joui. Cette juridiction passa aux évêques scots qui résidoient à Lindisfarne; mais elle revint au siége d'Yorck en 734, sous l'épiscopat d'Egbert ou Ecgbright, frère d'Eadbyrht, roi de Northumberland, prélat qui fut, au rapport de Bède, bien plus recommandable par la supériorité de ses lumières que par son auguste naissance: il fut le maître d'Alcuin.

« PrécédentContinuer »